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CHANSON

INTERVIEW GEORGES BRASSENS : RADIOSCOPIE, ENTRETIEN 1971

Le 30 novembre 1971, Georges Brassens était l’invité de l’émission 'Radioscopie' de Jacques Chancel sur France Inter. À cette époque, le nom de Brassens résonne aux côtés de Brel, Ferrat et Ferré. Le chanteur poète sétois a déjà enregistré 12 albums et vient de terminer la musique du film Le drapeau noir flotte sur la marmite, une comédie signée Michel Audiard et adapté d’un roman de René Fallet, Il était un petit navire. Voici retranscrit de larges extraits des échanges entre Brassens et le journaliste et animateur Jacques Chancel.


LA LÉGENDE BRASSENS

Jacques Chancel : Depuis 20 ans, rien n’a changé dans votre vie, Georges Brassens. Jamais vous n’avez été influencé par le succès, traumatisé ou gâté par la gloire. Vous avez peur de devenir quelqu’un d’autre ?

Georges Brassens : Je ne me suis pas aperçu de tout ça, vous savez. C’est de l’extérieur que l’on peut voir si un homme a changé ou pas. Il me semble que je suis toujours à peu près le même. Je ne crois pas que le succès m’ait beaucoup changé…

Il y a une légende Brassens.

Oh, il y en a 36 ! Mais je ne pense pas qu’elles soient valables. Enfin, oui, je suis un ours. C’est ça la légende.

Je vous connais bien. Je peux dire que ce n’est pas vrai.

Non, je suis un ours. Je suis un type qui envoie promener tout le monde. Enfin, tout ça, ce n’est pas vrai. Je suis un être très naturel et, comme à mes débuts, je n’ai pas eu tellement envie d’aller à droite et à gauche où l’on voulait m’entraîner. On en a déduit que j’étais un ours, un sauvage. Ce qui n’est pas vrai.

Où voulait-on vous entraîner ?

Un peu partout, à des cocktails… On voulait me faire faire des émissions que je ne voulais pas faire. Enfin, des tas de choses comme ça.

Contre l’embourgeoisement à tout prix…

Pas contre l’embourgeoisement à tout prix. Je vous dis, tout ça, c’est naturel. Je me laisse assez vivre. Je me fais un petit peu confiance et je me dis après tout : « vie comme tu as envie de vivre ». Je ne cherche pas à être un autre que ce que je suis.

© Erling Mandelmann - Georges Brassens (1964)

Mais il y a toujours la solitude, toujours la discrétion…

Oui la solitude, mais pas tel qu’on l’entend. On s’imagine que je suis un solitaire qui ne tient pas à la compagnie des autres. C’est pas du tout ça. Je n’aime pas du tout être seul. J’aime bien avoir des amis autour de moi, avoir des contacts avec les autres…

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Est-ce que c’est le silence qui fait le talent ?

Ça dépend de qui !

Et ça dépend de quoi aussi.

J’ai l’impression que nous faisons là de la haute philosophie. Je n’en suis pas capable.

Vous dites toujours cela, mais vous êtes capable de tout… Lorsque vous êtes parti pour Paris, est-ce que vous pouviez prévoir tout ce qui s’est passé ensuite ? Les débuts ont été difficile.

Oui, les débuts ont été difficiles. Je faisais des chansons qui n’intéressaient personne. Je dois dire la vérité : je n’ai pas fait de gros efforts pour tirer les sonnettes parce que j’en étais incapable. J’étais plein de retenues, plein de pudeurs et même de pudibonderies. Je n’osais pas montrer mes petites choses aux autres, et quand je le leur montrais, il faut dire que cela n’avait pas l’air de les séduire du premier coup, alors par orgueil, je me retirais en vitesse.

Est-ce que vous êtes conscient de la place que vous occupez aujourd’hui dans le monde du spectacle ? Il y a eu un livre sur vous. Vous entrez dans le monde des poètes d’aujourd’hui. C’est lourd à porter ?

Non, pas très lourd. Tout ça, ça ne veut rien dire. Être dans les poètes d’aujourd’hui, ça ne veut pas dire que j’y serai encore demain… La postérité arrange ça à sa manière.


J’ÉCRIS POUR UN CERTAIN PUBLIC

Comment vivez-vous Georges Brassens ?

Oh ! Le plus naturel du monde… Comme vous, mais en travaillant un peu moins que vous… Comme la plupart des gens.

Vous estimez que vous êtes en marge dans votre métier ?

On m’a tellement parlé de moi que je ne sais plus tellement où j’en suis. Je ne m’occupe pas de moi. J’écris ce qui me passe par la tête et j’essaie de bien le faire…

Vous aimez être jugé lorsque vous écrivez une chanson ?

Quand on écrit pour les autres, on est forcément jugé. Je n’aime pas particulièrement être jugé. Maintenant je m’y expose.

Il y a un certain public pour vous ou bien vous écrivez pour tous les publics ?

J’écris pour un certain public, pour le public que j’ai trouvé. Au début, je ne le connaissais pas. Petit à petit, il est venu à moi, et maintenant, quand j’écris une chanson, je l’écris pour un certain public idéal.

Georges Brassens vous vous faites rare sur les scènes du music-hall. C’est du parti pris…

Je me fais rare parce que d’abord je pense qu’il ne faut pas passer continuellement sur scène. Je ne veux pas trop me prostituer, me montrer. Je pense que le public est bien plus content de me retrouver après deux ans ou trois d’absence que s’il me voyait tous les jours.

Vous pensez que l’on est obligé de faire des concessions si l’on s’aventure davantage dans le métier ?

En ce qui me concerne, il me faut du temps pour mettre de l’ordre dans mes idées, pour écrire des chansons. Si je ne passe pas plus souvent en public, c’est pas uniquement par politique, pour me faire rare, c’est parce que je ne suis pas capable d’écrire douze chansons par an qui me plaisent et qui plaisent à mon public.

Georges Brassens, est-ce que vous regrettez d’être ce que vous êtes, parce qu’au départ, il y avait d’abord une tentative pour être aviateur. Vous rêviez de Mermoz.

C’était l’enfance. J’étais enfant en 1930, alors bien évidemment, c’était Mermoz et les aviateurs… Tous les gosses de mon âge avaient cette passion. L’aviation, c’était une mode à ce moment-là.

Vous auriez pu être maçon comme votre père…

J’aurais pu être maçon, mais ça ne me plaisait pas non plus. Vous savez, c’était la chanson dès l’enfance. Je me suis toujours intéressé à la chanson. Mon père et ma mère, du reste, s’intéressaient aussi à la chanson et je n’ai fait que prendre la suite. À cinq, six ans, je chantais, mal, mais je chantais avec passion.


ÉCRIRE DES CHANSONS

Vous écrivez de quelle manière ?

Laborieusement… Une idée me vient, je ressens une émotion et j’essaie de la traduire avec des mots. Puis, je la rumine pendant quelques jours, quelques semaines. J’ajoute quelque chose ; j’enlève plus, d’ailleurs, que je n’ajoute et, au bout de quelque temps, je ne peux pas aller plus loin.

Vous reconnaissez avoir fait de bonnes chansons ?

Oui, j’aime assez certaines de mes chansons.

Lesquelles par exemple ?

Je n’ai pas mon répertoire dans la tête… Oncle ArchibaldLa femme d’Hector, Le fossoyeur.

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Georges Brassens, vos chansons sont souvent des critiques et ces critiques, tout le monde les fait à 19 ans… Et quand quelqu’un de cet âge parle ainsi, on lui dit souvent : «  Tu changeras, tu verras », alors que vous, vous n’avez pas changé...

Je ne sais pas si j’ai changé. On voit mieux ça de l’extérieur que de l’intérieur… Ce sont les autres qui le voient. Il faudrait interroger mes familiers de 30 ans.

En tout cas ces attaques, ces bombes que vous lancez parfois, vous les faites passer par le crible de la poésie.

Les attaques non. Vous savez, je dis ce que je pense, ce que je crois penser. Je dis ma petite vérité, qui ne va pas très loin d’ailleurs, qui n’est pas à moi, mais que je dis avec mon caractère, avec ma nature. Je prends les idées qui sont à tout le monde et je les traduis selon ma propre nature. Je n’ai pas la prétention de changer le monde… Il y a certaines choses dans la société actuelle qui me conviennent et d’autres pas. Je le dis, mais je laisse des portes ouvertes.

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Ceux qui sont attaqués se reconnaissent dans vos chansons ?

J’attaque peu de gens. Il semble que j’attaque, mais je n’attaque pas tellement. J’attaque un certain système, les institutions… rarement les hommes.

Plus tard, on citera vos textes comme on peut citer ceux de Paul Eluard, de Valery, de Boris Vian

Nous verrons, nous verrons.

L’ANARCHISTE BRASSENS

Est-ce que vous avez une âme de justicier ?

Je pense avoir le sens de la justice. Vous savez, la justice, c’est difficile à rendre. Je pense que dans la société actuelle, on est obligé de la rendre. Moi, je ne m’en sens pas capable. J’ai une tendance quand même assez heureuse, en mon sens, à pardonner les offenses, à pardonner tout. Je ne suis pas du tout un justicier… Je ne sais pas comment faire pour faire régner la justice en admettant qu’il soit possible que la justice règne, ce que je ne crois pas tellement.

Vous m’avez dit un jour Georges Brassens : « Il n’est pas important d’être aimé, ce qui est important, c’est d’aimer. »

Je ne suis pas le premier à avoir dit ça. Être aimé, ça ne veut rien dire. Quand on aime, on éprouve quelque chose, on se grandit, tandis que quand on est aimé, c’est bon pour le confort.

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Il fut un temps où vous vous disiez anarchiste. Est-ce que l’on peut être anarchiste en 1971 ?

Pour moi, l’anarchie, c’est le respect des autres, une certaine attitude morale... J’ai appartenu à la fédération anarchiste à la libération. J’y suis resté quelques années et puis j’en suis parti. Je suis toujours sympathisant anarchiste. Mes idées, j’ai du mal à les expliquer, n’ayant pas de programme, n’ayant pas de solution future... Et puis l’économie s’en mêle tellement aujourd’hui que si l’on ne connaît pas les problèmes économiques parfaitement, on est incapable de construire le monde de demain. Et puis le Monde évolue à chaque instant, à chaque seconde. Le Monde que l’on construit sur le papier aujourd’hui ne serait plus valable si on le mettait en pratique demain. C’est pour ça que je n’ai pas de solution, ni d’idéal, ni de solution collective surtout. Pour moi, être anarchiste, c’est un certain respect des autres, une espèce de fraternité, encore que le mot soit un peu grand... je ne sais plus qui disait ça : « une espèce de volonté de noblesse ».

© André Cross - Georges Brassens (Théâtre du Capitole, 2 décembre 1963)


LE RAPPORT AU SUCCÈS

Vous n’aimez pas beaucoup que l’on vous photographie, que l’on fasse des articles sur vous dans les journaux.

J’aime et j’aime pas… Je ne cours pas après les journalistes ni après les photographes. Je courrais plutôt devant… Je suis très content quand on parle de moi finalement. J’aime mieux qu’on me dise « J’aime Brassens » plutôt que d’entendre dire « Je n’aime pas Brassens »… Mais je pense que tout le monde en est là !

Vous pensez qu’il y en a qui n’aime pas Brassens ?

Bien sûr ! Je n’ai jamais eu la prétention de plaire à tout le monde. Vous savez, pour plaire à tout le monde, il faut être le ciel bleu, et encore, il y a des gens qui n’aiment pas le ciel bleu. Moi j’aime bien les gris bretons, par exemple… Je n’ai pas besoin d’être aimé par tout le monde. Que l’on soit aimé par dix, cent, mille, dix mille, cent mille, un million de personnes, ça finit par ne plus rien vouloir dire. S’il y a seulement en France cinquante mille personnes qui aiment bien mes chansons, je suis satisfait. Je suis très content.

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On peut s’étonner, Georges Brassens, que vous n’ayez pas écrit un roman…

J’ai essayé d’écrire des romans. J’ai essayé d’écrire en prose… Je pense que ceux qui m’aiment bien acceptent mes chansons et il faut en rester là.

En tout cas, pour vous, les chansons sont un texte.

Si j’ai quelque chose à dire, à faire ressentir dans mes émotions et les émotions des autres, aussi, je peux très bien le faire dans mes chansons. C’est très suffisant comme véhicule. Et puis ça me permet un contact direct, et bien qu’on raconte que je suis un ours, un solitaire, j’aime bien savoir que les lettres que j’écris ne sont pas mises au panier, ne sont pas perdues.

Pour vous, une chanson, c’est une lettre, pas un message ?

C’est une espèce de lettre, oui, c’est un petit cri que je pousse. C’est une lettre à un ami, à des amis.

Vous ne pouvez pas vous contenter d’une ritournelle… d’un air qui revient comme ça, de temps en temps…

Il faut les dire comme on peut.

Politiquement, vous auriez pu faire une carrière ?

Un anarchiste ne se mêle pas de politique.

Mais vous m’avez dit tout à l’heure que vous n’étiez plus anarchiste…

Enfin, je ne le suis plus, mais je le suis quand même. Je ne suis plus capable de vous expliquer ce que c’est qu’un anarchiste, mais je crois l’être resté.


LE MILIEU ARTISTIQUE, LES CHANTEURS ET LE PUBLIC

Vous pensez qu’il y a une bonne génération de chanteurs ?

Vous savez, ça a été toujours un peu pareil. Il y a 50 % de bon, 50 % de mauvais. Je crois qu’il en va de même dans tous les domaines.

Il y a aussi une belle injustice dans ce milieu. Il y a des gens qui sont au sommet et qui ne mériterait pas d’y être.

Il y a des graines qui sont semées, qui poussent et d’autres qui ne poussent pas. La justice, on ne sait pas à quoi ça tient. Parfois, c’est le public lui-même qui se trompe, qui ne choisit pas la chose qu’il devrait choisir. Le public se trompe aussi, mais moins souvent que les professionnels… Le public prend ce qu’on lui donne, et dans le domaine de la chanson, c’est très caractéristique. Je sais bien qu’on ne peut pas imposer une chanson au public, mais si le public ne connaît pas certaines chansons, comme celles de Paul Louka, si vous ne les entendez pas, vous ne pouvez pas savoir qu’elles existent, vous ne pouvez donc pas les aimer.

Le public, il faut le flatter ou l’agacer ?

Non, le public, il faut le respecter, il faut l’aimer, il faut le prendre avec dignité. Il faut lui donner de bonnes choses, autant que possible.

Vous vous rappelez du premier chanteur que vous avez écouté ?

Quand j’étais petit ? Je ne sais pas, je les écoutais tous. Mes parents avaient un phonographe et j’écoutais les disques de cette époque… je ne me rappelle plus les noms… Et puis très vite la radio est arrivé, alors j’ai écouté tout le monde. J’étais très éclectique… Enfin, j’aimais la chanson et j’écoutais aussi bien Tino Rossi que Ray Ventura et Mireille… Il y avait Jean Nohain qui a fait de très bonnes chansons, Misraki, bien sûr Charles Trenet. Par exemple, Tino Rossi, ce n’était pas du tout mon genre, mais j’aimais beaucoup Tino Rossi.

Autant que Trenet ?

Je ne sais pas… d’une façon différente. Tino Rossi apporte autre chose avec sa voix que Trenet.

Mais est-ce que vous entrez bien, aujourd’hui, dans ce milieu ou réagissent des gens comme Johnny Hallyday, Claude François, Sheila, Sylvie Vartan…

C’est-à-dire, il y a des choses là-dedans qui ne m’empêche pas de dormir. Enfin, Johnny Hallyday, j’aime beaucoup. D’abord, l’homme me plaît. Il est très sympathique. Un type très digne et très noble. J’aime bien quand même ce qu’il fait.


DE L’EXISTENCE DES IDÉES…

Dans votre chanson ‘Les deux oncles’, il y a cette phrase : « Aucune idée sur terre est digne d’un trépas. ». Expliquez-moi.

C’est difficile à expliquer… Je pense que les idées évoluent très vite. Je pense que la plupart des gens meurent pour des idées qui, au moment où ils meurent, n’ont déjà plus court. Alors je conseille de faire attention avant de mourir pour une idée. Je pense qu’il faut bien la peser…

Vous seriez capable de mourir pour une idée quand même ?

Pour une idée, je ne sais pas. Je serais capable de mourir pour vous si vous étiez en difficulté, sans doute. Pour une idée, je ne sais pas. D’abord quelles idées ? Est-ce que les gens qui ont des idées, les ont vraiment ? Les trois quarts du temps, les gens croient avoir des idées qu’ils n’ont même pas, vous savez… surtout les idées auxquelles ont fait allusion dans cette chanson.

Les idées sont importantes. Il faut les défendre avec une certaine noblesse. C’est ça qui est important. Vous avez des idées Georges Brassens, des idées sur toute la vie et sur la liberté. Et votre liberté n’est pas commune à tous. C’est pour ça que vous êtes terriblement en marge.

Je ne sais pas du tout si je suis en marge. On voit mieux ça de l’extérieur. Quand je me regarde dans une glace, je ne me vois pas avoir des idées. Je chante. Je raconte mes histoires, et puis si ce sont des idées, ce sont des idées, et puis si elles n’en sont pas, tant pis.


TOLÉRANCE ET LIBERTÉ

Il y a des mots clés dans la vie Georges Brassens. Vous connaissez le mot « liberté », est-ce que vous connaissez aussi bien le mot « tolérance » ?

Le mot « tolérance », je le connaîtrais mieux que le mot « liberté ».

Il est plus vrai ?

Il est plus mien. J’ai plus le sens de la tolérance que de la liberté, parce que la liberté c’est quand même toujours plus vaste. Du reste, si tous les gens avaient un esprit de tolérance, la liberté irait de soi.

Ce qui est bien avec vous, Georges Brassens, c’est que vous vous contentez de comprendre les autres et de les aimer.

De les aimer, oui, je fais un effort… parfois pour les aimer, parce que ce n’est pas toujours facile. J’essaie d’aimer les autres tels qu’ils sont. J’essaye de prendre les choses telles qu’elles sont… On peut aimer les choses sans les accepter.


APRÈS PARIS, JE CHOISIRAIS SÈTE

Il fut un temps où vous viviez aux environs de Paris et puis d’un coup vous avez décidé de vivre au cœur de la capitale…

Je n’ai jamais vécu aux environs de Paris. Je suis un vieux parisien depuis 1940 et jamais je n’ai vécu en dehors de Paris. J’ai toujours aimé passionnément Paris et si l’on pouvait se faire naturaliser parisien, je le ferais...

Et Sète dans cette histoire ?

J’aime beaucoup Sète aussi. C’est la ville où je suis né… Ma mère était Italienne et mon père venait d’un pays qui s’appelle Cartelnaudary. Je suis né à Sète par accident. J’aime beaucoup Sète… Si j’avais à choisir une ville, après Paris, je choisirais Sète.


GEORGES BRASSENS : SUPPLIQUE POUR ÊTRE ENTERRÉ À LA PLAGE DE SÈTE

LE RAPPORT AUX HOMMES ET À L’AMOUR

Il y a ceux qui vous aiment, qui vous comprennent, et ceux qui ne vous comprennent pas. Que dites-vous à ceux qui ne vous comprennent pas ?

Je leur dirai comme Baudelaire : « Ceux qui savent me devinent. »… Mais il n’est pas indispensable de me comprendre. J’écris pour qu’on aime ce que je fais, pour qu’on passe un moment avec moi, pas forcément pour me comprendre. Je n’ai pas besoin d’être compris. Je n’ai pas besoin de comprendre les autres aussi. J’ai besoin d’aimer et d’être aimé.

Dans votre vie, vous avez conclu deux pactes d’amitié, avec les hommes et avec les bêtes. J’ai l’impression que celui que vous avez conclu avec les bêtes est plus fort…

Non, pas du tout. Il n’est ni plus fort ni plus vrai. C’est exactement le même. J’aime les chats et les chiens bien sûr, avec une prédilection pour les chats, mais n’allez pas croire que je préfère un chat à un homme. Les chats m’ont toujours accompagné depuis l’enfance ; les chats, j’ai l’habitude d’habiter avec eux. Je les aime, mais croire que je préfère les chats aux hommes, non.

Votre discrétion dans la vie, c’est de la timidité ou de la retenue ?

Ce sont peut-être les deux… Je ne sais pas si je suis vraiment discret. Je n’aime pas tellement me raconter, c’est ce qui a de drôle d’ailleurs, c’est que précisément mon métier, c’est de raconter mes histoires, alors que je suis assez retenu, assez introverti… pour employer le jargon d’aujourd’hui.

En fin de compte, Brassens aime bien Brassens ?

Oh ! Pas plus que ça. Des fois, il y a des jours où je l’aime moins. Il y a des choses que je fais qui ne me plaise pas au moment où je les fais. Chaque jour, j’essaie de faire un petit retour en arrière… Je ne commets pas d’acte malhonnête, mais j’ai parfois des pensées que je trouve assez moche et je regrette de les avoir… Je reviens en arrière et je les juge.

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Le cœur de Brassens peut-il battre pour d’autres femmes ?

Vous savez, quand j’aime, c’est une fois pour toute.

Une fois ?

Peut-être plusieurs fois dans ce domaine-là… On n’a pas qu’un seul ami, alors pourquoi on aurait une seule femme ? Mais, en général, je suis fidèle. Et les gens que j’ai aimés, hommes ou femmes, je n’ai jamais cessé de les aimer, même si, dans l’apparence, il semblait que je cessais de les aimer. Les amis que j’ai aimés, il y a 20, 30 ans, si je les ai perdus de vue, je continue de les aimer. Il me suffirait de les revoir.

Il y a cette « Supplique pour être enterrée sur la plage de Sète », mais vous n’avez pas dit votre dernier mot à la mort…

Non, vous savez, la mort, c’est un personnage important dans mes chansons… de toute façon je n’ai pas envie de mourir tout de suite. Je ne vous ferais pas le plaisir de mourir au milieu de l’émission, vous seriez trop content (rires)… Ce sont les poètes que j’ai lus qui m’ont incité à parler de la mort. Baudelaire parle beaucoup de la mort… Tous les poètes parlent de la mort.

Demain, il y aura quoi ? Demain, c’est l’avenir…

Demain, c’est tout de suite…

Merci Georges Brassens.

Cadence Info (12/2019)
(Source : Émission Radioscopie – France Inter – 30 novembre 1971)

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