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FREDDIE MERCURY ET QUEEN, BIOGRAPHIE/HISTOIRE DU GROUPE DE ROCK

L’un d'eux s’appelle Freddie Mercury et les autres Brian May, Roger Taylor et John Deacon. Ils forment à eux quatre l’un des groupes majeurs de la Rock Music, le groupe Queen. Cette formation britannique, qui déroule sa musique depuis maintenant plus de 50 ans, accompagne encore et toujours la bande originale de la vie de quelques millions de personnes… Voici leur histoire.


FREDDIE MERCURY ET QUEEN, UNE NOUVELLE PHILOSOPHIE DU ROCK

La popularité de Queen pourrait se résumer à quelques chiffres : plus de 300 millions de disques écoulés et des tubes en nombre qui s’étalent sur divers albums et dont certains sont d’une valeur artistique quasi indémodable.

À ses débuts, Queen est un groupe qui épouse le style glam rock, un style à la mode avec ses tenues provocantes. Son chanteur charismatique, Freddie Mercury, avait remarqué toute l’importance qu’accordaient les gens au visuel, à l'apparence, et il jouera le jeu jusqu’à l’extravagance en revêtant des tenues moulantes d’arlequin et d’acrobate. C’est cette tonalité d’androgynie qui rendra le groupe aussi « glam ». Quant au nom du groupe… Queen, c’est bien sûr en référence à la Reine d’Angleterre, mais c’est aussi un appel envers les reines des clubs gay, des transgenres et des mecs qui se déguisent. Pour Freddie Mercury « Le nom Queen s’intégrait bien dans cet univers », malgré le fait que la position d’être un artiste gay dans les années 70 était mal vue, voire condamnable ; ce que son compatriote Elton John découvrira également.

© kentarotakizawa flickr.com - de g. à dr. : Brian May, Freddie Mercury, John Deacon et Roger Taylor.

Peu de choses rapprochaient les quatre membres de Queen, sauf la musique bien entendu. Encore étudiants, ils s’étaient engagés dans des voies bien différentes. Brian May était dans le domaine de l'astrophysique. Roger Taylor avait choisi de devenir chirurgien dentiste, et John Deacon travaillait dans l'électronique. Quant à Freddie Mercury, il faisait des études en art plastique après avoir passé son enfance dans le protectorat britannique de Zanzibar (actuelle Tanzanie) et à Panchgani, dans un internat situé au sud-est de Bombay où il découvrira la musique en apprenant le piano et en chantant dans une chorale.

Dès son premier disque, la formation britannique tentera de s’échapper des clichés identitaires du hard rock, leur musique de référence. Avec le recul et ce qu’on lui doit, on comprend vite que Queen ne pouvait être autre chose qu’une machine à tubes d’un nouveau genre, un groupe précurseur. Queen ne renonçait jamais, au-delà des conventions stylistiques du hard, à se saisir d’idées parfois avant-gardistes, notamment en ce qui concerne le traitement des voix et de la guitare.

Mais pour le grand public, Queen reste surtout le groupe de rock qui a composé des chansons en forme d’hymnes ; des chansons que nous pouvons réduire à ceci : un rythme martelé et répétitif accompagné d’un riff de guitare et d’une basse sobre ; l’ensemble étant couronné par un « slogan » aussi bref que puissant.

Comme un symptôme communicatif et addictif, le monde du sport allait s’emparer de ces “hymnes”, démontrant par là même toute l’attractivité de leurs puissantes idées. Encore aujourd'hui, le titre We are the champions incarne parfaitement cette force en demeurant l'une des véritables références des hymnes chantés lors des grandes finales sportives. « Vous m’avez offert la gloire, la fortune et tout ce qui va avec… Et je vous en remercie. Mais ça n’a pas été qu’une partie de plaisir. » (ext. de We are the champions).

Ce signe-là ne trompe pas et donne une certaine idée de partage et de communion voulue par le groupe. Freddie Mercury en était le pivot, l’artiste visionnaire indispensable à la réussite du groupe. Celui qui se définissait avec humour comme une « prostituée musicale » avait inventé un style unique dans l’histoire de la Rock Music en cassant les codes et les genres. Il s’était approprié le chant d’opéra et l’avait projeté au beau milieu d’un son hard-rock, à l'exemple de la chanson Bohemian Rhapsody avec ses chœurs, ses changements de tons et ses paroles au sens insaisissable et théâtral :« Je vois une petite silhouette d'homme / Scaramouche, Scaramouche, ferez-vous le Fandango / La foudre et les éclairs me font vraiment vraiment peur / Galileo (Galileo) / Galileo (Galileo) / Galileo figaro (Magnifique) »

Jusqu’à sa disparition en 1991, le chanteur focalisera l’énergie du groupe sur scène en électrisant le public. Freddie Mercury était capable de mener les fans dans son sillage, là où il le voulait. Ce showman d’un autre temps se démarquait toujours par son tempérament excessif, sa fureur de vivre, son énergie. Malgré d’inévitables blessures narcissiques remontant à l’enfance, l’idée de devenir une « rock star » lui collait inlassablement à la peau. Sa conduite incarnait idéalement ce vieux slogan échappé de la contre-culture : « Sex, Drugs & Rock & Roll ».

Le film Bohemian Rhapsody tente alors de le démontrer....


‘BOHEMIAN RHAPSODY’, LE CHALLENGE D’UN BIOPIC ET D’UNE PERFORMANCE

En 2018, Queen devait revenir sur le devant de la scène avec le biopic Bohemian Rhapsody réalisé par Bryan Singer. Ce film, qui retrace la carrière exceptionnelle du groupe, tente surtout de dessiner un portrait de son envoûtant chanteur Freddie Mercury.

À sa sortie, et contre toute attente, le film est mal reçu par la presse française. Un véritable défouloir qui soulève les aspects romancés et quelque peu inexacts ou incomplets de la vie de Freddie Mercury. Pour Télérama, le film est « trop hagiographique », alors que pour les Inrokuptibles « le biopic est beaucoup trop officiel » ou qu’il est « mollement réalisé par Bryan Singer et qu'il lasse par la vacuité sidérante de son projet » selon Libération.


'QUEEN, WE WILL ROCK YOU' (ext. du film 'Bohemian Rhapsody' - 2018)

Cerner le parcours d’un artiste hors norme et plein de paradoxes, qui aimait autant le cabaret et son côté flamboyant que les provocations les plus délirantes, est difficile, comme il est difficile de restituer l’intensité partagée avec le public à une époque qui n’est visiblement plus d’actualité. Qu’aurait dit alors la presse, si les vidéos du groupe n’avaient pas été là pour rafraîchir la mémoire collective au moment de réaliser le film ?

Roger Taylor, coproducteur du film et guitariste du groupe Queen : « C’est difficile de faire un film, car il ne représente qu’une partie de la vérité et on espère toujours qu’il reste un fond de vérité au milieu de tout ça. Mais on est obligé de fabriquer des dialogues et des personnages pour aider la narration, et on ne s’était pas rendu compte de cela. On pensait juste raconter la vraie histoire. »

L’acteur Rami Malek, qui a la difficile mission d’incarner le chanteur, parvient toutefois à le crédibiliser du point de vue de son physique et de ses gestes. Tout est dans le détail, le mimétisme. Une véritable performance qui fera taire un grand nombre de détracteurs qui reprocheront l’aspect trop lisse et pas assez irrévérencieux du personnage. Cette prouesse permettra surtout au film Bohemian Rhapsody d’être une réussite commerciale en engrangeant 900 millions de dollars de recettes et en obtenant différentes récompenses dont deux Golden Globes et quatre Oscars, dont celui de meilleur acteur pour Rami Malek.

Et comme si cela ne suffisait pas, l’effet du biopic se poursuit désormais sur la Toile en allant encore plus loin grâce au streaming… passant de 600 millions à 1,9 milliard d’écoutes en quelques mois ! Nous pourrions également ajouter à tout ceci, la bande son du film qui s’est vendu à trois millions d’exemplaires. Un record pour une BO et ses dix titres incontournables.

L’autre effet de cette résurrection est de voir sur le devant de la scène Queen nouvelle formule. Les septuagénaires Roger Taylor, Brian May et le jeune Adam Lambert – qui chante à la place de Freddie Mercury – cartonnent à nouveau en tournée. Quant à la comédie musicale We will rock you et ses 16 millions de spectateurs à travers le monde, elle est déjà passée par deux fois en France !

QUELQUES FAITS AUTOUR DE TUBES QUI NOUS ACCOMPAGNENT

Bohemian Rhapsody en 1975, Somebody to love en 1976, We are the champions en 1977, Don’t stop me now en 1979, Another one bites the dust en 1980, Under pressure en 1981, Radio Ga Ga et I want to break free en 1984, The show must go on en 1991, sont autant de tubes qui révèlent et qui encensent le groupe par l'approche éclatée de leur style musical. Mais cette ferveur populaire qui se propage comme un virus arrivera après différentes expériences...

Si le groupe commence par se faire un nom en Angleterre avec leurs deux premiers albums (Queen en 1973 et Queen II en 1974), il trouve la mise en route de sa réputation avec le titre Killer Queen issu de leur troisième album Sheer Heart Attack en 1974. La mise en avant de la voix de Freddie Mercury est déjà là, servie par un texte décadent et un accompagnement instrumental des plus sobres.

Grâce à cette première réussite, le groupe se voit proposé une première tournée aux États-Unis et le lancement de leur carrière à l'international (la France n'accordera la célébrité à Queen que tardivement, en 1977 avec leur 6e album News of the World, à cause des deux énormes tubes qu’il contient : We will rock you et We are the champions).

La sortie de l'album A night at the Opera en 1975, contenant la chanson Bohemian Rhapsody – qualifiée d'opératique – permet à l'album de Queen d'atteindre la première place du hit-parade au Royaume-Uni. Artistiquement ambitieux, A night at the Opera aborde des genres musicaux très variés et permet au groupe de démontrer tout son potentiel créatif.


QUEEN : 'BOHEMIAN RHAPSODY' (1975)

Cinq ans plus tard, dans un genre bien différent, Queen publie Another one bites the dust. Le single se vend à sept millions d'exemplaires. Sa ligne de basse imparable et sa rythmique funky jouée à la guitare leur valent le qualificatif de « Roi de la funk » Même si le son hard rock des débuts n’est plus, personne ne semble vouloir leur en tenir rigueur, bien au contraire, comme semble l’indiquer la parution de leur "Greatest Hits" et de ses 25 millions d'exemplaires vendus en quelques semaines.

En 1981, alors qu'ils travaillent sur leur dixième album dans les studios Mountain à Montreux, en Suisse, ils croisent la route d'un certain David Bowie. Comme l'entente passe malgré les egos de chacun, l'idée de collaborer prend vie. Un simple riff de basse retrouvé par John Deacon va donner naissance à Under Pressure, premier tube de Queen à avoir été créé en collaboration avec un autre artiste et à se hisser en tête des ventes dans une quinzaine de pays.

© Carl Lender (wikipedia) flickr.com - Freddie Mercury en 1977.

Under Pressure, qui figure sur l'album électro pop Hot Space en 1982, coïncide avec l'amorçage des carrières solos provoqué par la mévente de l'album et par la nouvelle orientation musicale du groupe en lien avec l'album précédent – ce qui ne fera qu'accentuer la déception des fans de hard rock. C'est aussi l'époque où des groupes comme U2, Depeche Mode ou INXS implantent leur répertoire et imposent des chansons autrement calibrées. Le biopic Bohemian Rhapsody revient sur cet épisode et les tensions existant dans le groupe. Cependant, le film de Bryan Singer entretien l'illusion que le groupe était sur le point de se séparer, alors qu'il n'en était rien dans la réalité. Malgré des points de divergence, malgré la drogue à laquelle s'adonnait Freddie Mercury et qui modifiait son comportement, la formation a toujours continué d'enregistrer et de se produire sur scène. Toutefois, les excès et la fatigue dus aux différentes tournées dans un rythme effréné allaient pousser le groupe à s'offrir une pause sabbatique de deux années ; une respiration pour mieux se retrouver...

Queen revient en force avec l'album The Works. Le succès est de retour, notamment avec le single I want to break free qui restera 4 mois au Top 50 en 1984. Doté d'un clip surréaliste, plein d'humour, où les musiciens habillés en fille parodient une série télévisée très célèbre en Angleterre, Coronation Street, Queen propose surtout un clip controversé qui ose montrer l'émancipation de l'homme ; une image de la féminité parodiée qui ne plaira pas aux Américains et qu'ils finiront par censurer (ce qui bloquera par la même occasion la présence des Queen sur leur sol).

Si la démesure est adorée par le public, elle est loin d'être appréciée par la presse spécialisée anglaise. Ainsi pouvait-on lire : « Queen n'a pas d'imagination pour jouer du jazz et encore moins du rock'n'roll » ou « Le premier groupe de rock véritablement fasciste . » Ces avatars verbaux ne sont pas rares et la presse française suit avec le même élan destructeur (Best, Rock'n'folk, etc.). Mais pour les Queen, le principal est ailleurs et tient essentiellement dans l'adhésion du public. Traduisez : "Si la presse ne comprend pas notre musique, c'est leur problème !"

La force de Queen tient avant tout dans leur identité sonore qui se remarque dès les premières notes. Un style musical ouvert, des arrangements travaillés - notamment au niveau de l'harmonie des voix de Freddie Mercury et des sons joués par la guitare bricolée de Brian May - permettent à Queen d'élever leur répertoire dans une dimension sonore toute personnelle et singulière.

Contrairement à de nombreux groupes, Queen travaille leurs chansons studieusement, de façon démocratique. Chaque membre vient avec sa maquette et ils échangent leurs idées sans imposer un leader qui décide de tout, en bien comme en mal. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, Freddie Mercury n'avait pas d'ascendant sur le groupe en termes de décision, mais il agissait en tant que médiateur au sein du groupe. C'est la conjugaison des talents respectifs, mais aussi des divergences réunis au sein d'une même dynamique qui finissaient par créer l'identité de leur répertoire.

En 1986, on relèvera le titre A kind of magic échappé de l'album du même nom et qui servira avec d'autres chansons du groupe d'appui à la bande son du film Highlander avec Sean Connery et Christophe Lambert. À ce moment-là, c'est l'apothéose de la carrière du groupe avec ses tournées à travers toute l'Europe. Queen semble alors invincible et immortel en attirant 2 millions de spectateurs dans les 26 concerts qu'ils donneront.

Pour le groupe, c'est une sorte d'aboutissement, et suite aux différents albums qui sortiront ensuite (The Miracle en 1989 et Innuendo en 1991) aucune tournée ne sera prévue. Pour s’en expliquer, les membres de Queen proclameront officiellement qu'ils n'avaient plus envie de tourner, alors qu'en réalité la véritable raison était dictée par la santé chancelante de Freddie Mercury.


QUEEN : 'I WANT TO BREAK FREE' (1984)

LA DISPARITION DE FREDDIE MERCURY

Quelques mois après leur dernier concert, Freddie Mercury apprend qu'il est malade du SIDA ; ce moment est bien sûr évoqué dans le biopic de Bryan Singer, mais il fera l'objet de certaines critiques, la différence majeure étant que le chanteur ne découvre pas sa maladie juste avant le concert de Live Aid en 1985, mais bien plus tard, quand il enregistrera l'album Barcelona avec la cantatrice Montserrat Caballé, en 1987, alors qu'il n'a que 31 ans.

Le fléau de cette terrible maladie, qui se répand assez maladroitement dans la presse, attire aussi tous les paparazzis pour une traque sans merci, surtout quand il s’agit de Freddie Mercury. De son côté, le chanteur s'en tiendra à démentir toutes les rumeurs comme un secret bien gardé. Seuls les proches étaient au courant. Brian May, Roger Taylor et John Deacon n'évoquaient jamais le problème comme s’il s’agissait d’une volonté testamentaire, d'autant que le SIDA était à cette époque considéré comme un châtiment corporel pour les homosexuels.

Malgré la maladie, la fatigue, la souffrance, Freddie Mercury va pourtant continuer d'enregistrer et de tourner dans les clips. Le dernier sera pour la chanson These are the days of our lives en 1991. Ambitieux au point de vouloir être bien plus qu'une rock star, mais une légende, Freddie Mercury estimait que sa voix était son plus grand atout. Le chanteur donnera ainsi tout ce qu'il pourra dans son dernier album, Innuendo, simplement pour ne pas décevoir ses fans.

Ne manquant pas de courage, Freddie Mercury était, d'une part, confronté à la maladie qui continuait de le ronger de l'intérieur et, d'autre part, il ressentait que ses limites vocales s’amenuisaient de jour en jour. En tout point fidèle à ses engagements, comme une flamme que l'on ne veut pas voir s'éteindre, il était devenu son propre spectateur. Quelques jours plus tard, le 24 novembre 1991, Freddie Mercury décédait.

L'inimaginable venait de surgir. Mais en musique le spectacle doit continuer, comme il s'efforçait de le chanter en 1991 au seuil de la souffrance : « À l'intérieur mon cœur est en train de se briser / Mon maquillage est peut-être en train de s'écailler / Mais je garde le sourire. » (The show must go on). Comme un revers qui s'inscrit dans le temps, sa mort soudaine avait pris à témoins des millions de fans conscients de ce que pouvait être ce terrible virus. Et si la mobilisation pour combattre ce fléau est encore d'actualité, la brutale disparition du chanteur aura eu le mérite de le transformer en légende, tel qu’il l'avait rêvée.

Aujourd’hui, les hommages et les spectacles continuent entre les sosies et les concerts donnés par les membres de Queen ; Brian May, Roger Taylor et John Deacon ne cessant de rendre la politesse à leur ami disparu. Freddy Mercury était un artiste énigmatique et si ses performances scéniques et vocales ne doivent rien au hasard, plus de 30 ans après sa mort, les chansons restent et continuent de faire bouger les mentalités et les consciences. La ferveur autour du film Bohemian Rhapsody est là pour nous le rappeler.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2022)


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