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INSTRUMENT ET MUSICIEN

LA BATTERIE ÉLECTRONIQUE, PARLONS-EN

La batterie électronique, peut-elle remplacer son homologue acoustique ? Vaste débat controversé qui, comme le piano et le synthétiseur en leur temps, place en opposition deux modes d'exploitation musicale censés cohabiter.


ACCEPTER L'IMPENSABLE

Au cours de son histoire, l'art musical a été traversé, malmené et bouleversé par l'avènement d'approches technologiques innovantes. Le 20ᵉ siècle sera celui qui aura ouvert les hostilités entre les instruments acoustiques et électroniques avant que l'informatique ne joue des coudes pour imposer d'autres voix d'exploration.

À chaque innovation, des outils d'un concept unique sont mis en circulation et obligent les musiciens à faire des choix, au point de se sentir parfois asservis par l'arrivée de technologies galopantes. Le synthétiseur entre dans ce cas de figure, en ayant été le premier instrument à avoir cassé les codes d'apprentissage du piano.

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Fort logiquement, cet engouement envers l'électronique a aussi suscité des recherches plus approfondies en touchant d'autres instruments acoustiques, à commencer par la guitare, suivie de la basse pour enfin aboutir à la batterie. Nous y voilà ! Or, les percussions, dans leur immense majorité, sont des instruments rudimentaires qui sont aux antipodes des prouesses technologiques. Un tambour, qu'est-ce que c'est au fond ? Un fut surmonté d'une peau tendue sur laquelle on frappe, non ?

Pourtant, dans un premier temps, les techniques de reproduction sonore s'avérant incapables de restituer parfaitement l'instrument original, les concepteurs avaient estimé qu'il était préférable d'appauvrir les possibilités d'expression des premiers modèles de batterie électronique pour les adapter à la technologie d'alors.

© Ryan Oelke (wikimedia) – Batterie électronique Roland V-Drums (1997).

Alors que la boîte à rythmes sévissait déjà et avait engendré quelques frayeurs chez les batteurs de studio, l'arrivée de ces jeunes percussions électroniques, en remplacement des modèles conventionnels, ressemblait à une hérésie, à une tromperie pour la majorité des percussionnistes.

La difficulté pour un musicien étant d'accepter le changement et, dans une moindre mesure, de suivre le mouvement, les premiers batteurs vont progressivement s'habituer à produire des sons moins riches et plus limités en dynamique. En conséquence, leur jeu tendra à se limiter à une exécution rythmique rigoureuse. De son côté, le grand public sera un temps surpris davantage par le design de la batterie que par sa sonorité, mais finira par l'accepter moyennant l'utilisation d'effets sonores et un style de musique qui lui est parfaitement adapté.


NON, LE SON ACOUSTIQUE N'EST PAS MORT !

À ce jour, l'instrument acoustique demeure la source la plus riche et la plus versatile. Or, les subtiles nuances de jeu que l'on perçoit à l'oreille ne sont pas toujours traduisibles lors d'une prise de son. Chaque microphone a ses particularités, du modèle de proximité, de type cardioïde, jusqu'au multidirectionnel, communément décrit comme étant un micro d'ambiance.

Dans ce domaine, la batterie acoustique sera le fruit de différentes recherches. Dans les années 1980, l'expérience conduite par Shure consistant à disposer à l'intérieur des fûts des capsules provenant du SM 57, modifiées et équipées d'un dispositif de suspension, sera vaine. La prise de son d'une batterie ne peut se satisfaire d'un tel principe, quel que soit le nombre de capteurs utilisés. Le fût localise les réflexions à l'intérieur de l'instrument et un infime changement d'orientation du micro suffit pour obtenir des résultats contraires. De plus, les percussions ont ceci de particulier que leurs sonorités sont omnidirectionnelles et que les différents harmoniques sont projetés dans une multitude de directions.

Cette réalité a conduit les preneurs de son à concevoir des micros contacts prévus pour saisir au plus près les vibrations des caisses de résonance, puis en contournant les réflexions naturelles artificiellement via des modules d'effets. Les marques AKG et Countryman ont adopté un temps ce principe. Mais que ce soit des micros multidirectionnels ou des micros contacts, ce qui ne change pas, c'est l'instrumentiste, le batteur qui ne lâche jamais l'instrument qu'il connaît les yeux fermés et pour lequel existe un profond attachement. Tant pis alors, si le son obtenu n'épouse pas précisément celui qu'il a en tête, le principal étant que les baguettes restituent correctement le geste, la frappe.


LE TRAITEMENT SONORE

La batterie électronique définit une terminologie apparentée au « son numérique », une technique pour produire des sons que l'on rencontre en lecture sur un CD et en enregistrement via un échantillonneur, par exemple.

© Ryan Oelke (wikimedia) – Module sonore de la Simmons SDS9 (1985), dans lequel cohabitent la synthèse analogique et le numérique.

Pour générer des sons, le numérique exploite différentes méthodes. Alors que Yamaha développe la modulation de fréquence dans les années 1980, en parallèle, l'échantillonnage impose un autre langage. Grâce à ce processus novateur, un son acoustique peut être enregistré sous forme numérique pour être ensuite traité et manipulé par des moyens analogiques ou numériques. Ce principe, amplement diffusé dans un premier temps auprès des claviéristes, trouvera un écho dans les boîtes à rythmes, avant d'être repris à bon compte par les batteries électroniques sous l'intitulé « tampons de commande » ou « pads ».

Un « pad » est une zone de frappe conçue pour transmettre le jeu de l'instrumentiste. Quelle que soit sa forme, il fonctionne généralement sur un même principe : un capteur – similaire au rôle joué par un microphone – qui recueille les vibrations de la surface de frappe. L'effet se traduit par une tension électrique proportionnelle à leurs intensités, exactement comme un microphone traditionnel, sauf que dans le cas d'un pad, la courte frappe implique des vibrations ondulatoires moins complexes.

Exception faite de certains pads aux normes MIDI pouvant commander directement n'importe quel synthétiseur compatible avec le système, comme l'Octopad de Roland, le tampon de commande contient un simple capteur qui ne nécessite aucune alimentation. La tension électrique, de quelques millivolts, est gérée par le module sonore adjoint à la batterie. Celui-ci aide à contrôler les sons générés, à les éditer et à les configurer pour obtenir un set de batterie conforme aux goûts du musicien.


LILA'S DANCE - MAHAVISHNU ORCHESTRA (performé par Oscar Astruga)
Un parfait exemple qui permet de saisir ce qu'autorise l'utilisation d'une récente batterie électronique jouée en accord avec un séquenceur contrôlé par les baguettes et les pieds de pédale.

L'AMPLIFICATION, UN VÉRITABLE CHALLENGE

Contrairement à l'expérience positive conduite par les fabricants sur les synthétiseurs, l'amplification de la batterie électronique soulève quelques problèmes dus d'une part à la restitution des pointes de dynamique extrêmement vives et d'autre part par le spectre sonore couvrant toute la gamme audible. Seule une amplification en mesure de délivrer de telles exigences est à même de répondre correctement aux critères sonores d'une batterie électronique. De fait, pour un emploi à domicile, un ampli de scène, basse ou guitare, ne conviendra naturellement pas, ni une chaîne audio, d'ailleurs. Toutefois, en patientant pour trouver une configuration satisfaisante, il est toujours loisible pour l'acquéreur d'utiliser un casque audio pour répéter.

Par D. Lugert (Cadence Info - 09/2024)

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