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ROCK, POP, FOLK, ELECTRO...


HISTOIRE DU ROCK AND ROLL

Le rock'n'roll s'est trouvé à la croisée de deux mondes séparés, au moment même où est votée la première loi déclarant inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles. Le nouveau genre s'abreuve, côté noir, de blues urbain et de rhythm'n'blues, côté blanc, de country and western. Mais alors que les artistes blancs lui ouvrent la voie royale du grand public, pour s'imposer, les créateurs noirs doivent réussir l'incroyable "crossover" : partir à la conquête du public blanc.


DU ROCK AND ROLL QUI BALANCE

Le mot "Rock" que l'on peut traduire par "balancer" est un vocable à double sens dans l'argot noir de l'époque : "Faire la fête" et "Faire l'amour". "Roll" pour "Rouler" renforçant son côté suggestif. Durant les années 1950, les termes rock and roll ou rockin' and rollin' apparaissent dans de grands morceaux du répertoire doo-wop : le fameux Sixty Minute Man, des Dominoes (1951) et Ting-A-Ling des Clovers (1952). Quant à "rock" ou "rockin'", on les trouve dans plusieurs titres de rhythm and blues : Good Rockin' Tonight, par Ray Brown (1948), All She Wants To Do Is Rock, par Wynonie Harris (1949), Rockin' Blues, par Little Esther (1950).

Le disc-jockey Alan Freed est le véritable promoteur de l'expression "rock'n'roll". Dès 1951, à Cleveland, il lance son émission de radio The Moon Dog Rock'n'Roll House Party, qui deviendra en 1954, sur une radio de New York : Alan Freed's Rock and Roll Party. Il emprunte le parler "jive" des Noirs, et au lieu de programmer les "covers" aseptisés des hits de rhythm'n'blues réalisés par l'industrie musicale pour le public blanc, il passe les originaux enregistrés par les Noirs. Son succès auprès des adolescents blancs sera considérable et son style de programmation, emprunté dans tous les États.


ROCK AROUND THE CLOCK

De nombreux spécialistes s'accordent pour considérer le titre Rocket 88 comme le premier enregistrement de rock'n'roll. Il a été réalisé en 1951 à Memphis par Sam Cooke et publié par le label Chess de Chicago. Jackie Brenston, qui le chante, est accompagné par le Ike Turner Band, dont il est également le saxophoniste. Mais c'est (We're Gonna) Rock Around The Clock qui ouvre réellement l'ère du rock'n'roll en se plaçant n° 1 des ventes américaines durant huit semaines en juillet et août 1955. L'interprète, Bill Haley, vient du country and western et s'est fait un spécialiste des reprises de rhythm'n'blues. Son cover de Rocket 88, en 1951, était déjà plutôt réussi.

© Stadtarchiv Kiel (wikipedia) - Bill Haley and The Comets (1966)

Sam Philips reste un personnage clé dans l'avènement du rock'n'roll. Au début des années 1950, les meilleurs bluesmen de Memphis ont enregistré dans son studio, Sun. En 1954, cherchant à orienter le catalogue de son label vers les jeunes artistes blancs influencés par la musique noire, il révèle Elvis Presley. Un an et demi plus tard, ayant revendu le contrat du futur dieu du rock dans d'excellentes conditions, il se concentre sur les carrières de Carl Perkins, Jerry Lee Lewis, Charlie Rich, Johnny Cash… De là, naîtront de nombreux classiques du rockabilly.

D'autres grands noms vont illustrer ce genre : Eddie Cochran, Gene Vincent, Buddy Holly, Johnny Burnette, Wanda Jackson… Parmi les artistes noirs, en grande majorité cantonnés dans les circuits du rhythm and blues, trois personnalités grandioses se détachent : Chuck Berry, Little Richard et Fats Domino. Les deux premiers auront une influence déterminante sur des générations de rockers, mais devront payer cher le prix du crossover.


CHUCK BERRY

Né le 18 octobre 1931 à Saint Louis, Chuck Berry est l'un des pionniers du rock'n'roll et surtout le compositeur d'un nombre incalculable de succès de la Pop/Rock Music. Des groupes comme The Beatles, The Rolling Stones, The Beach Boys lui doivent leurs premiers grands succès : Roll'Over Beethoven, Rock and Roll Music, pour The Beatles, Carol, Bye Bye Johnny, pour The Rolling Stones, Surfin USA, pour The Beach Boys. Tout comme Elvis Presley et Bill Haley, Chuck Berry combine le rhythm'n'blues (la musique noire américaine) et le country and western (la musique de l'américain moyen blanc) pour aboutir au rock'n'roll.

Enfant, Chuck Berry découvre la musique à l'église où il se rend régulièrement avec sa famille (ses parents chantent dans la chorale). Avant de jouer de la guitare, il apprend la basse, mais suite à un vol, il est envoyé pendant trois ans dans une maison de redressement. Dès sa sortie, à l'âge de 18 ans, après avoir travaillé quelque temps pour la General Motors, il décide de se lancer dans la musique.

© Irving Williamson (wikipedia) - Chuck Berry (1965)

Surnommé "Crazy Legs" (les jambes folles) et célèbre pour sa "duck walk" (façon de marcher qui imite celle du canard), Chuck Berry demeure un artiste très populaire dans tous les pays du monde, malgré une condamnation retentissante en 1959 qui faillit mettre un terme à sa carrière (motif : incitation à la débauche). Des critiques anglo-saxons, tel John Gabee, prétendent que si Chuck Berry avait été blanc, il aurait pu devenir aussi populaire qu'Elvis Presley.

La musique de Chuck Berry se caractérise par un rythme simple, répétitif, tandis que les paroles de ses chansons portent sur des sujets courants (automobile, école, fille, musique). Les principales grandes compositions de Chuck Berry, dont chacune fut reprise par plusieurs dizaines d'artistes ou de groupes sont Nadine, Memphis Tennessee, Sweet Little Sexteen, Maybelline, Wee Wee Hours (qui est le premier simple enregistré par Chuck Berry en mai 1955 avec l'aide de Willie Dixon), School Days, 40 Days, Little Queenie (repris par The Rolling Stones).

Son style simpliste et direct, influencé par le blues de Chicago (surtout Muddy Waters), mais également par le chanteur pianiste Nat King Cole et Louis Jordan, prouve encore qu'une musique et des textes simples (sans être dénués de sens social, ni d'humour) peuvent être originaux et excitants.


CHUCK BERRY ET LA JUSTICE

Tout le long de sa carrière, Chuck Berry a eu de nombreux démêlés avec la justice… En 1959, alors qu'il se produit dans un club de nuit, il est soupçonné d'avoir exploité une mineure pour prostitution et se trouve condamné à 5 ans de prison, d'où il sort en 1963. Seize ans plus tard, en 1979, il est accusé de fraude fiscale et subit une condamnation de 4 mois suivie de 1 000 heures de travaux d'intérêt général. Les problèmes avec la justice recommencent en 1990, quand on l'accuse de voyeurisme pour avoir placé des caméras dans les toilettes pour dames de son restaurant, le Southern Air (Wentzville - Missouri).

En savoir + : CHUCK BERRY, BIOGRAPHIE EN FORME DE PORTRAIT


UNE CERTAINE FIÈVRE SE PROPAGE

La fièvre du rock'n'roll se propage à l'ensemble de la jeunesse américaine. D'avril 1956 à août 1959, la première place au hit-parade des ventes du Billboard revient en grande majorité à des artistes de rock. Presley est classé n°1 à onze reprises et y reste en tout 59 semaines (près de 15 mois) !

Mais la sensation libératrice provoquée par cette musique sur la jeunesse est loin d'être partagée par les adultes. La majorité morale n'y voit qu'obscénité, violence et autres attitudes déviantes, dénonçant les phénomènes de bande qui l'accompagnent. Certains extrémistes organisent même des autodafés dans lesquels les participants vouent les disques de rock aux flammes de l'enfer.

Dans les bagages du rêve américain, objet de fascination pour une Europe en pleine reconstruction, le rock'n'roll débarque sur le vieux continent.. En Angleterre, il draine ses adeptes parmi le public du "skiffle" (musique de "pub" inspirée du folk-blues), qu'il aura définitivement supplanté au début des années 1960. Pionniers du rock anglais en 1956, Lonnie Donegan et Tommy Steele sont d'honnêtes imitateurs. En 1958, Billie Fury et Cliff Richard ont étudié dans le détail les prestations d'Elvis Presley. La France opte pour la dérision… témoin le Rock'N'Roll Mops chanté par Henri Cording (alias Henri Salvador), en 1956. Son ami Boris Vian n'a pas de mots assez féroces pour fustiger le rock américain et ses vedettes.

Nos pionniers à nous ont pour nom Danyel Gérard et Richard Anthony. Ce dernier ne parviendra à se faire connaître qu'à l'automne 1959. Toutefois, il faut attendre que Johnny Hallyday casse la baraque en 1961 pour que la France se mette enfin au rock'n'roll.

Par F. Bensignor (Cadence Info - 10/2018)


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