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MUSIQUE DE FILMS


CLINT EASTWOOD ET LA MUSIQUE DE FILMS

Aborder le cher Clint Eastwood à travers son parcours cinématographique est somme toute assez classique. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas cet artiste aux multiples facettes, celui-ci ne laisse pas indifférent. Si Clint a interprété des personnages forts en gueule, atypiques ou controversés, son passage derrière la caméra lui a permis d’aborder des sujets qui lui tenaient à cœur : injustice, amour impossible, souvenirs… Fan absolu de jazz et de blues depuis son enfance, Eastwood a souvent rendu hommage à ces musiques dans ses films, d’abord en faisant appel à des compositeurs de jazz, pour ensuite composer lui-même les bandes-sons, seul ou en compagnie de son fils, Kyle.

EASTWOOD, LE JUSTICIER

Années 50. Clint Eastwood débute dans des films de série B et des séries télévisées dont l’histoire retiendra seulement que Rawhide ; la rare série télévisée à avoir honoré le métier de cow-boy. Il partage l’affiche avec un acteur trop tôt disparu, Eric Flemming. L’engrenage des épisodes durera pendant plus de cinq ans. En 1960, les producteurs connaissant son amour pour la chanson finissent par lui demander d’enregistrer la chanson générique de la série – alors chantée par Frankie Laine - ainsi que quelques autres chansons de musique country.

La chanson est très présente dans la carrière de Clint Eastwood. Dans ses films, elle est souvent en second plan. Elle s’intègre au décor, tel un accessoire. Eastwood chantera à de nombreuses reprises. Son timbre de voix est à l’image de sa silhouette, fine, agréable à entendre. Outre La kermesse de l’Ouest (1969) et Honkytonk Man (1982), on peut l’entendre chanter dans le film Bronco Billy (1980) ou dans Haut les flingues (1985).

© Photo publicitaire Rawhide - Clint Eastwood (1958)

Le gentil cowboy un ‘peu gauche’, mais surtout usé par la série Rawhide veut prendre ses distances. Clint souhaite se démarquer, s’éloigner de ce personnage de série qui ne lui ressemble guère. C’est ce qui se produit lorsque le dénommé ‘Blondin’ rentre en action, transformant le cowboy timide et maladroit en un justicier faussement ‘bon’. C’est l’ère des fameux westerns ‘spaghettis’ de Sergio Leone. La série des ‘dollars’ ouvre une brèche dans le paysage westernien avec ses successions de plans fixes minutés, ses poses et ses rictus de rigueur. Eastwood par chance ou par flair impose un personnage assez puissant et évocateur, à la silhouette élancée. Sa barbe naissante et ses dialogues réduits à leur minimum feront le reste. La carrière est lancée et plus rien ne va arrêter son destin cinématographique hors-norme.

La décennie suivante est réglée comme une horloge. Les personnages qu’il interprète sont souvent des justiciers montés à cheval ou parés de lunette Ray-ban. Ses westerns implacables font triompher sa justice, avec ou sans étoile de shérif. Dans les films policiers, les images de violence sont justifiées par une société américaine qui se radicalise après la guerre du Vietnam. L’inspecteur Calahan renforce l’image du justicier redoutable. Équipé de son puissant révolver magnum, chaque coup doit atteindre sa cible. Le doute n’est pas permis : il doit faire justice. Le personnage machiste et teinté de cynisme sème la discorde dans les rangs féminins. Mais rien n’y fait, le personnage de l’inspecteur Harry récidivera à plusieurs occasions. Tant pis pour les féministes qui ne l’apprécient guère !


EASTWOOD, LE RÉALISATEUR

Lorsque le comédien décide de passer derrière la caméra, il sait qu’il doit se démarquer de toute implication cinématographique visant à reproduire ce qu’un Sergio Leone ou un Don Siegel ont érigé pour lui. Le comédien doit trouver d’autres repères. Heureusement pour lui, les sujets lui tenant à cœur ne manquent pas.

En se mettant lui-même en scène, sa marge de manœuvre est plus grande et offre plus de liberté. Il sait que tôt ou tard, il aura l’occasion d’inscrire la musique et plus particulièrement du jazz au programme… De plus, Eastwood gère parfaitement la direction d’acteur et il sait trouver les mots. Il doit seulement être vigilant à ce que ses tentatives cinématographiques ne se traduisent pas par de mauvais résultats au box-office.

Alors que ses premières réalisations incarnent le plus souvent un héros téméraire, sans peur et presque sans reproche, ses derniers films sont d’une tout autre réalité. À partir des années 80, Eastwood va chercher à atteindre le cœur des hommes en montrant d’autres facettes de son talent.

L’homme mature va décrire, toujours avec l’art et la manière, parfois même avec des pointes d’humour, des sujets tantôt graves ou tantôt singuliers. Des films comme Gran Torino, Million Dollar Baby, Sur la route de Madison ou Mémoires de nos pères, sont de ceux-là. Les personnages sont des héros authentiques, souvent simples, au destin victorieux ou parfois habités par un lourd passé. Eastwood cherche surtout à démontrer que le héros justicier, indestructible, est bien mort et que ses nouveaux personnages possèdent des failles, des fragilités, des visages aux contours plus humains.


CLINT EASTWOOD UTILISE MISTY

En 1970, Clint Eastwood passe derrière la caméra pour la première fois et réalise Un frisson dans la nuit (Play Misty for me). Le sujet choisi est un sujet fort, prenant et angoissant, tournant autour de la folie, de l’obsession maladive. Eastwood incarne un animateur de radio plein de charme, gentil, prévenant et compréhensif, mais également capable d’être atteint par de la peur. Un personnage qui se veut en totale opposition avec le policier à la justice expéditive, Calahan.

Dans Un frisson dans la nuit, la musique va servir d’élément conducteur. Eastwood est un passionné de jazz et il nous le fait savoir dès les premières minutes de son film à travers un générique dynamique aux couleurs jazzy.

Eastwood a découvert le jazz grâce à sa mère qui lui faisait entendre Fats Waller. Dans la famille Eastwood, on écoute beaucoup de musique. Cela lui a donné envie d’apprendre le piano tout seul, en autodidacte, en se ressourçant auprès des artistes de jazz et de blues de cette époque-là.

Alors qu’au début des années 70 les mélodies ‘pop’ sont à leur apogée, en fin connaisseur, Clint prend le risque de nous renvoyer quelques années en arrière en nous faisant entendre à plusieurs reprises un thème passé de mode, Misty. Le célèbre standard de jazz composé par Erroll Garner va lancer l’histoire et servir de fil conducteur entre les deux principaux personnages. Le thème de Misty va se fondre dans l’image en incarnant une mélodie d’amour intemporelle. Eastwood était conscient qu’aucune chanson ‘pop’ de l’époque n’aurait pu aussi bien incarner les sentiments amoureux que Misty.

Ainsi, avec Un frisson dans la nuit, Eastwood déclare clairement son amour pour le jazz. Dans les films qui vont suivre et dès que les sujets le permettront, Clint va glisser par petites touches des thèmes de blues, des mélodies jazz, mais pas seulement. La place de la musique va aller crescendo. Le choix des illustrations musicales comme le choix des compositeurs viendront appuyer ses réalisations cinématographiques.

Clint Eastwood a toujours été très attentif à la musique de ses films, même dans ceux où il était seulement acteur. En témoignent les musiques qui illustrent la série de l’inspecteur Calahan signées par Lalo Schifrin (auteur de Mission Impossible et de nombreux autres thèmes célèbres). À plusieurs reprises, les deux artistes vont se retrouver pour des performances sans faille. Le ‘Eastwood réalisateur’ saura toujours s’entourer de bons compositeurs, dont certains lui resteront fidèles pendant longtemps (Snuff Garrett, Jerry Fielding, Lennie Niehaus).

À propos de l’utilisation du jazz dans ses films, Clint Eastwood raconte : « Je crois que la musique joue un rôle très important dans un film en ponctuant l’action. Le silence peut aussi jouer un rôle crucial. J’ai fait beaucoup de films où j’ai eu la chance de pouvoir incorporer du jazz et du blues – deux des plus grandes formes artistiques de l’Amérique. » (Clint Eastwood – Piano Blues).

Bien que l’œuvre cinématographique de Clint Eastwood soit dominée par la musique jazz, le réalisateur n’a jamais fermé la porte aux autres formes de musique. Ainsi, la musique classique apparaît dans Bird. Dans le film, on peut entendre des extraits de L’oiseau de feu de Stravinsky. Autre exemple avec Sur la route de Madison dans lequel Eastwood utilise La Norma de Bellini et Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns. D’autres styles de musique seront également présents, comme du rhythm and blues avec Maceo Parker dans Space Cowboy ou de la musique country avec des chansons de Johnny Cash et Chris Isaak pour le film Un monde parfait (1993).


EASTWOOD, DES FILMS ET DES COMPOSITEURS

Pour son second film, L’homme des hautes plaines (1973), Eastwood fait appel de nouveau à Dee Barton, batteur et tromboniste jazz, qui avait signé quelques thèmes musicaux de son premier film (Un frisson dans la nuit). L’homme des hautes plaines est une sorte d’hommage à Sergio Leone. Le thème du justicier est donc omniprésent, imposant une loi vengeresse, implacable.


JOHN WILLIAMS : THE EIGER SANCTION SUITE (La sanction - 1975)
une musique aux multiples influences, symphonique et jazz

Autre genre avec Breezy (1973). Ce film illustre un amour impossible entre une hippie et un architecte (le thème de l’amour impossible reviendra avec un autre éclairage dans le film Sur la route de Madison) C’est le premier film réalisé par Eastwood où il n’apparaît pas à l’image. Clint confie la réalisation de la bande-son à Michel Legrand, le compositeur français est alors en pleine ascension aux États-Unis depuis qu’il a signé les musiques de L’affaire Thomas Crown et de L’été 42. Malgré tout le soin apporté à la réalisation, le film est boudé par le public et Breezy est un échec…

Deux ans plus tard, Eastwood tourne un nouveau film à suspense qui a pour décor l’ascension de l’Eiger dans les Alpes. La sanction (1975) offre à John Williams l’occasion de s’illustrer. Le compositeur triomphera deux ans plus tard avec La guerre des étoiles

Un autre grand compositeur fait son entrée dans la filmographie de Clint Eastwood, Jerry Fielding, pour un très beau western sauvage et épique Josey Wales hors-la-loi (1976). Ce compositeur trop méconnu, aux écritures et aux arrangements sophistiqués était un spécialiste des films d’action, ce qui convenait bien à l’univers d’Eastwood. Ses musiques aux allures de jazz symphonique se démarquaient de celles de Lalo Schifrin. Il suffit d’écouter la bande son de Scorpio (de Michael Winner avec Burt Lancaster –1973) pour s’en rendre compte. Eastwood et Fielding travailleront de nouveau ensemble dans L’épreuve de force (1978) et dans L’évadé d’Alcatraz (1979). Le compositeur décèdera l’année suivante.



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