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CHANSON

DIS, QUAND REVIENDRAS-TU ?, BARBARA CHANTE L'AMOUR ET LA LIBERTÉ

Avec ses paroles simples et sincères, la chanson de Barbara, Dis, quand reviendras-tu ?, crée la surprise lors de sa création en 1963. Ni dramatique ni fleur bleue, le texte déroule quelques confidences intimes sur une relation amoureuse et l'érosion du temps qui passe. Un nouveau ton vient de naître, tout à la fois intimiste et épris de liberté… Depuis Dis, quand reviendras-tu ?, on ne chante plus l’amour de la même façon.


BARBARA, ENTRE CHANSONS TRAGIQUES ET GRAND AMOUR

À 31 ans, Barbara est la « vedette » de l’Écluse, un minuscule cabaret situé tout près des bords de Seine, un haut lieu de la chanson rive gauche qui peut à peine contenir une soixantaine de personnes. C’est elle qui chante en fin de soirée, un peu plus longtemps que les autres. La jeune femme à la fois rieuse et mystérieuse, que l’on surnomme « la chanteuse de minuit » reste avant tout une interprète de Brel, Brassens, Fragson, Scotto. À de très rares exceptions près, les femmes n’écrivent pas encore leurs textes, et elle, pas plus que les autres. Sa voix et son répertoire restent marqués par la tradition réaliste et gouailleuse de ses aînées Damia, Fréhel ou Piaf. Barbara chante des histoires tragiques ou sarcastiques, presque toujours très théâtrales. Au début des années 60, sa notoriété n’a pas dépassé le cercle des habitués du cabaret.

Quand ses voyages le lui permettent, Hubert Ballay passe de temps en temps à l’Écluse. Grand, hâbleur, charmeur, l’homme est un diplomate en poste à Abidjan. C’est un passionné de chanson et un vieil ami du patron de l'Écluse. Un soir de 1959 ou de 1960, il y entend Barbara. Pour lui, c’est un choc : artistique, sans aucun doute, car la chanteuse a déjà sur scène une impressionnante prestance ; mais aussi amoureux. Dans ce Paris bohème, les deux jeunes gens deviennent amants. Barbara, qui adore croquer les hommes, semble accrochée au cou et au bras de sa nouvelle conquête. Mais Hubert doit repartir et les séparés s’écrivent…

Le diplomate revient et de nouveau s’en va. Dans son sillage, la tornade des sentiments se met à aspirer l’amoureuse ; elle dont la seule obsession a toujours été de chanter, elle qui a connu des années de vaches maigres avant de gagner de tout petits cachets serait-elle prête à tout lâcher pour pouvoir le retrouver ?


DIS, QUAND REVIENDRAS-TU ?

Un jour de 1961, Barbara quitte Paris et son cabaret pour aller rejoindre son homme en Côte d’Ivoire. Une idée presque impensable. D’ailleurs, à peine installée, elle fuit le soleil et les expatriés, avec lesquels elle ne se sent aucune affinité. Par chance, elle s’est trouvée un endroit pour chanter, le bien nommé Refuge qui n’est autre qu’une boîte de strip-tease. Le propriétaire, bandit au grand cœur proclamé « roi des non-lieux », la prend sous son aile ; il n’hésite pas à exhiber le gros calibre caché sous son bar quand Barbara monte sur scène devant un public pas toujours venu pour elle : « La dame, c’est une star, je flingue le premier qui ose discuter pendant qu’elle chante ! » Or ni l’affection de l’un, ni l’amour de l’autre ne suffiront à la retenir plus que quelques semaines.

L’histoire – peut-être la légende – veut que, dans l’avion qui la ramène vers Paris, Barbara commence l’écriture d’une chanson. « Dis quand reviendras-tu, dis, au moins le sais-tu, que tout le temps qui passe, ne se rattrape guère… » Pendant encore près d’un an, les amants poursuivront leurs allers et retours, mais entre leurs retrouvailles, le temps s’étirera, de plus en plus, laissant à Barbara tout le loisir de finir sa chanson.

Au début, elle ne veut pas l’interpréter en étant pas assez sûre de son talent d’écriture, sans doute intimidée aussi par tout ce qu’elle y confie. Discrètement, elle la propose à Cora Vaucaire, grande voix raffinée de ces années-là, qui l’adopte aussitôt, mais qui surtout pousse Barbara à la chanter elle-même. Cora qui connaît sur le bout de doigts le répertoire d’Yvette Guilbert ou de Piaf (son mari fut l’un de ses grands paroliers, auteur de Non, je ne regrette rien), comprend d’emblée ce que le texte a de nouveau, voire de révolutionnaire.


BARBARA : DIS, QUAND REVIENDRAS-TU ?

UNE CHANSON D’AMOUR SOUS INFLUENCE

Jusqu’à présent les chansons d’amour étaient écrites dans un registre dramatique ou fleur bleue, démonstratif et grandiloquent, mais celle-ci se déroule comme une lettre, une confidence livrée sans ostentation ni débordement. Elle pourrait presque se murmurer. Et ce n’est pas seulement le ton qui change, c’est aussi le fond. Dans la grande tradition des chanteuses réalistes, la femme était la victime du destin et des hommes ; dans Dis, quand reviendras-tu ?, elle prend sa vie en main, affichant même une liberté peu commune, près de dix ans avant les grands mouvements d’émancipation : « Si tu ne comprends pas qu’il te faut revenir, je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs […] Je ne suis pas de ceux qui meurent de chagrin, je n’ai pas la vertu des femmes de marin. »

Hubert ne revint pas, du moins pas assez vite et un autre homme le chassa dans la vie de l’artiste qui interpréta finalement sa chanson devant le public de l’Écluse (mais sans oser dire tout de suite qu’elle l’avait écrite). Au printemps suivant, Dis quand reviendras-tu ? sortit sur la face B d’un 45 tours. Elle ne fut pas, loin de là, son plus grand succès (Nantes, L’aigle noir ou Une petite cantate furent en leur temps bien plus diffusés). Reste qu’avec le recul, elle apparaît comme la pierre fondatrice de l’œuvre de Barbara, et comme l’initiatrice d’un style majeur.

Les textes intimes, au langage simple et immédiat, à la sincérité dépouillée, à la poésie à la fois touchante et retenue, ont ouvert le chemin aux futurs William Sheller, Laurent Voulzy, Françoise Hardy, Véronique Sanson ou, à certains égards, Jacques Higelin et Dominique A. Et c’est cette même veine que continuent de creuser une bonne partie des auteurs-compositeurs de la jeune génération : Jeanne Cherhal, Alex Beaupain, Vincent Delerm, Daphné, Clarika ou Grand Corps Malade.

Depuis quelques années, Dis, quand reviendras-tu ? est même l’un des titres les plus repris de tout le répertoire francophone par des artistes aussi divers que Jean-Louis Aubert, la Grande Sophie, Martha Wainwright ou Bénabar. Chacun la chante à sa façon ; mais tous ont bien compris son absolue modernité.

Par V. L. (Cadence Info - 04/2016)


DIS, QUAND REVIENDRAS-TU ?

1. Voilà combien de jours, voilà combien de nuits...
Voilà combien de temps que tu es reparti !
Tu m'as dit , cette fois, c'est le dernier voyage,
Pour nos cœurs déchirés, c'est le dernier naufrage.
Au printemps, tu verras, je serai de retour.
Le printemps, c'est joli, pour se parler d'amour :
(Version Femme : Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin,)
Nous irons voir ensemble les jardins refleuris,
(Je n'ai pas la vertu des femmes de marins.)
Et déambulerons dans les rues de Paris !

REFRAIN

Dis !
Quand reviendras-tu ?
Dis ! Au moins le sais-tu ?
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère...
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus !

2. Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà,
Craquent les feuilles mortes, brûlent les feux de bois...
À voir Paris si beau en cette fin d'automne,
Soudain je m'alanguis, je rêve, je frissonne...
Je tangue, je chavire, et comme la rengaine ;
Je vais, je viens, je vire, je tourne, je me traîne...

(V.F. Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin,)
Ton image me hante, je te parle tout bas...
(Je n'ai pas la vertu des femmes de marins.)
Et j'ai le mal d'amour et j'ai le mal de Toi !

Dis !
Quand reviendras-tu ?
Dis ! Au moins le sais-tu ?
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère...
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus !

3. J'ai beau t'aimer encor, j'ai beau t'aimer toujours.
J'ai beau n'aimer que toi, j'ai beau t'aimer d'amour...
Si tu ne comprends pas qu'il te faut revenir,
Je ferai de nous deux, mes plus beaux souvenirs...
Je reprendrai la route, le Monde m'émerveilleux.
J'irai me réchauffer à un autre Soleil...
(V.F. Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin,)
Je ne suis pas de ceux qui meurent de chagrin...
(Je n'ai pas la vertu des femmes de marins.)
Je n'ai pas la vertu des Chevaliers anciens.

Dis !
Quand reviendras-tu ?
Dis ! Au moins le sais-tu ?
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère...
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus !

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