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SON & TECHNIQUE

LE SON ANALOGIQUE ET NUMÉRIQUE EN QUESTION

Dans les studios d’enregistrement, depuis plus de 30 ans, les ingénieurs du son ont recours à des outils numériques pour enregistrer la musique. Entre analyseur de fréquence, éditeur de forme d’onde ou application destinée à l’enregistrement, le son est devenu plus que jamais un enjeu artistique et économique. Cette page aborde sa complexité naturelle, mais aussi les raisons qui ont poussé à l’abandon de l’enregistrement analogique au profit du numérique.


LE SON, QU’EST-CE QUE C’EST ?

Toute musique s’organise autour de différents sons. Or, qu’est-ce qu’un son ? Une donnée complexe et technique qui, à la base, est constituée par des molécules excitées par une source (voix, instrument, bruit…) et qui se déplacent dans l’air. C’est à la fois un phénomène physique et une perception personnelle liée à des propriétés psychoacoustiques. Le fait d’apprécier un son ou de le rejeter dépend de cette alchimie.

La nature d’un son étant élaboré, de nombreuses informations sont obtenues grâce à des outils de laboratoire permettent d’observer et d’évaluer quelques-unes de ses particularités : ses crêtes positives et négatives, sa pression acoustique, son amplitude, etc.

Deux vu-mètres analogiques servant à mesurer l'intensité du signal.

Indissociable du son, le décibel (dB) ; une mesure d’intensité relative dont le signal est comparé à un niveau de référence, le 0 dB ; un niveau pour lequel on imagine percevoir aucun son... ce qui est inexact, car paradoxalement dans les systèmes d’enregistrement analogiques comme numériques, le 0 dB ne représente pas le silence, mais le niveau avant distorsion du signal. En effet, lors d’un enregistrement, dépasser ce seuil fatidique du 0 dB de façon constante revient à dire qu’une fois amplifiée et reproduite par les haut-parleurs, une distorsion désagréable sera susceptible de parvenir à nos oreilles.

L’autre notion importante qui caractérise la nature du son est sa fréquence ; sa hauteur pour faire simple. Elle s’exprime en hertz (Hz) et détermine le nombre de cycles par seconde écoulée. Ainsi, 10 000 cycles par seconde correspondront à une fréquence de 10 000 Hz. Plus le cycle est élevé et plus le signal sera aigu, ce qui permet d’évaluer le potentiel auditif que nous détenons ; théoriquement de 20 Hz à 20 kHz.

Un autre phénomène est également à relever, celui de la propagation du son, c’est-à-dire sa vitesse. Celle-ci est très variable. Si elle est de 344 m/s dans l’atmosphère, dès qu’il fait froid et que l’air devient plus dense, sa vitesse s’élève. Dans l’eau de mer, elle est 4 fois plus rapide alors que dans le métal comme l’acier, c’est 15 fois plus ; de quoi entendre venir le train bien à l’avance en posant son oreille sur un rail !

Bien évidemment, amplitude et fréquence ne suffisent pas à différencier le timbre d’un piano d’un cor de chasse ou d’une guitare, même s’ils jouent la même note. D’autres paramètres entrent en jeu. Le son d’un instrument ou celui d’une voix est un mélange complexe de plusieurs formes d’ondes différentes qui peuvent être en phase ou hors phase les unes par rapport aux autres.

Le son d’un instrument dépend des matériaux utilisés, de sa méthode de construction, de sa forme et des moyens techniques utilisés pour le produire : bec, marteaux, etc. De plus, la personnalité d’un son est apportée par la présence d’autres fréquences nommées dans le jargon technique des partiels et qui viennent se « poser » au-dessus de la fréquence fondamentale.

Les partiels peuvent être des harmoniques quand ils correspondent à un multiple de la hauteur fondamentale du son. Par exemple, la première harmonique du « La 440 Hz » qui sert de référence pour accorder les instruments sera à 880 Hz, la seconde à 1660 Hz, la troisième à 3320 Hz, etc. sans oublier que la richesse harmonique d’un son étant plus ou moins audible d’un instrument à un autre, cela aura pour effet de modifier notre façon de le ressentir.

Enfin, pour terminer ce survol rapide du son, nous avons l’enveloppe. Bien connu par ceux qui travaillent sur les synthétiseurs, l’enveloppe constitue l’aspect global du son : son attaque, sa tenue dans le temps (avec oscillation ou pas) et son extinction.


ENREGISTREMENT ANALOGIQUE ET NUMÉRIQUE

Au départ, avant d’être capturé, le son est analogique (mot venu du grec ‘analogos’ signifiant ‘proportion’), et concerne tous les « sons vivants » reproduit physiquement par l’homme (instruments acoustiques, voix) ou naturellement (bruits produits par la nature ). Tout le reste, à savoir les moyens pour enregistrer et stocker (console, magnétophone, disque dur et autres machines) concernent le domaine numérique ; un son enregistré n’étant que de l’information tant qu’il n’a pas été traduit en ondes.

À l’arrivée du numérique dans les studios, la question de la pérennité de l’enregistrement dit « analogique » s’est posée. Le désir de « gommer » ses défauts ont eu raison de sa résistance. Pour autant, n’oublions pas que le procédé analogique a été, non sans mal, la seule référence à avoir construit pratiquement toute l’histoire de la musique enregistrée au cours du 20e siècle.

L’arrivée du numérique a mis surtout fin au problème du stockage de l’information sur bande, moins fiable que le disque dur, tout en faisant reculer le bruit de fond audible et en apportant de gros avantages dans le domaine de l’édition. Cependant, aujourd’hui encore, l’analogique n’a pas complètement disparu. Le premier maillon utilisé lors de l’enregistrement d’un son, à savoir le microphone, reste encore un procédé analogique qui transforme la pression de l’air en impulsions électriques, tout comme le haut-parleur qui se situe en bout de chaîne et qui retranscrit le signal – préalablement corrigé par la console – sous forme d’ondes sonores.

Une console numérique (pixabay.com)

En analogique, les transducteurs (1) sont essentiels en quantifiant le son. De leur qualité dépend la fidélité des données recueillies. Le son qui entre via le micro n’est jamais le même que celui qui sort du haut-parleur. Au cours de son périple, le son subit des transformations inévitables et parfois nécessaires en fonction de l’objectif à atteindre. Plus les étages sont nombreux et plus le son s’éloignera de l’original – le dégradant sans autre possibilité technique d’y remédier.

Tant que l’analogique a été présent dans les studios d’enregistrement, la création musicale du compositeur passait par les « filtres » de la prise de son et de la reproduction, produisant à son tour un processus sonore créatif sur le résultat final. Cette « magie » dotée d’imperfection et souvent insaisissable a quelque part disparu avec l’arrivée du numérique, sachant qu’en audio le hasard n’a jamais été considéré comme une valeur à rechercher, mais plutôt à fuir. Et pourtant…

En édition, les solutions numériques ne reposent-elles pas encore sur des procédés analogiques ? L’oreille n’est-elle pas le premier juge du début à la fin ? Comprendre le comportement du microphone lors de la prise de son, les problèmes liés à l’acoustique du lieu ou encore la restitution par les haut-parleurs dépendent de connaissances et de perceptions purement analogiques et subjectives. Avec leurs calculs mathématiques, les ordinateurs sont bien mal placés pour évaluer des sentiments de cette sorte, eux qui travaillent dans un langage binaire, sans état d’âme.

1 – Transducteurs : dispositif permettant de transformer un type d’énergie en un autre type d’énergie. Lors d’un enregistrement analogique, les transducteurs ont pour but de transformer les ondes sonores capturées en impulsions électriques pour ensuite les stocker sur bande magnétique.


ÉCHANTILLONNAGE ET BITS

L’échantillonnage est la clef de voûte de l’enregistrement numérique. Contrairement à l’analogique, l’enregistrement numérique a la capacité d’analyser une forme d’onde des centaines de fois par seconde. L’échantillonnage permet cela, et plus l’analyse sera poussée, plus fidèle sera la reproduction du son vis-à-vis de l'original. C’est ce qu’on appelle la fréquence d’échantillonnage. À titre d’exemple, une fréquence d’échantillonnage de 44,1 kHz – comme le CD – permet de prendre en compte tout le spectre audible et même au-delà (2).

Les ordinateurs ne sont que des machines à calculer qui stockent leur résultat en groupe de bits (raccourci de binary digit) – chaque bit se résumant à deux valeurs : 0 et 1. La longueur de ces informations codées est appelée « longueur de mot ». C’est ainsi qu’un système 16 bits - présent sur les CD première génération – est un système qui est en mesure de fournir des informations binaires en mots de 16 bits.

L’essentiel dans le numérique est d’acquérir un maximum d’information possible durant l’enregistrement, quitte à envisager pour des raisons diverses une plus faible résolution par la suite, comme une compression à un format de type MP3. Un enregistrement numérique en 24 bits sera toujours d’une meilleure qualité (finesse) qu’en 16 bits ; le seul inconvénient sera d’avoir un ordinateur doté d’un processeur suffisamment rapide pour calculer en temps réel l’augmentation significative des données et d’une capacité de stockage plus importante.

2 - La fréquence de l’échantillonnage doit être au moins le double de la plus haute fréquence enregistrée. Cette technologie s’appelle le pulse code modulation (PCM).

Par Elian Jougla (Cadence Info - 09/2019)


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