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CHANSON

ANNE SILA ‘AMAZING PROBLEM’ INTERVIEW

Remarquée en 2015 dans le télécrochet « The Voice » où elle a atteint le stade de la finale, la chanteuse Anne Sila possède un tempérament de feu. Passant de la ballade aux intonations plus dures du rock ou plus "groove" du jazz, ses interprétations possèdent un contraste saisissant entre fragilité et force ; un affrontement qu'avait relevé alors Florent Pagny, l'un des "coach" de l'émission. Son séjour à New York et sa rencontre avec le claviériste Ray Angry a donné vie à Amazing Problem, un premier album à la tonalité éclectique. Cette soif d’intensité et ce besoin d’excellence confèrent déjà à ce disque une place à part. Son langage, son écriture hérités de la pop, du blues et du rock sont le fruit de multiples rencontres et le résultat d'un vécu flirtant parfois avec les années d’adolescence.


INTERVIEW ANNE SILA

Nous découvrons avec plaisir le premier album d’Anne Sila… Bonjour Anne, vous avez 26 ans, comment avez-vous commencé dans la musique ?

Anne Sila : j’ai commencé au conservatoire avec le violoncelle et puis, quand j’ai eu 17 ans, je me suis mis très vite à faire du jazz… À partir de ce moment-là, j’ai découvert plein de styles de musique et j’ai pris le temps de tous les travailler, les tester. C’est un gros parcours classique avant et puis plus moderne par la suite.

C’est aussi un parcours d’instrumentiste. À quel moment vous êtes vous mise à chanter ?

Je chantais déjà quand j’étais enfant. Je crois que j’étais comme toutes les gamines de mon âge. Je rêvais d’être chanteuse, mais je ne pensais pas que cela était possible. Je chantais surtout pour énerver mes parents, en chantant à fond la caisse dans le salon tous les soirs !

Après une master class à Valence, le contrebassiste François Moutin vous invite à venir chanter à New York. Qu’avez- vous découvert là-bas ?

Ce que j’ai découvert là-bas, c’est la façon avec laquelle les choses se font, surtout dans la rapidité, avec laquelle on rencontre des gens, où tout d’un coup on se trouve dans un concert, où l’on voit quelqu’un en train de répéter qui nous fait rencontrer quelqu’un d’autre… À New York on rencontre beaucoup de monde. C’est une ville qui brasse beaucoup. Il se passe plein de choses dans des endroits improbables. Tout y est intense et vécu à deux mille à l’heure. Des gens disent qu’en deux mois on vit deux ans, et c’est ça que j’ai ressenti.

Vous avez rencontré là-bas Ray Angry, un claviériste réputé qui a joué avec D’Angelo, Patti LaBelle, Christina Aguilera… Il fait partie du collectif The Roots. Qu’est-ce qui a déclenché le fait que vous vous êtes mis à travailler ensemble ?

En fait, il est venu m’écouter lors d’un concert que je donnais dans une petite salle de New York, car quelqu’un lui avait dit de venir me voir chanter. Il est venu et il m’a dit : « Tu fais que du jazz ? Je ne comprends pas, est-ce que tu écris ? » Je lui ai répondu : « J’essaye d’écrire, mais je ne suis pas très sûre ! » J’avais des chansons, mais j’avais l’impression qu’elles n’étaient pas super. J’avais tendance à les jeter. « Viens chez moi, on fait une session et on essaye d’écrire quelque chose. » me répondit-il. On a écrit une chanson dans les trois jours qui ont suivi pour finalement aboutir à douze chansons en une semaine tellement on était créatif. C’était un vrai plaisir de travailler avec lui, et c’est d’ailleurs lui qui réalise ce premier album.

Ça a été un déclic… Il y a eu un avant et un après cette rencontre ?

C’est surtout que grâce à cette rencontre, j’ai pris un peu plus de confiance en moi dans les écritures. Ensuite, après être rentré de New York, j’ai composé plein d’autres titres.

Vous avez composé et écrit les chansons de cet album, parfois au violoncelle, parfois au piano. Ça part de quoi ? D’une mélodie, puis il y a quelque chose qui suit ou c’est le texte d’abord ?

Généralement, quand je compose, je me mets au piano. J’ai souvent le besoin de faire ressortir quelque chose. Parfois, c’est plutôt le texte qui arrive avant, et je pose la musique dessus après... Pour certaines chansons, comme je jouais du violoncelle, l'instrument m'apportait la facilité de chanter et de jouer en même temps ; c’est ça qui prime et qui donne souvent des mélodies très simples.

Et puis c’est la bonne ossature, la bonne architecture d’une chanson. Après il ne reste plus qu'à l’habiller… même si ce n’est pas forcément le plus simple.

Oui, c’est ça.

Anne Sila

De quoi aviez-vous envie pour ce premier album ?

J’avais envie de créer une musique pop en y ajoutant les influences que j’ai pu découvrir pendant mon parcours. J’ai pris le temps de revenir sur les rencontres, les voyages que j’ai faits depuis cinq, six ans, et aussi sur toutes les chansons que j’écris depuis que j’ai dix-sept, dix-huit ans, en y rajoutant des petites touches, soit de musique classique soit de jazz.

Au niveau des arrangements, si une part est réservée aux instruments organiques, vous n’avez pas oublié les machines avec des rythmes bien lourds. Est-ce que c’est l’apport de Ray Angry qui a contribué à cela ou est-ce une demande que vous aviez ?

C’est un peu des deux. Ray travaille avec un super batteur qui s’appelle Steve Wolf et qui travaille également sur les machines. De mon côté, j’aime bien utiliser les façons actuelles de faire de la musique. C’était donc naturel et intéressant de mélanger les instruments organiques et les machines.

Qu’est-ce que vous gardez comme souvenirs de studio pour ce premier album ?

Je garde plein de bons souvenirs. Ce sont des énormes moments de doute parfois, des moments de boulot où l’on ne sait pas où l’on va. Je n’ai jamais eu d’enfant, mais c’est un peu comme le bébé qu’on crée au fur et à mesure. On passe par pleins d’émotions. Chacun y met un peu de sa patte. C’est quelque chose qui se crée au jour le jour, et de voir ça arriver un beau jour est un vrai plaisir.

Justement, comme chacun apporte sa patte, apporte son avis, comment fait-on quand on est une jeune artiste pour réussir à garder la ligne, la direction, étant donné que l’album reste avant tout votre projet personnel ?

D’abord j’ai eu la chance d’être très soutenu par Ray et les musiciens qui ont joué dessus et qui sont très attentifs à ce que je demandais. Ensuite, j’avais beaucoup réfléchi aux toutes petites interventions de cordes, aux petites interventions d’un clavier à cet endroit-là. C’était déjà très clair dans ma tête, et quand je suis arrivé au studio, j’ai juste essayé de rendre cela plus gros et plus en embellie.

Le studio n’est-il pas aussi un endroit de compromis ?

On découvre parfois des choses que l’on n’attendait pas, des choses que je n’avais pas prévues et qui me plaise beaucoup dans l’album, des choses que je n’aurais pas pu faire seule. C’est aussi ça le plaisir d’échanger, de bosser avec de super musiciens…

Maintenant que vous avez laissé partir votre « bébé », qu’il ne vous appartient plus quelque part et qu’il appartient au public, comment est-ce que vous vous sentez ?

Je suis contente même si c’est un peu stressant. On ne sait pas comment l’album va être perçu par le public. Je suis resté très honnête et j’ai fait ce qui me semblait juste, en tout cas pour moi.

Merci beaucoup Anne Sila de nous avoir présenté ce premier album.

S. Folin (06/2016)

ANNE SILA : T'ES CANON

À PROPOS DE « AMAZING PROBLEM »

En signant chez Decca, la jeune chanteuse désirait plus que tout imposer son univers : une pop alliée aux parfums du jazz et du blues. Ses différentes expériences musicales, sa formation classique, l’étude du violoncelle, lui ont ouvert une ligne de conduite. Assumant ses textes aussi bien que chaque note de ce premier opus, elle ouvre Amazing Problem avec l’émouvant Mon amour, dans lequel elle fait tout de suite valoir sa technique vocale irréprochable, mariant au verbe beaucoup de retenue. Signalons également le bouleversant À la dérive avec un piano omniprésent et dont la finesse sonore occulterait presque les quelques cordes venues en renfort. Les moments de grâce ne manquent pas et ce premier album contient bien des promesses.

Le charme est tantôt rafraîchissant comme avec Taxi 5 :05, sur lequel Anne Sila invoque clairement l’esprit de France Gall, tantôt irrésistible quand le mélange du groove et du mot s'opère comme dans la chanson T’es canon, aux arrangements et à la rythmique impeccable, et dont l’esprit enjoué contraste avec le mélancolique Le Monde tourne sans toi ou le délicat Tends-moi les bras, qui repose uniquement sur une voix et un piano. Amazing Problem fait la part belle aux instruments acoustiques, mais les machines électroniques sont bien là et ne sont pas en reste grâce aux bons soins du claviériste Ray Angry (Too Fast, T'es Canon...).

La grande force d’Anne Sila est dans son honnêteté de donner le meilleur d’elle-même, dans sa capacité à incarner sans réserve des textes ciselés, comme avec le saisissant Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? où elle devient la spectatrice impuissante de l’annonce du décès de son père à sa mère par un médecin impassible à la douleur. S’inscrivant dans la grande tradition de la chanson française - malgré la présence de quelques textes en anglais - Anne Sila tient son rang et ses ambitions sans sourciller. Avec sa part de "classicisme" et ses audaces aux couleurs actuelles, Amazing Problem est l’une des bonnes surprises de l’année 2016.


LISTE DES CHANSONS

  • 1. Mon Amour
  • 2. T'es Canon
  • 3. Le Monde Tourne Sans Toi
  • 4. Voiceless Scream
  • 5. À La Dérive
  • 6. Taxi 5:05am
  • 7. Too fast
  • 8. Tends - moi les bras
  • 9. Put Your Hands on Me
  • 10. Qu'est - ce que j'ai fait de mal ?
  • 11. Drowning
  • 12. Congé de Toi

Bonus track :

  • 13. Before It Hurts
  • 14. The Best Is Yet to Come
  • 15. Where We Living In a Lie ?

Anne Sila : Amazing Problem (Decca – 04/2016)

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Écouter des extraits de Amazing Problem sur Deezer

(Cadence Info - 09/2016)


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