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ROCK, POP, FOLK, ELECTRO...


LA NAISSANCE DU GROUPE ROLLING STONES

C’est dans une école d’art que le guitariste Keith Richards, encore adolescent, va rencontrer Dick Taylor, puis Brian Jones au hasard d’un concert à Londres…

KEITH RICHARDS RACONTE...

Keith Richards : ce n’était vraiment pas pour moi, le lycée technique. Travailler de ses mains le métal, moi qui ne suis pas foutu de mesurer un truc de dix centimètres sans me planter, sans parler des paquets de forets qu’il fallait aléser au micron près ; j’ai fait tout mon possible pour me faire virer de cet endroit. Il m’a fallu quatre ans, mais j’y suis parvenu…

En me virant, ils ont eu la bonté de me recycler dans une école artistique. Vraiment, c’est la meilleure chose qu’ils pouvaient faire pour moi, parce que les écoles artistiques en Angleterre sont carrément déjantées. La moitié des profs sont dans la pub, et ils viennent enseigner là un jour par semaine pour arrondir leurs fins de mois et se maintenir dans le coup. C’est rien que des fêlés, des pochetrons, des défoncés. Mais il y a beaucoup de jeunes dans ces écoles. J’avais quinze ans, et il y avait des mômes de dix-neuf ans en dernière année.

On fait beaucoup de musique dans ces écoles. C’est là que je suis devenu guitariste, parce qu’il y avait des guitaristes qui jouaient de tout, depuis Big Bill Bronzie jusqu’à Woodie Guthrie. J’ai bien accroché avec la musique de Chuck Berry, même si à l’école, on nous enseignait plus le son et le blues de Guthrie. Pas vraiment le blues d’ailleurs, mais surtout des ballades et les trucs de Jesse Fuller. À l’école, j’ai rencontré Dick Taylor, un guitariste avec qui j’ai joué pour la première fois. On a joué un petit peu de blues, des trucs de Chuck Berry à la guitare acoustique, avec juste un ampli que je venais d’acheter. Il y avait un autre type aussi dans l’école, Michael (Mick) Ross. Il a voulu former un groupe de country and western franchement amateur, et on a joué pour la première fois sur scène des chansons de Sanford Clarck et quelques-unes de ses chansons.

J’ai quitté l’école technique à quinze ans. J’ai fait trois ans à l’école d’arts. J’entamais la troisième année quand j’ai de nouveau rencontré Mick dans un train, à la gare de Dartford. Entre onze et dix-sept ans, on change beaucoup physiquement. Je ne savais plus à quoi il ressemblait. Je retrouvais un vieux pote, tout en rencontrant une nouvelle personne. Il avait quitté le lycée et suivait des cours à l’école d’économie de Londres. Il se la jouait ‘‘étudiant d’université’’. Il avait des disques avec lui, et je lui ai demandé : « C’est quoi, ça ? »… C’était Chuck Berry, Rocking at the Hop. Il aimait bien chanter des trucs marrants, ce qu’on chante sous la douche, et il avait déjà chanté dans un groupe de rock deux ans avant : Buddy Holly, Sweet Little Sixteen, des trucs d’Eddy Cochran, dans les clubs pour jeunes de Dartforf. Mais il avait arrêté quand on s’est rencontré. Je lui ai dit que je bidouillais avec Dick Taylor… En fait, ces deux-là se connaissaient déjà, car ils avaient été au lycée ensemble, alors pourquoi ne pas essayer de monter quelque chose tous les trois ?

© Ben Merk / ANEFO (wikipedia) - Les Rolling Stones en concert (Houtrusthallen The Hague, Hollande, le 15 avril 1967

Un soir, on s’est tous retrouvés chez Dick et on a fait une petite répétition. On a commencé à jouer pour nous, dans les piaules, pour les copains, dans les couloirs… On n’a pas voulu se risquer à jouer du Muddy Waters ou du Bo Didley. Mick me faisait entendre tout un tas de sons que je n’avais jamais entendus. Il faisait venir ses disques en import de chez Ernie’s Record Mart.

À l’époque, les jeunes écoutaient du jazz traditionnel, parfois funky, parfois, très ‘dilué’. Le rock’n’roll avait déjà viré à la pop music, parce que les radios ont besoin de plaire à tout le monde. On mélange tout pour faire une sorte de soupe homogénéisée qui doit plaire à la moyenne, et qui n’est en fait que de la merde homogénéisée. En tout cas, la radio à l’époque, c’était ça. Il n’y avait pas encore les radios spécialisées…

Juste au moment où Mick, Taylor et moi cherchions à monter sérieusement notre groupe en allant écouter des musiciens pour savoir qui jouait avec qui, Alexis Corner démarrait un groupe de son côté, dans un club à l’ouest de Londres, à Ealing. Il avait un harmoniciste qui s’appelait Cyril Davies et qui était carrossier dans une casse. Cyril était allé à Chicago et il s’était assis à côté de Muddy Waters en personne, au Smitty‘s Corner : il en jetait un max. C’était un bon joueur d’harmonica et un super fêtard ; il buvait comme un trou, du bourbon de préférence. À ce moment-là, Alexis et Cyril ont décidé de monter leur groupe, et devinez qui était le batteur ? Charlie Watts, en personne. La deuxième semaine après l’ouverture, on a décidé d’aller les voir jouer. C’était le seul club en Angleterre où l’on jouait du funk. En arrivant, on voit Alexis se lever et annoncer : « Et maintenant, voici un guitariste de slide qui vient tout droit de Cheltenham pour jouer ici ce soir ! ». On entend quelqu’un chanter magnifiquement Dust My Broom de Elmore James, juste à côté de nous et c’était Brian (Jones).

Par Patrick Martial (09/2013)
(source : The True Adventures of the Rolling Stones – Stanley Booth – 1984)

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