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LE PUNK ET SON HISTOIRE, UNE MUSIQUE DE RÉVOLTE

Le punk... "Prostituée" en vieil anglais ou "petit bout de bois inutile et sans valeur" en menuiserie ou bien encore "paumé" en argot américain... difficile de trouver terme à connotation plus péjorative que punk. Si rock'n'roll, funk, hard ou disco définissent des styles musicaux plus encore que l'esprit qu'ils induisent chez les puristes de chacun de ces genres, punk évoque avant tout une attitude.


LE PUNK, UNE MUSIQUE D'ORIGINE AMÉRICAINE

Musicalement, le mouvement se cristallise autour de l'électrochoc binaire qui secoua l'Angleterre tout entière en 1976-1977. Mais les Sex Pistols ou Clash sont loin d'être les premiers punks à avoir croisé la route du rock...

Punk désignait depuis les années 30 un jeune bon à rien en quête de valeurs autres, en butte aux exigences du monde adulte. Et si Frank Zappa utilise l'expression dans une des chansons de We're Only In It For The Money dès 1967 ("Flower Punk"), c'est le critique Lester Bangs qui l'emploie pour la première fois pour décrire un courant musical. Le punk rock d'alors qualifie les innombrables "garage bands" américains des années 60, autant d'ersatz crus et brouillons des héros de la "british invasion", The Kinks, The Who, Troggs, Them et, bien sûr, The Rolling Stones en tête.

En 1965, le moindre collège d'outre-Atlantique abrite son clone acnéique de Mick Jagger, entouré d'une bande de musiciens à la technique aussi limitée que leur matériel. Amplis minuscules et instruments bon marché produisent un son rugueux et primitif. Mais ces groupes (Standells, Seeds, Count Five and The Mysterians, Shadows of Knight…), malgré leur talent restreint, atteignent par leur simple fougue leur désir de jouer le temps d'un single ou deux. L'émergence du son de San Francisco en 1967-1968, authentique proposition d'alternative au style anglais, mettra un terme au mouvement.

Curieusement, lorsque l'expression est utilisée pour décrire un deuxième mouvement musical dans la première moitié des seventies, il ne s'applique pas à ceux que l'on considère quelques années plus tard comme les véritables parrains du genre, comme les Stooges, le MC5 ou les New York Dolls. Les punk d'alors ont des têtes de petits ploucs urbanisés qui, à l'écart des courants heavy ou glam (rock paillettes), en vogue, chantent, sur fond d'un rock roots (rock traditionnel) qui s'inspire plus du Band que des Beatles, des petites histoires de tous les jours, les espoirs déçus et chagrins d'amour de l'homme de la rue. Ils ont pour nom Nils Lofgren ou Bruce Springsteen.

Pourtant, vers la même époque, les véritables artisans de l'explosion punk à venir sont déjà à l'œuvre. À New York, un petit club pouilleux, le CBGB's, est investi par des rockers d'un nouveau genre, enfants illégitimes du Velvet Underground : Patti Smith, Television, les Talking Heads, Blondie partagent, plus que leur musique, le même look famélique, la même élégance miteuse, le même regard menaçant. Et puis il y a les Ramones. Quatre faux frères, aux têtes de dégénérés - teint blafards et lunettes noires - portant jeans troués et baskets éclatés.

Les chansons punk se ressemblent toutes et tiennent en moins de deux minutes chrono : point de solos inutiles ou de prouesses musicales à exhiber, juste un rock brutal réduit à une expression minimale.


L'OFFENSIVE DE LA MUSIQUE PUNK

Richard Hell, bassiste du groupe Television, se coupe les cheveux courts et lacère ses T-shirts, qu'il rafistole avec des épingles à nourrice. Le style punk est né. Malcolm McLaren, le manager-styliste anglais, n'en perd pas une miette à son retour en Angleterre, où il est rentré dans les mœurs. Le rock ne dérange plus grand nombre depuis longtemps. Ses vedettes, rebelles d'hier, qui fraient avec la jet-set internationale, rapportent bien trop d'argent aux puissantes compagnies du disque. À coups d'effets spéciaux, de décors luxuriants, de montagnes d'amplificateurs et d'instruments aussi chers qu'inutiles, les concerts ne servent plus qu'à afficher richesse et pouvoir.

À des années lumières des préoccupations et des angoisses de la jeunesse, la musique a perdu de son urgence et les textes de leur pertinence. En 1975, les Anglais ont pourtant de quoi être anxieux : le chômage se présente comme la seule alternative à la vie végétative après le lycée ou la fac. Seule option accessible à tous : monter un groupe de rock pour crier son dégoût de l'avenir en faisant table rase du passé.

Il aura simplement fallu à John Lydon, alias Johnny Rotten, de massacrer le "Schools Out" d'Alice Cooper, accoudé au juke-box de la boutique de fringues de McLaren sur Kings Road pour que le cours de l'histoire du rock soit changé. Par sa prestation calamiteusement convaincante, la jeune teigne décrochait le poste de chanteur des Sex Pistols. Le groupe va puiser à la source originelle du rock'n'roll pour en reconstruire une version moderne, désespérément brutale et sauvage.


LES AFFREUX, SALES ET MÉCHANTS SEX PISTOLS

Le jusqu'au-boutisme est à l'ordre du jour, tant dans le propos que dans la musique. Les violentes leçons de style des Mods, des Stooges et des Ramones sont bien apprises. Les affreux, sales et méchants Sex Pistols, vêtus de guenilles et toujours prompts à provoquer les institutions, font des émules. Deux accords simples, un rythme emballé, quelques slogans braillés et le tour est joué : un raz de marée de formations aux noms courts et agressifs (Clash, Jam, Damned, Generation X, Sists, Sham 69, Wire, Adverts…) se rallient aux cris de guerre "Destroy !" ou "No Future !" proférés par Rotten.

Alors que le mouvement restera longtemps marginal aux États-Unis, en Angleterre les punks bouleversent les lois du marché. Les disques de ces jeunes artistes destructeurs et nihilistes s'arrachent. Les amateurs de rock parvenu des Pink Floyd, Fleetwood Mac, Yes et autres Stones se retrouvent subitement affublés d'une déshonorante étiquette d'ultra-conservateurs.

Pour recueillir les groupes qui n'ont pas réussi ou ont refusé de signer des contrats - même sans concessions - avec des majors, toute une industrie parallèle et indépendante du disque se met en place. Des petits labels de fortune se retrouvent avec des disques d'or. Pour la première fois depuis bien longtemps, le public impose ses goûts et le business n'a plus qu'à suivre.


LE RETENTISSANT SUCCÈS DU PUNK

Le succès commercial du punk rock causera inévitablement sa perte. Alors qu'en 1978 les Sex Pistols ont déjà implosé, le punk est devenu un fourre-tout commode, une étiquette dont tout le monde se réclame pour ne pas tomber dans le camp des ringards. Opportunistes en tout genre (Police, Joe Jackson…) se raccrochent au mouvement, qui adopte rapidement l'appellation plus rassurante et consensuelle de new wave (nouvelle vague). En France, le chanteur Plastic Bertrand, punk star fabriquée, triomphe avec Ça plane pour moi. Entre les clichés ressassés et le propos et le rythme aseptisés, le punk paraît condamné.

Les chefs de file (Lydon, Joe Strummer, Mick Jones, Paul Weller) tentent d'évoluer sans se renier contre vents et marées. Leurs héritiers sensés ouvrent de nouvelles voies (Cure, Joy Division, Echo and the Bunnymen, Psychedelic, Furs…) pour ne pas simplement imiter. La réussite du punk ne fonctionnait qu'en tant que pied de nez. Établi, institué, il n'est plus qu'une incongruité.

Aux États-Unis, sa marginalité a permis au punk d'exister pendant de nombreuses années. De Sonic Youth (New York) à Devo (Ohio), de Black Flag et des Dead Kennedys (Californie) à Hüsker Dü (Minnesota), sous l'appellation hardcore, de nombreux groupes ont fait perdurer l'esprit iconoclaste et rebelle du punk, tissant une authentique culture rock alternative. Un travail en profondeur posera lentement, mais sûrement les jalons du phénomène grunge qui vit le peu consensuel Nevermind de Nirvana rééditer en Amérique l'exploit accompli quinze ans plus tôt par le non moins radical Never Mind The Bollocks des Sex Pistols outre-manche.


THE SEX PISTOLS : GOD SAVE THE QUEEN

Mais, là encore, en devenant grand public, le rock alternatif américain a, lui aussi, perdu de son mordant. Et on ne compte plus les caricatures plus ou moins pathétiques de Nirvana ou des ancêtres punks. Green Day ou Offspring, en se contentant d'imiter leurs aînés plutôt que de s'en inspirer pour créer une nouvelle musique, ne sont guère plus pertinents qu'un groupe nostalgique des années 50, qui chercherait en vain à réécrire "Be Bop A Lula".

En 1986, pour fêter les vingt ans du punk, les Sex Pistols acceptaient finalement de se réunir pour une tournée de quelques millions de dollars. Le cynisme punk, par ce gigantesque pied de nez en forme de cas de conscience posé au public (cautionner ou non l'opération ?), y trouve en tout cas sa plus remarquable incarnation.

par H. C (Cadence Info - 12/2014)


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