L'info culturelle des musiques d'hier et d'aujourd'hui
MUSIQUE & SOCIÉTÉ

S'ÉPANOUIR DANS LA MUSIQUE TOUT EN EXERÇANT UN AUTRE MÉTIER

Aujourd’hui, souvent pour des raisons économiques, de nombreux musiciens exercent deux activités de front. La première, consacrée à un travail quelconque pour le côté alimentaire, permet à la seconde, la musique, d’offrir l’épanouissement personnel. Le défi est là, car vouloir vivre de sa passion, c’est le plus souvent survivre. Ce constat n’est pas une simple vue de l’esprit, mais une confrontation permanente et bien réelle entre l’artiste et son art, entre ce qu’est la vie du quotidien et ce qui porte au sublime, à l’exceptionnel.


SE CONSACRER À LA MUSIQUE, UN DÉFI AU QUOTIDIEN

Comme d’autres disciplines artistiques, la musique sublime le beau, la rareté, fréquemment au détriment de tout le reste. Celui qui compte faire carrière dans la musique ne doit jamais comptabiliser les sacrifices, le temps passé lors des répétitions ou les efforts quotidiens que lui demande la pratique de son instrument. Aujourd’hui, le douloureux marasme économique ne facilite rien. En France et ailleurs, un grand nombre de musiciens professionnels s’en sortent péniblement en donnant des cours et en décrochant de petits contrats mal payés et pas toujours déclarés.

Ces musiciens-là ont choisi la voie artistique dans toute sa splendeur précaire, son injustice qui conduit à végéter des semaines, des mois durant. L’orgueil, parfois le respect pour tant de sacrifices, interdit dès lors toute initiative allant à l’opposé de leur conviction profonde. Cependant, d’autres musiciens réagissent avec plus de pragmatisme. Faisant le dos rond, ils concilient à leur passion une « activité alimentaire » sécurisante. Un emploi saisonnier ou un poste à mi-temps quelconque servira à arrondir les fins de mois en attendant d’éventuelles opportunités artistiques valorisantes. Pour surmonter cette étape transitoire, l'artiste devra quelque part s’oublier, oublier un job ennuyeux et souvent désarmant.

Quand la routine du travail s’installe, le meilleur des remèdes n’est-il pas de chanter et de vivre la musique de l’intérieur ? La musique, c’est cencée être une récréation quand l’environnement est terne et morose, et si le musicien déserte par la pensée son monotone emploi, c’est qu’une force invisible, une sensation dont il ne peut échapper l’attire hors de cet horizon sans avenir.

Dans sa tête, les scénarios du possible ont déjà pris forme. Humblement, il pense à ce soir et attend avec impatience la répétition avec ses amis, la mise au point des derniers détails d’une composition ou le jour fatidique et redouté du concert qui se profile à l’horizon. Le concert, la scène, c’est toujours un défi, un stimulus pour l’artiste, mais un pur bonheur quand tout se déroule à merveille. « Une fois le concert terminé, dès que l’excitation retombe petit à petit, il faut être en mesure de tourner la page et de retourner au travail comme s’il ne s’était jamais rien passé. Il faut garder une énergie positive, se coucher et se relever avec. » raconte François, médecin de profession.

Il y a ceux pour qui musique rime avec études et concours. L’accession à la musique peut coûter parfois très cher. Des formations de longue durée peuvent vous conduire à partir dans un pays étranger, loin de votre famille. Rien n’est donné et le sacrifice est total. « À chaque fois que j’écoute ou que je chante une mélodie qui me plait, j’éprouve un sentiment de plénitude absolue… Toute petite, je m’endormais déjà en rêvant d’être chanteuse » raconte Mélina, chanteuse lyrique qui, pour subvenir à ses études, travaille dans un hôtel comme femme de chambre. Elle sait que pour accéder à son ambition, elle aura besoin d’un agent artistique, car sans soutien professionnel, il est quasiment impossible de rentrer dans l’univers de l’opéra et des salles de concerts.

Certains se fixent des délais pour aboutir : un an, deux ans, parfois plus, tandis que d’autres optent pour une limite d’âge. Si cela ne marche pas après 30 ans, j’arrête ! Quel que soit le profil, l’ambition première est de gagner sa vie avec son don, ses capacités artistiques. Et si certains rêvent de devenir chanteur d’opéra ou concertiste, d’autres, aux appétences plus mesurées, ne cherchent en fait ni la gloire ni la fortune, mais juste de quoi vivre quelques moments heureux à partager autour de la musique.


QUAND LA MUSIQUE IMPOSE SES CHOIX

En fonction du travail exercé, dès que les mains sont en danger, la peur de l’accident prend une tout autre dimension. Qu’ils soient violonistes, pianistes ou guitaristes, la moindre blessure peut avoir de lourdes conséquences sur le plan physique et psychologique. Roman, 55 ans, pianiste le soir et manutentionnaire le jour, témoigne : « J’ai peur en permanence. Il peut arriver quelque chose à chaque seconde. J’ai des douleurs dans les mains qui ne passent pas. Mais c’est comme ça… Il a fallu que je m’habitue. »

En attendant des jours meilleurs, la discipline musicale est toujours là, toute proche, pour vous rappeler à l’ordre. Le job d’appoint ne doit pas déroger à la règle des exercices quotidiens sur l’instrument. Le public se moque bien de savoir ce qui s’est passé le jour quand la nuit est là et qu’arrive le moment du concert.

Quand la musique se pose en amateur, quand l’artiste peut se passer des concerts ou des cours pour assurer sa subsistance, la musique l’aide à « survivre » d’une tout autre manière. À défaut de s’inventer une autre vie, quand le choix ne se pose plus et que l’artiste se trouve libéré des nombreuses contraintes matérielles et économiques de première nécessité, la musique se vit alors plus intensivement. Dans le meilleur des cas, elle sert d’exutoire aux émotions et devient le puissant canalisateur qu’on lui connaît, réalisant un parfait équilibre entre le désir et la réalisation de soi. Andreas, garagiste : « J’ai fait de nombreux concerts. Même si je ne peux pas en vivre actuellement, la musique est l’échappatoire qui me permet de décompresser après ma journée de travail. C’est comme ça que je vis la musique… Au moment de jouer, il faut oublier toutes les contrariétés et se concentrer uniquement sur son talent artistique. »

Quand le musicien vise la carrière professionnelle, l’exigence des déplacements lors de tournées, la cadence des répétitions, organisent la vie tout autrement. La musique est toujours là pour l'avertir lorsqu'il s’éloigne du droit chemin. Travestir la réalité est un vœu pieux. Il n’existe pas de sauf-conduit permissif. Les hauts et les bas, la contrainte du statut d’intermittent du spectacle, difficile à respecter, et qui pousse à courir après de quelconques cachets pour obtenir de maigres indemnités, poussent des musiciens, même brillants, à renoncer.

Aujourd’hui, vivre de son art sans aucun préjugé, sans aucune aide, est quelque chose de difficile. En France, généralement, les gens pensent que les musiciens, et plus généralement les artistes, sont des assistés. Ces gens-là n’ont de tort que leur méconnaissance, car l’assistanat à depuis étendu son essor dans d’autres domaines en faisant bonne figure : prestations familiales, aide au logement, prêt, etc. À l’inverse d'un grand nombre de professions, la musique est un art qui se joue ni avant ni après de longues études. Sa pratique se conjugue au temps présent et incite à des remises en question permanentes, sans temps mort. Le musicien doit apprendre à se déconstruire pour ensuite se reconstruire s’il souhaite vivre avec dignité de la musique. Sa relation avec elle est bien trop fusionnelle pour qu'elle n'agisse pas comme un aimant. À l’artiste d'apprendre ce que signifie "se remettre en question" et à poser ses propres limites afin de maîtriser et conduire un tel état ; la pratique musicale restant toujours une leçon de vie permanente.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 02/2017)

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