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CLASSIQUE / TRADITIONNEL


CHARLES GOUNOD, MUSICIEN D’ÉGLISE ET D’OPÉRAS

De ceux qui n’ont admiré Charles Gounod que dans ses opéras célèbres, ne le connaissent que très insuffisamment. On a souvent dit que c’est cette face de son œuvre qui le fera le plus éternellement glorieux devant l’avenir, et cela ne laisse point d’être vraisemblable.


LA MUSIQUE SACRÉE DE CHARLES GOUNOD

Lorsque Charles Gounod mourut, Camille Saint-Saëns exprima en une page de haute critique son opinion sur l’œuvre de l’auteur de Faust. « Quand, grâce à la marche fatale du temps, dans un lointain avenir, les opéras de Gounod seront entrés pour toujours dans le sanctuaire poudreux des bibliothèques, connus des seuls érudits, la Messe de Sainte Cécile, Rédemption, Mors et Vita resteront sur la brèche, pour apprendre aux générations futures quel grand musicien illustrait la France au 19e siècle. »

C’est, en effet, dans ces derniers qu’il dépensa sinon le meilleur, du moins le plus pur de lui-même.

Sa musique sacrée n’a point le caractère sec et discourtois des œuvres qu’une scolastique, rigide et sans génie, a seule engendrée. Elle est avant tout musicale, et non point à la mode des compositeurs qui le précédèrent immédiatement : c’est-a-dire plus sentimentale qu’expressive, plus larmoyante que réellement émue, plus mondaine que religieuse. La révolution qui se produisit grâce à lui dans la musique d’église porta, par la suite, des fruits excellents. Le génie seul pouvait apporter à cet art, vraiment trop rabaisse, un nouvel élément.

Charles Gounod par Nadar (1887)

À défaut du génie tout personnel qui devait dans la suite illustrer le nom de César Franck, Charles Gounod infusa au moins à la musique d’église une nouvelle vie. Il avait déjà composé une Messe à grand orchestre exécutée à Saint-Eustache, celle-la même qui enthousiasmait le bon M. Poirson, son ancien proviseur au lycée Saint-Louis ; il avait déjà fait exécuter un Requiem à Vienne lorsqu’il connut Mendelssohn, grâce à sa sœur Mme Hensel.

Peut-être est-ce à l’influence de ce compositeur, lequel remit Bach en honneur, qu’il faut attribuer l’orientation, de la musique d’église de Gounod. À coup sûr, il n’y fut point indifférent. Mais ce qui est plus certain encore, c’est que c’est à Rome qu’il reçut l’impression qui devait décider du caractère de son œuvre.

C’est à la chapelle Sixtine, où il fréquentait en compagnie du peintre-Hebert, que Charles Gounod entendit pour la première fois les ouvrages liturgiques de Palestrina. L’écriture et la sonorité de ces monuments impérissables le frappèrent au plus haut point ; et il ne s’est, certes, jamais dégagé de cette impression, pas plus qu’il ne rompit le charme qui le liait au divin Mozart.

L’œuvre de Charles Gounod n’est point d’un organiste ; elle est avant tout d’un musicien. Le court séjour qu’il fit aux Missions n’est qu’un incident sans portée dans sa vie. Charles Gounod n’avait cédé qu’à grande peine aux sollicitations de l’abbé Dumarsais : et encore n’avait-il accepté le poste d’organiste qu’à l’expresse-condition d’y être son propre maître et d’être en quelque sorte le curé de la musique, qu’il se nommait être lui-même.

Bien plus caractéristique est la crise de mysticisme qu’il subit sous l’influence du Père Lacordaire. Charles Gounod suivit même les tours de Saint-Sulpice (il existe un portrait de lui où, sur sa tête, se voit nettement la place d’une tonsure).

Dans l’histoire de son œuvre, cette fièvre, cette exaltation spirituelle qui se reproduisit plus tard en faveur des théories métaphysiques de Wronsky, est la source des plus précieuses indications. Plus tard encore, tandis qu’il écrivait sa Messe de Sainte-Cecile, il lisait Saint-Augustin, et il faisait précéder sa partition de Mors et Vita, dédiée au pape Léon XIII, d’une préface dont la philosophie est purement chrétienne. Chose plus curieuse encore, le seul reproche qu’ait adressé ce fidèle admirateur de Mozart à l’auteur de Don Juan, est celui de mondanité excessive dans le Requiem. Le cas semblera d’autant plus piquant que, malgré les admirables modèles que Charles Gounod s’était proposés, ce n’est point par une austérité excessive que pêchent ses œuvres sacrées. L’âme de Juliette y flotte quelque peu.

Charles Gounod n’a pas fait la divinité à l’image de la terreur : il I’imagine douce, tendre, et, par là, plus touchante et plus humaine. Mais ce que l’on ne saurait trop admirer, c’est l’effort qu’il a réalisé contre le mauvais goût qui envahissait la musique d’église.

Son œuvre religieuse est considérable : un Requiem (sans parler de celui auquel il mettait la dernière main quand Charles Gounod est mort). Une Messe à trois voix et orchestre (1841 et 1842), une Messe solennelle (1871), Messe de Sainte-Cécile (1882), Messe de Jeanne d’Arc (1887), une quatrième Messe solennelle (1888), deux Te Deum, Les Sept Paroles du Christ, Pater Nosfer, Ave Verum, Jésus sur le lac de Tiboriade, Stabat, Rédemption, Mors et Vita, Tobie, etc., etc.

Il est probable que l’avenir ratifiera l’opinion de Camille Saint-Saëns. C’est dans ces œuvres religieuses que se décèleront, pour la postérité, la grâce, la ferveur, la tendresse d’un des plus remarquables compositeurs de l’art musical. Aussi, si la réputation éternelle de Gounod devait être celle d’un grand musicien d’église, n’aurait-il pas à se plaindre de sa postérité.

Ceux-là sont rares qui, dans le ciel musical, peuvent faire quelque lueur sacrée auprès de Bach, de Palestrina, de Beethoven. Depuis le commencement du 19e siècle, il semblait que le genre religieux s’effaçait ; ce sera pour Charles Gounod un honneur impérissable que de lui avoir rendu et la grâce et la vitalité.

Par Patrick Martial (Cadence Info - 09/2009)
(source : article Musica)


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