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MUSIQUE DE FILMS

COMPILATIONS DE CHANSONS ET MUSIQUES DE FILMS

Les musiques de films n’ont pas toujours été construites sur des œuvres originales. Parfois, suivant les circonstances, suivant le scénario, ou faute de trouver la bonne tonalité, le cinéma a fait appel à des musiques ou des chansons préexistantes…


"A JAZZ SINGER", LE PREMIER D’UNE LONGUE SÉRIE

Le premier film à avoir proposé des chansons venues de différents horizons n’est autre que The jazz singer (le chanteur de jazz), le premier film du cinéma parlant en 1927. Personne ne se doutait encore de l’importance, et surtout des retombées qu’allait produire l'arrivée de ce "cinéma sonore". Les premiers à en faire les frais seront les acteurs. Ils seront nombreux à ne pas poursuivre leur carrière en raison du timbre et de la diction de leur voix. L’autre effet, plus bénéfique celui-là, sera d’accorder à la musique une place plus importante en rehaussant les dialogues ou pour combler les scènes qui s'étirent.

À l’époque de The jazz singer, la « bande originale » est un concept encore ignoré qui ne verra le jour que dans les années 50 avec l’arrivée du microsillon. C’est donc à l'orée du rock'n'roll que les auditeurs pourront écouter les chansons d'un film sur leur appareil de lecture comme Toot Toot Tootsie, de Dan Russo ou My Mammy de Walter Donaldson.


"ZIEGFELD FOLLIES", UN ZESTE DE FOLIES

Revenons quelques années en arrière… Nous voici en 1944. Afin de fêter les 20 ans de la MGM, son fondateur, Louis B. Mayer, donne carte blanche à Arthur Freed pour concevoir un film musical en Technicolor. Joués, chantés et dansés, Ziegfeld Folies hérite d’une distribution prestigieuse. George Sidney, pressenti à la réalisation, est remplacé par Vincente Minnelli qui deviendra le grand spécialiste de la comédie musicale au moment de sa splendeur.

Le film Ziegfeld follies se présente comme un film à sketches, ce qui facilite la mise en situation des chansons. À l’écran, deux grandes stars se volent la vedette, Fred Astaire et Gene Kelly. À leurs côtés, la toute jeune Judy Garland (alors épouse de Minnelli) donne le change. Les chansons sont signées George Gershwin et Ira Gershwin ; deux maîtres des comédies musicales de Broadway. Citons The Babbit and the Bromide et Liza (qui sera finalement coupée au montage). On notera au passage la séquence dans laquelle Fred Astaire joue le chinois aux côtés de Lucille Bremer. Ziegfeld Follies connaîtra une seconde vie à travers le film That’s Entertainment (1974) qui rendait hommage à la comédie musicale.


"EASY RIDER", LA ROUTE DEVANT SOI

En 1969, le film Easy Rider bouleverse les chères valeurs du cinéma hollywoodien, notamment en remettant en cause le fonctionnement des studios. Peter Fonda en porte-drapeau d’une culture hippy et Dennis Hopper en homme révolté traversent des routes sans fin en chevauchant leur monture à deux roues...

La musique d’Easy Rider génère elle aussi une approche quasi-révolutionnaire, puisque la bande-son, à la place de proposer un score instrumental original, cède sa place à des chansons issues des collections de disques de Peter Fonda et Dennis Hopper. Décousue au premier abord, puisque les titres naviguent du bluegrass (The Holy Moodal Rounders) au country-rock (The Weight par The Band), jusqu’à faire entendre de l’acid rock (Born to Be Wild, de Steppenwolf) et même du psychédélique (If Six Was Nine), la bande-son est finalement conduite par les événements du voyage. Ceci expliquant cela, Hopper passera beaucoup de temps sur le montage du film et prendra l’habitude de monter les séquences en fonction des chansons passées à la radio. Bob Dylan sera le seul à avoir écrit un titre original, Ballad of Easy Rider, qui sera chanté par Roger Mc Guinn des Byrds.


"THE HARDER THEY COME" : EN AVANT LE REGGAE

Nous sommes en Jamaïque et The Harder They Come est le premier long-métrage à y être réalisé. Le metteur en scène Jamaïcain Perry Henzel choisit le chanteur Jimmy Cliff comme tête d’affiche. L’histoire, toute simple, raconte celle d’un homme qui vient à Kingston pour devenir chanteur, mais dégoûté par le showbiz, et pour survivre, il devient dealer avant de finir assassin.

Du film s’échappe le titre éponyme du film. The Harder They Come devient un tube planétaire. Mais au-delà de cette chanson, c’est le reggae tout entier qui prend place dans le décor. En cette année 1972, ce film-là est surtout une rampe de lancement pour un style de musique encore anonyme dans de nombreux pays. On y entend le meilleur du reggae d’alors, celui de Toots & The Maytals (Pressure Drop), de Desmond Dekker (Shanty Town) ou des Melodians (Rivers Of Babylon). L’autre chanson qui s’envole est un slow inoubliable composé en 1969 par Jimmy Cliff, Many Rivers To Cross ; une chanson qui deviendra incontournable auprès des radios et des discothèques. Pour le chanteur, c’est la consécration, juste un an avant que Bob Marley ne débarque avec son Catch A Fire.


"THE EXORCIST" ET "TUBULAR BELLS"

Inspiré d’un fait réel qui se déroula dans la banlieue de Washington en 1949, L’Exorciste retrace la possession démoniaque d’une adolescente de 13 ans, Regan McNeil. Réalisé en 1973, ce film d’épouvante se devait de posséder une musique angoissante, à la hauteur du récit. Un moment sollicité, le compositeur bien-aimé d’Alfred Hitchcock, Bernard Herrmann, décline l’offre, ne voulant plus travailler pour Hollywood. Le second sera Lalo Schifrin. Celui-ci se met à l’ouvrage et écrit un score d’une vingtaine de minutes, mais lors de la projection, aux yeux du metteur en scène William Friedkin, la musique est trop effrayante et trop en décalage pour être finalement acceptée.

Schifrin éconduit, Friedkin décide de prendre en main l’élaboration de la musique du film. Agissant à la façon de Stanley Kubrick, il rachète les droits de quelques pièces classiques, en l’occurrence celle du compositeur polonais Krzysztof Penderecki et du quartet à cordes de George Crumb...

La musique du film L’exorciste serait certainement passée inaperçue s’il n’y avait eu la rencontre avec la musique de Mike Oldfield. Son fameux Tubular Bells et ses complexes entrelacs synthétiques produiront leurs effets sur les spectateurs, d’autant plus que la musique est complétée par des effets sonores saisissants réalisés par Gonzalo Gavira, un maître dans ce domaine depuis son travail sur le film El topo de Jadorowsky.


"THANK GOD IT’S FRIDAY" RIME AVEC DISCO

Au cœur d’une musique disco poussive, le film Thank God It’s Friday place la musique en avant au détriment de l’intrigue. En 1977, l’année qui précède la sortie de ce film, un autre vient de faire date : Saturday Night Fever. Outre une BO de qualité où prédomine la musique des Bee Gees, le succès du film s’explique aussi par un scénario solide : l’existence d'un jeune italien vivant à New York et qui, pour oublier son salaire misérable, se défoule lors des sorties le samedi soir.

Dans le film Thank God It’s Friday, la construction du scénario est tout autre en étant basée sur des numéros musicaux entrecoupés de sketches humoristiques se déroulant dans un cadre unique : la boîte de nuit. C’est à travers les différents personnages qui y transitent que les chansons vont se succéder. De grands noms de l'aventure disco participent à l’élaboration de la BO : Pal Jabara, compositeur d’abord de Disco Quenn et ensuite de Last Dance pour Donna Summer, un morceau long play de plus de 8 minutes ; Giorgio Moroder qui reprend Je t’aime moi non plus de Serge Gainsbourg et dont la longueur laisse pantois : 15 minutes et 45 secondes ! Mais l’éclectisme de la BO ne s'arrête pas là, car elle permet d’écouter aussi Do You Want The Real Thing de D. C. La Rue, Lovin par Diana Ross et Leatherman’s Theme de Wright Bros Flying Machine.

La plupart des titres sont bien sûr enrobés de puissantes orchestrations avec sections de violons, mais aussi de cuivres. Les chansons sont de toutes évidences destinées au dancefloor. Par la suite, le film Can’t Stop The Music avec les Village People, en 1980, annoncera le déclin du disco.


"BEAT STREET", UN AVANT-GOÛT DU HIP-HOP

En 1984, le rap n’est pas encore la force musicale dominante qu’elle deviendra à la décennie suivante. Quand Beat Street est tourné, le mouvement hip-hop n’en est qu’au stade d’une culture parallèle et autonome face à un monde artistique dominé par les majors et l’argent.

La musique autodidacte provient en grande partie d’artistes venus tout droit des ghettos. Le film a des allures artisanales malgré la présence de Rae Dawn Chong, une actrice que les cinéphiles ont vue trois ans auparavant dans le film La guerre du feu. Par voie de conséquence et suite à un manque de préparation, de nombreuses séquences tournées passeront à la trappe, faute d’être crédible.

Cependant, pour faire "tendance" à l’écran, les acteurs, rappeurs et danseurs sont obligés de porter des baskets "Puma" et des casquettes "Kangol"... Le hip-hop rejoint le marketing à grandes enjambées ! Pour parfaire le style et apporter encore plus de poids à l’identité d’un hip-hop en devenir, les graffitis d’artistes (le mot tag n’est pas encore dans le langage courant) seront mis en valeur aussi bien que les rappeurs et danseurs.

La BO est composé de 17 morceaux, la plupart des titres étant constitués de rap new-yorkais, notamment l’étonnant Beat Street Breakdown de Grandmaster Melle Mel & The Furious Five, Frantic Situation d’Afrika Bambaataa, mais aussi Son Of Beat Street de Jazzy Jay ou encore Santa’s Rap de Treacherous Three.

MOULIN ROUGE… UN PARIS CANAILLE

Ode à un amour fou entre Christian (Ewan Mc Gregor) envers la courtisane Satine (Nicole Kidman), un "diamant scintillant" et étoile du Moulin Rouge. Ce film aux 300 costumes brille comme un miroir de bordel par la grâce de sa bande-son où s’entrechoquent des succès des années 80, des songs américains et des reprises plus improbables.

Si l’action se passe à Paris, le film est en réalité tourné à des milliers de kilomètres, dans un décor de studio reconstitué à Sydney, en Australie. Quant à la musique, elle fait entendre quelques chansons postmodernes et variées : David Bowie (Diamond Dogs), Elton John (Your Song), Queen (The Show Must Go On), se mêlant à d’autres plus rétros comme Diamonds Are A Girl’s Best Friend provenant de la BO des Hommes préfèrent les blondes, mais reprises par des artistes actuels… Fatboy Slim, Timbaland ou encore Beck. Craig Armstong, grand amateur de cordes s’il en est, est arrivé tant bien que mal à coordonner cette folle entreprise musicale.

Par PATRICK MARTIAL (Cadence Info - 04/2015)


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