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MUSIQUE & SOCIÉTÉ

HISTOIRE DE LA MUSIQUE EN LIGNE ET DU STREAMING SUR INTERNET

Sur le site Cadence Info, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises la révolution numérique, le streaming et les conséquences qui en découlent. Or, ces manifestations technologiques du 21e siècle n’en finissent pas de repousser leurs limites et de compliquer la tâche à tous les acteurs de la musique, mais aussi chez le consommateur. Une sorte de petite anthologie des faits marquants de la musique sur Internet nous semblait nécessaire…


PREMIER CONSTAT : UNE DIFFUSION DE LA MUSIQUE À GRANDE ÉCHELLE

L’une des premières offensives d’Internet va être de s’attaquer à la diffusion de la musique à grande échelle. Il y a une quinzaine d’années, les trois quarts du marché de la musique reposaient encore sur de grosses maisons de disques. Les majors obnubilés à juste titre par la piraterie en ligne se font alors manger une bonne partie du « gâteau » par de nouveaux acteurs officiels, mais aussi anonymes.

Les maisons de disques, qui auraient dû être Napster, Deeser ou Spotify, n’ont en réalité rien vu venir. Internet a généré la mondialisation de la musique en offrant la rapidité et le partage, sans oublier la gratuité qui devient – à juste titre – la face obscure de la Toile, le dû naturel par excellence. Avec Internet, il n’y a plus d’horaires d’ouverture et de fermeture. C’est du 24 h/24 et la mort annoncée à court terme du CD et du DVD.

Un constat : les jeunes de 12 à 17 ans passent chaque jour bien plus de temps sur Internet que devant le poste de télévision. La génération connectée a bien des choses à nous apprendre avec un iPod entre les mains. Pour eux, la musique est le premier contenu culturel qu’ils téléchargent.


DE CONSTANTES REMISES EN QUESTION À CAUSE DU STREAMING

Les chanteurs d’aujourd’hui ont plus d’opportunités que par le passé, mais leur difficulté est de sortir du lot. C’est l’un des nombreux paradoxes créés par Internet et par la musique numérisée en ligne. Le très généreux juke-box Internet vit sa gloire dans l’ombre d’un western où tous les coups sont permis.

L’industrie du disque avait pris l’habitude de se reposer sur un mode de fonctionnement tout à fait conforme à ses ambitions. Cependant, les différentes révolutions sonores des années passées ont toujours eu dans leur sillage de nouvelles pratiques. Les plus âgés se souviennent de l’arrivée de la K7. Nous étions dans les années 60 et les maisons de disques annonçaient la mort prochaine du vinyle. Autre révolution, celle-là beaucoup plus bénéfique pour les majors : l'arrivée du disque compact ou CD au milieu des années 80. Tout le monde ou presque se rua sur ce produit qui révolutionna la façon d’écouter, au point que le consommateur lambda décida de tout jeter et d’avoir une nouvelle discothèque à la norme DDD. Un énorme booster économique pour l’industrie du disque qui ne pouvait pas mieux rêver !

Mais à la fin des années 90, quand Internet s’en est mêlé, le rayonnage des magasins de disques à commencer à se fissurer. C’était la fin d’un règne, d’une autorité qui faisait la pluie et le beau temps, et qui voyait son autonomie dépérir. Les maisons de disques devaient s’adapter pour que le disque survive et que la créativité suive le même chemin.

Aujourd’hui, les jeunes Internautes n’achètent plus vraiment de CD. À cela, ils préfèrent le streaming ou, à défaut, loger musique, photos, vidéos dans un même espace, c’est-à-dire un disque dur ou en utilisant le cloud, le fameux « nuage » qui permet de tout stocker sur un serveur extérieur pour écouter sa musique préférée partout où l’on se trouve. Des modèles d’ordinateurs récents ont déjà compris l'évolution du marché en ignorant le lecteur/graveur de CD. Le zapping est rentré dans les habitudes de chacun et la présence d’un disque dur volumineux suffit à contenter tout le monde ou presque.


LE DISQUE FACE À L’IRRUPTION D’INTERNET

En 2013, le SNEP (Syndicat National de l'Edition Phonographique) déclarait que plus de 50 % des transactions d’achat de musique enregistrée se faisaient via la Toile. Les habitudes de consommation changent en profondeur et il serait puéril de croire à un retour en arrière, malgré la résistance illusoire de quelques-uns, des irréductibles, jeunes et moins jeunes, qui restent attachés au CD, voire au vinyle pour certaines raisons (voir : Le retour du disque vinyle ) ; l’argument le plus encourageant étant le rapport avec le produit, notamment la pochette et le son.

Le virtuel est certes un monde magique, mais il n’a pas encore le pouvoir de faire oublier l’attrait pour l’objet palpable. Le plus souvent, l’achat du CD se justifie quand on est un fan de l’artiste, car pour les outsiders le streaming est largement suffisant. Dans le monde numérique, comme pour le CD, c’est le consommateur qui indique la voie à suivre.

Internet, c’est la dématérialisation. L’objet disque n’est plus et laisse place à une toute nouvelle façon de s'approprier un bien. L’internaute se rue sur les succès d’aujourd’hui, de demain, mais aussi d’hier. Il n’y a pas de limites, ni de frontières culturelles.

L’arrivée du fichier MP3 va nourrir le glouton internaute. C’est lui qui va créer la première des révolutions. Ce format de compression permet alors d’imaginer et de repousser les limites du stockage. Les supports s'adaptent (baladeurs, auto-radio, etc.) Sur Internet, « mp3.com » sera la première plate-forme légale permettant aux artistes de proposer des mp3 gratuit. À l’époque, c’est inédit. « mp3.com » est le premier service de démocratisation de la musique en ligne. On pouvait librement écouter un titre et le télécharger pour le stocker sur un baladeur ou le graver sur un CD-ROM.


QUAND LE PEER TO PEER S’EN MÊLE

En 2000, la plate-forme peer-to-peer Napster, reposant pratiquement sur le même principe, fera couler beaucoup d’encre. Napster comptera jusqu’à 25 millions d’utilisateurs et il s’échangera près d’un milliard de titres. La réaction des maisons de disques ne se fait pas attendre et une suite de procès à l’encontre de Napster voit le jour. C’est à ce moment-là que des artistes montent au créneau et font entendre leur voix. Les droits d’auteur sont en première ligne (pour info consulter l'historique des droits d'auteurs). Aux États-Unis, terre de liberté, mais aussi de répression, le chef de file des artistes ne sera autre que l’inattendu groupe de metal Metallica.

Au-delà de l’aspect piratage, Napster permet de prendre conscience collectivement du mot « échange » : échange de titres certes, mais aussi échange d’une valeur économique qui se résume à zéro centime pour les artistes, les auteurs, les producteurs et les maisons de disque. Économiquement parlant, le peer-to-peer a mauvaise presse. On s'en doute ! Cependant, derrière ce marché envahissant existe aussi une demande qui place en porte-à-faux l’utilisateur lambda. Ce dernier est prisonnier d’un double système pour une seule et même consommation ; la première étant offerte et la seconde payante.

Dans le peer-to-peer, c’est le consommateur qui met en ligne les titres qu’il souhaite partager. Il n’existe pas d’entente préalable à ce marché et quand Napster est condamné en 2001, il est déjà trop tard, le virus du gratuit s’est installé dans la tête de l’utilisateur. Aujourd’hui, 80 à 90 % des téléchargements seraient encore illégaux, si on suit à la virgule près les recommandations actuelles des textes en vigueur.

Pour les maisons de disques ou pour les compagnies cinématographiques, l’utilisateur du peer-to-peer est la bête noire ; celui qu’il faut « abattre » à tout prix. Si certains abusent du système, la plupart des utilisateurs de peer-to-peer font de cette pratique une consommation modérée. Et si pour certains, c’est un jeu, un défi contre l'autorité, pour d’autres c’est le côté pratique et économique qui l’emporte.

© pixabay.com

Pour stopper ces échanges, les moyens mis en placent en 2002 seront inefficaces. L’iceberg Internet est déjà un mastodonte. Le véritable enjeu est la dématérialisation, pas forcément pour ceux qui en profitent. La première des attitudes sera de faire baisser les prix avant d’instaurer les DRM (digital rights management). Ce dispositif permet de restreindre la lecture du support soit en fonction de la zone géographique, du matériel utilisé ou du constructeur. Bref, le DRM est une parade qui tente d’empêcher la copie privée.

Or, en France, la copie privée est légale à condition que l’œuvre acheté s'avère licite et à usage personnel. Tout va se compliquer quand un nouveau texte paru en 2003 informe l’usager que le dispositif anti-copie l’est également. Cette contradiction, en apparence, permet de préserver la rémunération des artistes et producteurs en limitant les possibilités d’enregistrement face au piratage (par défaut, la copie sur K7 est par exemple possible). Dans ce chaos où il est difficile de savoir ce qui est autorisé de faire ou pas, viennent s’ajouter les fournisseurs d’accès qui vantent les possibilités illimitées du téléchargement.

Un dialogue de sourd prend place. Les informaticiens cherchent à déployer leur talent à travers des logiciels libres pour favoriser le déploiement de la culture, sauf que la musique est un art et qu’elle entend bien le rester. La création est dans la balance, pour ne pas dire remise en question. Le contenu doit être préservé, car il fait l’objet de propriétés intellectuelles, d’un travail et d’investissements financiers, et qu’il doit, en retour, être rémunéré.

Quand arrive en 2009 la loi Hadopi (consulter Droit d'auteur et gratuité), le but inavoué est de dérouler le tapis rouge à l’offre légale et de partir à la chasse de l’innommable utilisateur du peer-to-peer. La riposte se veut graduelle, d’abord en informant de façon pédagogique avant de menacer et de sanctionner. En contrepartie est mise à la disposition des Internautes une banque de plus de 15 millions de titres légaux. Pour le SNEP, il n'y a aucun doute : pirater c’est tuer la création.

Le système repose sur une telle hypocrisie que certains artistes condamnent cette manière de concevoir et de relier l’art à un « marché légal » parce qu’il serait économiquement porteur.


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