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GEORGE GERSHWIN, PORTRAIT JAZZ ET MUSIQUE SYMPHONIQUE

Quel est l'un des points communs entre Fred Astaire, Barbra Streisand, Ella Fitzgerald, Louis Armstrong ou encore Frank Sinatra ? Celui d’avoir chanté des mélodies pensées par George Gershwin. Compositeur audacieux à une époque où la ségrégation n’était pas un vain mot, il deviendra le défricheur d’une musique symphonique typiquement américaine, mêlant judicieusement à ses ornementations jazz, quelques envolées rythmiques et harmoniques dont lui seul avait le secret.


GEORGES GERSHWIN, L’AUDACE D’UN COMPOSITEUR

Dans les premières années du 20e siècle, le Nouveau Monde est encore un continent qui subit les influences héritées de la vieille Europe. Sa « politique d’importation » ne lui pas encore permis de se constituer un art personnel autochtone. Aux États-Unis, la musique se partage entre une opérette de music-hall décousue, une musique de film en quête d’identité et un jazz balbutiant rejeté en majorité par les Blancs.

Le goût du public est ainsi écartelé entre un Youmans et un Ernest Schelling, comme entre un Irving Berling et un Virgil Thomson ou encore un Carpenter et un Gershwin. Les nouveautés audacieuses venues d’Europe, délivrés par Debussy, puis plus tard par Ravel, Hindemith et Schoenberg, n’arrangeront rien.

Cette confusion traîne aussi en Amérique latine où la plupart des compositeurs dits « sérieux » hésitent encore à franchir le pas. Néanmoins, la valeur ethnique d’un Villa-Lobos sera à même de créer un style purement brésilien, d’une originalité saisissante en mettant en œuvre des éléments folkloriques indiens, nègres et portugais.

Face à tout ce tumulte incontrôlable, la plupart des compositeurs américains n'ont qu'un souhait : trouver de nouvelles sources d’inspiration. Les musiques qui se pratiquent traditionnellement et populairement aux États-Unis comme le jazz, le blues ou le spiritual continuent de prospérer. Cependant, sans repère stable et sans héritage national, de nombreux compositeurs vont petit à petit se forger une puissante réputation d’artiste indépendant, capable de s’affranchir de toute influence musicale européenne.


GEORGE GERSHWIN, LE JAZZ EN PARTAGE

George Gershwin est l’exemple même de cette audace. Durant sa courte existence (1898-1937), le compositeur de la Rhapsodie in Blue va marquer les esprits à tout jamais. Ce prodigieux pianiste était doté d’un grand sens mélodique. Ce n’est donc pas un hasard, s’il a composé autant de chansons. Citons à titre d'exemple : But Not For Me, I Got Rhythm, It Ain’t Necessarily So, Oh, Lady Be Good !, Summertime, Swanne, The Man I Love, etc. Ces chansons ont traversé les générations pour devenir des « standards », des références, notamment dans le domaine du jazz.

La plupart de ces chansons, dont les textes sont majoritairement écrits par son frère Israël (Ira), proviennent de comédies musicales datant des années 30. Les revues de Broadway et les adaptations cinématographiques qui suivront, apporteront à George Gershwin la célébrité dans le monde entier. Nul doute, le compositeur était parfaitement conscient de son rayonnement artistique : « J’ai la modeste prétention de contribuer à l’élaboration du grand roman musical américain. », et de rajouter avec ironie : « Je suis le Schubert américain. ».


GEORGE GERSHWIN UN AMERICAIN À PARIS
(Orchestre sous la direction d'André Prévin)

Mais si George Gershwin a rapidement gravi les échelons de la popularité, ses compositions flirtaient allègrement avec une musique de nègre, le jazz. De fait, le compositeur n’était pas pris au sérieux, voire vilipender par de nombreux critiques. Placé face au dilemme de l’époque qui opposait une musique de Noir à une musique de Blanc, George Gershwin tenta d’élever le discours en écrivant des œuvres plus audacieuses.

La musique de ce compositeur honnête était fort heureusement saluée par quelques compositeurs reconnus, comme son ami Schoenberg qui dira de lui : « Il est absolument évident que Gershwin fut un novateur. Ce qu’il est parvenu à faire avec du rythme, des harmonies, des mélodies, ce n’est pas seulement de la stylistique. C’est même un langage très éloigné du maniérisme de bien des compositeurs qui se prétendent « sérieux ». Ses mélodies ne sont pas le produit d’une forme appliquée mécaniquement : ce sont des entités indissolubles. Mélodies, harmonie et rythmes sont faits dans le même moule, et ne sont jamais des pièces rapportées. »

Dans ses trois œuvres symphoniques que sont la Rhapsodie in Blue (1924), Un Américain à Paris (1924) et le Concerto pour piano (1925), on retrouve une même ligne conductrice, celle de briser les barrières entre un jazz naissant et une musique symphonique aux contours standardisés. Face à ses détracteurs qui conspuait ses œuvres, Gershwin ne changea jamais de position. Il considérait le jazz comme une musique populaire typiquement américaine ; la seule qui fasse partie de l’âme d’un peuple.

Après avoir écrit de nombreuses comédies musicales et en avoir fait le tour - si l’on peut dire -, c’est à la fin de sa vie qu’il ambitionne l’écriture de son unique opéra, Porgy and Bess (1935). Le compositeur juif de Brooklyn porte bien en lui les caractéristiques des États-Unis, le pays de tous les espoirs, en imposant internationalement une grande œuvre lyrique destinée à être exécutée uniquement par des Noirs. La grande force de l’opéra Porgy and Bess, est de traduire habilement, à une époque où les problèmes raciaux sont légion, le drame des minorités avec un sens profond du tragique, tout en évitant l’écueil du misérabilisme et d’une idéologie quelconque.

Gershwin ne sera pas le seul à forcer ce décloisonnement des différents genres musicaux. D’autres suivront son exemple, à commencer par Aaron Copland (1900-1990) et son œuvre imprégnée du folklore américain : Billy The Kid, Rodeo, Appalachian Spring. Son ami, Leonard Bernstein (1918-1990), mais aussi Douglas Moore (1893-1969), John Adlen Carpenter (1876-1951) et le noir William Grant Still (1895-1978) tenteront d’édifier une approche musicale qui ne soit pas assujetti aux dictats d’une pensée européenne construite sur plusieurs siècles.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 08/2015)

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