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MAGMA BIOGRAPHIE - HISTOIRE D'UN GROUPE CULTE CONDUIT PAR CHRISTIAN VANDER

Un univers sonore fantasque, étrange, s’élève des enceintes. Cette musique-là nous poursuit depuis plus de 40 ans. Magma ou Univeria Zekt (organisation fondée pour aider à l’épanouissement et à la propagande de créations de qualité) est l’une des meilleures expériences tentées par la musique rock française. Il n’y a pas eu d’avant et il n’y aura pas certainement pas un après, car Magma est et restera unique.


MAGMA, VOUS AVEZ DIT MAGMA ?

Magma ne signifiera peut-être rien à vos yeux, mais l’incendie sonore produit par ce groupe français débarqué au tournant des années 70 fut reçu comme un coup de poing au cœur d’un rock français en quête de reconnaissance. N'étant musicalement rattaché à aucuns codes musicaux alors en vigueur, seules quelques références allant de Stravinsky à Béla Bartók pour le rythme et l’harmonie jusqu’à John Coltrane pour la dimension mystique seront à même de porter un certain crédit, du respect et de l’attention à leur message sonore.

Conduit par le batteur extraterrestre Christian Vander, leur épopée nous conte des histoires dans un langage créé de toute pièce, le kobaën. Que vous ou moi n’y pigions rien – malgré la traduction présente sur le premier album – n’est pas le plus important. Le langage de Magma est à prendre comme sa musique. C’est tout ou rien. On est pris et on adhère, et dans le cas contraire, on rejette totalement.

Dès le premier album, le son que l’auditeur reçoit en pleine figure est dense, agressif. Il imprime sa marque tout en évitant de tomber dans les travers d’une musique rock enrobée d'effets sonores. Ici point de distorsion déferlante ou d'écho intempestif, le chemin musical tracé par Magma est tout autre. L’obsession rythmique voulue par Christian Vander, physiquement éprouvante, fuit l’assise rythmique et confortable des rythmes rock à quatre temps pour flirter avec des métriques plus inusités.

« La technique sans faille de Magma est l‘expression incandescente d’un message supramusical. » pouvait-on lire dans Rock & Folk, en 1970. Les musiciens qui viendront faire un « stage » dans Magma n’en sortiront pas tous intacts ! La musique, sans être aussi complexe que celle produite par Frank Zappa, est surtout basée sur des riffs rythmiques hypnotiques qui se développent à travers différentes séquences plus ou moins étirées dans le temps. « Magma est poussé par une force incroyable à prendre les armes (les instruments, ndlr) et à frapper. » dira Christian Vander. Le ton est donné ! Derrière sa petite batterie Gretch, réduite à un set minimaliste, les yeux levés au ciel, Vander rentre en transe. Les roulements de caisse claire entonnent la charge. Le batteur devient le « guide spirituel », celui qui conduit au doigt et à l’œil une formation dans laquelle résonnent les voix de Klaus Blasquiz et de sa femme Stella, l’organik kommandeür du groupe.


CHISTIAN VANDER : UNE MUSICALITÉ PRÉCOCE

Tout en accordant une grande place au jazz, Christian Vander ne suivra pas les pas de son père Maurice Vander, pianiste et fidèle accompagnateur de Claude Nougaro. Né en 1948 dans le pays imaginaire de Kobaïa, sur Stoh Iwa, il découvre la batterie à l’âge de 11 ans. Son influence majeure, il la doit au batteur Elvin Jones quand celui-ci œuvrait dans le quartette de John Coltrane.

Pour Christian Vander, la route est toute tracée… la batterie, c’est sa vie. Le musicien est d'une exceptionnelle précision rythmique ; un sérieux travail conduit en amont qui se traduira finalement par un jeu violent et intense. « Quand je mets une pêche sur une cymbale, j’ai comme l’impression de tuer la personne en face de moi ! » lance-t-il.

Sa carrière débute en jouant dans les boîtes de jazz avec les Wurdalaks (les Vengeurs), les Chinese qui deviendront les Cruciferius Lobonz. Ses premières compositions dessinent déjà ce que seront les lendemains. Nogma, Atumba deviendront les prémices du projet musical intense et unique Mekanïk Destruktïw Kommandöh.


MAGMA PREMIÈRE ÉPOQUE

Au début de l’année 1969, Laurent Thibault (claviers), Françis Moze (basse), Zabu (chant) engagent Vander pour une tournée de casinos. Au sein des musiciens, l’ambiance est assez mouvementée, mais peu à peu une idée prend forme, celle de créer un univers unique et explosif, l’ « Uniweria ». De nouveaux musiciens rejoignent et consolident la formation, notamment Claude Engel (guitare), René Garber, Richard Raux (sax), Alain « Paco » Charlery (trompette) et François « Faton » Cahen (claviers).

Après un premier concert au Rock’n’Roll Circus, un album intitulé M pour Magma est gravé en 1970. Le projet musical de Vander-Blasquiz navigue alors entre une musique pas vraiment rock, pas vraiment jazz, mais qui a la particularité de provoquer des réactions dès qu'on l'écoute. Le double album Magma est d'une telle densité qu'il sort immédiatement des rangs, suscitant au passage quelques avis contrastés dans la presse. « La musique de Magma est tout à fait inconfortable. Elle vous plonge près de deux heures dans l’inconnu d’un voyage halluciné, hagard. » écrira Philippe Paringaux dans "Rock & Folk".

Ce nouveau langage sera également mis à mal par de tristes imbéciles qui feront le rapprochement aussi inutile qu’irrévérencieux entre la langue « kobaiënne » et les discours d’Hitler, allant jusqu’à taxer le groupe de nazisme ; injuste insertion là où il ne fallait voir qu’une recherche sensorielle. « Nous nous intéressons à la magie blanche qui traite des images, des symboles que se fait l’homme, de la nature. La magie blanche, c’est toute la symbolique de l’univers, cela comprend l’alchimie, la mystique rituelle, la musique, la vie, l’amour, le sexe. » lancera Klaus Blasquiz.

Les débuts sont difficiles. Magma se produit dans le circuit hasardeux des MJC (Maison de la Jeunesse et de la Culture) devant un public restreint. Leur singularité musicale ne passant pas inaperçu, tout comme leur apparence vestimentaire – tout de noir vêtu avec un énorme médaillon rouge sur la poitrine -, le groupe sera enfin ovationné lors de leur passage au festival de Montreux et à la fête de l’Humanité en 1971. Deux ans plus tard, la publication de la suite Mëkanïk Dëstruktïw Kommandoh avec le bassiste Jannick Top et le guitariste Claude Olmos, puis la tournée américaine à laquelle participeront les frères Brecker, puis anglaise et allemande, confirmeront l’importance de Magma dans l'histoire de la Rock-Music.

La carrière, qui frôle la reconnaissance mondiale, est dirigée de manière fort controversée par le maître de l’Utopia, Giorgio Gomelsky (manager des Rolling Stones à leurs débuts). De nouveaux changements de personnel finiront par compromettre le destin musical du groupe, malgré des concerts grandioses comme le Palais de Chaillot, le Festival du Castellas 76 ou celui de Pantin ; sans oublier la parution du superbe album Kohntarkosz (1977), qui célébrera à sa façon le dixième anniversaire de la mort de Coltrane.


MAGMA LA RECONVERSION

À la fin de la décennie, Vander dissout momentanément Magma après une série de concerts enregistrés qui réunissent une longue lignée de musiciens prestigieux au rang desquels figurent le claviériste Benoît Wideman, le violoniste Didier Lockwood et le bassiste Guy Delacroix.

Tout au long de son histoire à rebondissements, Magma sera un berceau, un vivier pour de nombreux musiciens de jazz français, une référence encore notable aujourd’hui. Après leur passage dans Magma, certains sauront s'échapper de toute influence tandis que d’autres auront beaucoup plus de mal à se défaire du style.

Déjà annoncé avec l'album Udu Wudu en 1976, l’album Attahk (1978) surprend les fans par la nouvelle direction musicale prise, plus « commerciale ». Il en ira de même avec Merci réalisé en 1984. Les nouvelles compositions cherchent un ailleurs. L’influence rhythm and blues est notable, même si sur scène les grandes pièces sont toujours là : Theuez Hamtaakh (Le temps de la haine) et Mëkanïk (nom d’un quatuor hard-rock de Berlin).

Ce groupe est à l’origine de multiples carrières. Il y aura notamment la création de Zao (le pianiste François Cahen fondera Transit en 1993), de Klaus Blasquiz, dessinateur et journaliste, de Laurent Thibault, producteur d’Higelin et de Coutin, ou encore de Didier Lockwood et de Jannick Top, qui deviendra le bassiste attitré de Michel Berger et de France Gall.

Quant à Christian Vander, parallèlement à Magma, sa carrière est émaillée de quelques disques en solo : Fiesta in drums (avec Frank Raholison), Vander et les trois Jeff (Seffer, Catovien Gilson), Wurdah Itäh, musique du film Tristan et Iseult ou encore Fusion (1981) avec Janick Top, Benoît Wideman et Didier Lockwood. En 1988, sortira To Love, un album particulièrement épuré et composé d'improvisations au chant et au piano.

En 1979, il y aura l’aventure de l'Alien Quartet avec le pianiste Benoît Widemann et le bassiste Dominique Bertram qui seront ensuite remplacés respectivement par Michel Graillier et Alby Cullaz. Devenu le "Christian Vander Trio", deux albums fortement influencés par la musique de John Coltrane seront enregistrés.

En 1980, suite au départ de Klaus Blasquiz, le chant de Vander prend une place de plus en plus importante. Ce changement aboutira en 1983 à la création de la formation Offering. Durant cette période, Magma continuera de survivre grâce et surtout à l’historique de ses compositions, ce qui donnera lieu à la publication des albums Retrospektïẁ III et Retrospektïẁ I-II. Leur passage à Bobino en 1981 durant trois semaines constituera un fait marquant.

Après l’enregistrement de Mercy en 1984, Magma se fait plus discret jusqu’à son retour en 1992 avec Les Voix de Magma. Ce disque-là, qui n’est qu’un lointain écho à la formation initiale, permet d’entendre un ensemble totalement acoustique. Composé de neuf voix, d’une contrebasse et de deux claviers, l’univers kobaïen armé de nouvelles compositions n’y perd rien au change, bien au contraire ! Le groupe ainsi formé tournera régulièrement en France, mais aussi à l’étranger, notamment en Europe, au Japon et aux États-Unis.


LES ANNIVERSAIRES « MAGMA »

Les années 2000 seront ponctuées de quelques concerts anniversaires. Il y aura tout d’abord les 30 ans de carrière qui seront fêtées au Trianon de Paris, suivis cinq ans plus tard par quatre semaines de concert au Triton de Paris. Au fil des semaines, quatre répertoires différents seront interprétés donnant lieu à la parution de quatre DVD, Mythes et Légendes : Epok I, Epok II, Epok III et Epok IV. L’année 2009, qui marque les quarante années d’existence, sera couronnée par trois concerts au Casino de Paris.

Toujours très acoustique, Magma publie en 2012 son onzième album studio intitulé Félicité Thösz. Le 7 mai 2013 paraît Epok V, le cinquième tome de la série de DVD Mythes et Légendes. Ce cinquième volume contient des morceaux qui n'avaient pas été joués au Triton en 2005, dont une composition inédite Slag Tanz, titre éponyme du dernier album en date enregistré par le groupe en janvier 2015.


MAGMA : MEKANËK DESTRUKTÏW KOMMANDÖH (extrait - 1992)
(Extrait d'une émission/portrait consacrée au violoniste Didier Lockwood)


QUELQUES ALBUMS CLÉS DE MAGMA

Si vous ne désirez pas acquérir l’intégrale des albums studio de Magma (Studio Zünd, 12 CD Harmonia Mundi), vous pouvez toujours recourir à quelques séances d'initiation...

Magma (1970)

Premier épisode de l’aventure « magmaienne ». On découvre alors la langue inventée par Christian Vander, le kobaïen et les premières compositions.

1001° Centigrades (1971)

« Je voudrais que mes notes guérissent les gens », disait John Coltrane, maître absolu de Christian Vander. Après les dégâts causés par le départ du dernier Kobaïen, l'envoûtante ligne de basse d'Iss Lanseï Doïa, appelle à l'apaisement.

Mekanïk Destruktïw Kommandöh (1973)

C’est l'œuvre phare de Magma. Martèlements hypnotiques du piano, ruptures rythmiques et chœurs célestes accompagnent les inquiétantes envolées perçantes de la voix de Klaus Blasquiz.

Wurdah Itah (1974)

La BO superbe d'un (mauvais) film, Tristan et Yseult, crédité au seul Vander. Si le musicien joue de la plupart des instruments, le souffle épique de l'ensemble est du Magma pur jus.

Attahk (1978)

L’album à ses fans tandis que d’autres ses détracteurs. À vous de juger !

K.A (2004)

K.A est la préquelle de Kontarkösz enregistré en 1974, mais capturé avec des techniques de studio récentes. Du coup, on a le sentiment d'entendre le Magma d'avant, avec un son dont on ne pouvait, à l'époque, que rêver.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2015)


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