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CHANSON


JEAN FERRAT, BIOGRAPHIE PORTRAIT DU CHANTEUR ENGAGÉ

Sur les hauteurs, un petit village ardéchois, Antraigues, se réveille lentement par un matin d’hiver, encore sous le choc de la disparition de l’hôte des lieux, Jean Ferrat... un certain 14 mars 2010.


QUELQUE PART EN ARDÈCHE

La montagne ardéchoise est une région rude qui accueille sympathiquement le touriste quand viennent les beaux jours, mais qui retourne à sa tranquillité séculaire, quand les feuilles mortes de ses châtaigniers commencent à tomber. C’est en 1964, que Jean Ferrat tombera sous le charme de cette région, à la fois si proche des axes économiques, mais également si reculée quand il s’agit d’emprunter ses routes étroites. Une région ardéchoise si belle qu’elle inspirera la chanson La montagne et ses célèbres vers. Jusqu’à la fin de sa vie, Jean Ferrat mêlera son cœur à celui des habitants d’Antraigues, un petit village fièrement planté au-dessus de la Volane.

L’œuvre de Jean Ferrat est une œuvre qui mêle poésie, révolte et fraternité. Certaines de ses chansons auront bien du mal à se faire entendre sur les ondes hertziennes… ce qui nous plonge tout à coup dans les années obscures de la télévision des années 60 et 70, quand certaines idées engagées, côté cœur à gauche, n’étaient pas appréciées et faisaient peur à certains.

© flickr.com (2010)


JEAN FERRAT, INTERDIT D’ANTENNE

Avec Jean Ferrat disparaît un militant indéfectible. Celui d’un homme qui a bien failli porter l’étoile jaune à 11 ans, qui a perdu son père, suite à sa déportation à Auschwitz, et qui a été sauvé par un militant communiste (geste qu’il n’oubliera jamais).

Dans les années 50, après des débuts difficiles dans la chanson (comme bien d’autres à l’époque), il s’oriente rapidement dans la chanson engagée. Les premiers succès ( “Ma môme” et ”Deux enfants au soleil”) ne serviront qu’à asseoir son nom.

Ses rapports tendus avec les médias d’alors (O.R.TF. en tête) ont finalement servi, involontairement, la carrière de l’artiste. En étant interdit d’antenne, Jean Ferrat, le chanteur aux textes jugés « trop politiques », est devenu pour de nombreuses personnes la référence : celle du chanteur engagé… rive gauche. La chanson “Nuit et Brouillard”, en 1963, puis “Potemkine”, en 1965, rencontreront les pires difficultés en étant interdites d’antenne.

Pas moins de 200 chansons seront chantées par Jean Ferrat, mais résumer la carrière de l’artiste sous le jour du partisan ou de l’anar conciliant, c’est oublier d’autres chansons très belles écrites de sa main ou mises en musique sur des poèmes d’Aragon : “La femme est l’avenir de l’homme”, “Sacré Félicien”, “Aimer à perdre la raison”, “Que serais-je sans toi ?”

Pourtant, à côté de ses chansons tendres ou socioculturelles, le chanteur à ” message politique” continuera à écrire des chansons aux tons engagés. Dans “Camarade“, il dénonce l’invasion de Prague par les chars russes et dans “Bilan“, il rejette les propos de Georges Marchais sur le “bilan globalement positif” des pays de l’Est. Au fil des années, il finira par entretenir une sorte de jeu ”du chat et de la souris” avec les médias, son public et ses choix personnels. Jean Ferrat ne sera jamais militant PCF, mais seulement un compagnon de route "critique" du parti communiste français ; Moscou étant, dans les années 60/70, le centre de préoccupation de l’idéologie communiste. Ceci expliquant cela.

Tout au long de sa vie, l’engagement politique de Jean Ferrat a toujours été constant. Ses apparitions à la fête de l’Huma, ses convergences d’idées avec l’altermondialiste José Bové (suite à la destruction du Mc Do de Millau en 1999) et son soutien pour les régionales, à la liste du Front de gauche en Ardèche, démontrent la capacité de l’artiste à avoir suivi et poursuivi, même loin de toute agitation, la destinée de son pays, la France.


JEAN FERRAT, UNE CARRIÈRE ÉCOURTÉE

Ces dernières années, derrière les fracas et les enjeux politiques, réticent à passer à la télévision après ses expériences de censure, Jean Ferrat s’était définitivement retiré dans le village paisible d’Antraigues sur Volane. Fuyant le monde du Showbiz et la scène en 1972 (trop éloignés de sa vision artistique) mais également poursuivi par une santé chancelante (problèmes respiratoires), l’homme portera quand même, de temps en temps et discrètement, de sa voix grave, quelques attaques en règle contre les dérives de la société.

Ses rares apparitions et chaque nouvel album deviennent alors un événement médiatique, lui donnant l’occasion, quand le micro se tend ou quand l’objectif de la caméra se braque sur lui, d’asséner de nouveaux coups de gueule. En 1985, dans la chanson “Je ne suis qu’un cri”, il chante “Moi, si j’ai rompu le silence, c’est pour éviter l’asphyxie“… En 1999, face à l’inquiétante prolifération des conflits ethniques et du triomphe du capitalisme mondial, l’auteur de “Cuba si” et de “A Santiago” croyait encore à une possible résistance dans un front de gauche unifié.

Pour autant, Jean Ferrat n’avait pas abandonné la chanson de façon définitive. Le chanteur étudiait encore, il y a quelque temps, la possibilité de renaître à la vie : ”Ce n’est pas du tout exclu que je refasse des chansons”, confirmait l’artiste. Malheureusement, le destin a frappé et à choisi d’écarter à tout jamais cette confession.


JEAN FERRAT : DEVINE

JEAN FERRAT ET LA MUSIQUE

Pour le musicien que je suis, j’ai découvert Jean Ferrat durant les années 60, au moment où mon apprentissage pianistique commençait. À l’écoute de ses chansons, je me souviens d’une musique prenante en symbiose avec des textes forts et portés par une orchestration riche dans la pure tradition d’un Jacques Brel ou d’un Léo Ferré. Quelques années plus tard, quand mes études musicales m’ont amené à tendre l’oreille vers l’arrangement et l’orchestration, je redécouvrais les chansons de Jean Ferrat sous un angle différent.

Alain Goraguer, ancien pianiste de jazz (il a signé quelques disques sous son nom en petite formation) était l’orchestrateur régulier des chansons de Jean Ferrat. Toujours en accord avec les textes de ses chansons, les arrangements d’Alain Goraguer possédaient des orchestrations aux climats graves et nostalgiques (”Potemkine”, “Aimer à perdre la raison”…) ou teintés de jazz (”Les filles longues”, “Je vous aime”…). Alors, un saxo magique ou un piano aérien, derrière le tapis des cordes et le rythme de la guitare, entrait en scène pour égrener quelques notes de musique sans concession.

Alain Goraguer a toujours su servir Jean Ferrat de façon admirable en installant l’auditeur dans une ambiance propice à servir ses textes ou ceux d’Aragon. C’est encore le temps où dans la chanson, la musique servait le texte, devenant l’illustrateur sonore de chaque mot, le portant et l’emportant. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Jean Ferrat était le premier concerné. Le choix de ses textes, choisis à la virgule près, ne pouvait se laisser capturer ou caricaturer par une musique trop en décalage avec son univers. Même si les musiques et les orchestrations des chansons de Jean Ferrat sont d’un autre temps et même si elles n’ont jamais couru après une certaine mode ou le box-office, elles restent et resteront le témoignage de la chanson d’auteur des années 60.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 03/2010)

À CONSULTER

COLETTE FERRAT : 'JEAN FERRAT, UN HOMME QUI CHANTE DANS MON CŒUR'

L’épouse du chanteur disparu Jean Ferrat vient de publier 'Jean, un homme qui chante dans mon cœur'. Colette Ferrat a écrit un livre au ton très personnel qui rassemble quelques moments intimes d’une vie commune qui dura plus de quarante ans.

ALAIN GORAGUER, L'ARRANGEUR DES GRANDES VEDETTES DE LA CHANSON FRANÇAISE

Alain Goraguer était un homme de l'ombre, un de ces musiciens qui permit, grâce à ces arrangements et orchestrations, à des chanteurs des années 1960/1970 de rencontrer le succès. Jean Ferrat, Serge Gainsbourg et Boby Lapointe, entre autres, ont travaillé avec lui.


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