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MUSIQUE & SOCIÉTÉ


HISTOIRE DES TUBES MUSICAUX : LES ONE HIT WONDERS

Cette page est la suite de : Les "One Hit Wonders", les artistes d'un seul tube


LA DÉFINITION DU TUBE AUPRÈS DU PUBLIC

Le tube, c’est une reconnaissance venant du public, mais de la reconnaissance de quoi ? Quelle est la logique dans tout ça, si tenté qu’il y en est une ? Est-ce le fruit du hasard, d’une coïncidence ? À vrai dire, quand cela se produit, la "com" n’est pas toujours vraiment préparé à cet assaut direct et, de fait, il lui arrive d'improviser parfois au jour le jour en envoyant son "poulain" dans une course folle de média en média, puis de tournée en tournée promotionnelle. C’est souvent avec le recul que l’artiste prend alors conscience de l’énormité de sa victimisation.

Le tube stimule auprès du public une sorte de détachement immédiat envers sa culture. En son cœur, il promène d’autres pensées idéologiques, sociales, d’autres visages sur le rapport à l’amour et à la communication entre les êtres. Mais le revers du tube façon « One Hit Wonder » est de statufier l’artiste, de lui faire endosser une lourde étiquette durant un temps infini. Avec le recul, celui ou celle qui a été victime de cet acharnement médiatique préfère en rire ironiquement plutôt que de se morfondre dans des regrets éternels.

On pourra toujours rétorquer que des artistes, tels Ferrat, Brel, Brassens ou Ferré, ont eu aussi leur « tube », même si pour eux l’emploi de ce mot est galvaudé. Ferrat et La Montagne, Brel et Ne me quitte pas, Brassens et Les Copains d’abord ou Léo Ferré et Avec le temps ont imprégné toute une époque si puissamment que cela aurait pu annoncer le point final de leur carrière. Cependant, pour comprendre, il faut tout remettre dans son contexte. L’engagement de tels artistes ne pouvant être remis en cause, c’est dans le profil de leur ascension que tout s’explique…

Par rapport à aujourd’hui, le mode de lancement opératoire de l’artiste était très différent. Généralement, un chanteur actuel est obligé d’abord de promouvoir sa chanson à travers les médias avant de la proposer sur scène, ce qui empêche, de fait, le rodage de celle-ci et de tout un ensemble de petits détails, de « réglages » que l’on écarte ou que l’on assemble au fil du temps. De plus, comme nous vivons dans une société de consommation et d’immédiateté, dans ce sens, les artistes sont également responsables du produit qu’il propose et de la façon dont il le propose. Dans cette acceptation, ils prennent le risque de se condamner tout seul en participant à un système qui ne leur ressemble pas toujours.

Le tube qui irradie les médias devient beaucoup plus exclusif dans une carrière conduite à tombeau ouvert. Sans recul, l’artiste s’engouffre ou on ne s’engouffre pas dans la brèche ouverte. Quand la question du choix se pose, il est souvent déjà trop tard, car le système possède déjà une longueur d’avance et a déjà commencé à dévorer son interprète, à l’étouffer. Le cas typique du « One Hit Wonder » est de disparaître derrière l’image qu’on lui a fabriquée (ou qu’il s’est fabriqué) pour ne plus exister en tant que véritable artiste. Parfois, il suffit d’une seule émission télévisée à grande écoute pour qu’il devienne aux yeux du public la révélation de la soirée, simplement pour avoir lancé un mot, une phrase ou parce qu’il sera arriver sur le plateau avec un look provocant ou amusant. Ensuite, après le passage télévisé, tout sera finement observé par l’entourage, soucieux de savoir si les stats seront accompagnés d’une explosion des chiffres de vente.

L’angoisse pour celui qui aura créé un tube fracassant devient rapidement collective. L’encadrement de l’artiste (maison de disques, équipe de marketing, manager…) n’a qu’une idée en tête : reconduire le même succès avec la chanson suivante. Afin d’éviter tout capotage, le titre qui suit doit absolument annoncer le développement ou la poursuite d’une carrière prometteuse. Généralement, c’est à ce moment-là que tout se joue. L’échec du second simple annonce bien souvent la fin de l’aventure. Sabine Paturel (Les bêtises - 1986) ou Jean-Pierre François (Je te survivrai – 1989) sont deux exemples parmi d’autres. Ces personnalités sont venues à la chanson en peu par hasard. Jean-Pierre François, ancien footballeur, avait certainement plus d’efficacité à jongler avec le ballon qu’il ne l’avait avec les mots. Quant à Sabine Paturel, son second single intitulé P’tit bouchon (1987) aura un certain succès, mais pas au point de faire oublier Les bêtises.

LE « ONE HIT WONDER » ET SON MOTEUR DE RECHERCHE

La vocation d’artiste, quand on ne l’a pas, cela vous conduit directement tôt ou tard à l'échec. À titre d’exemple, citons : Peter et Sloane (Besoin de rien, envie de toi – 1984) et Début de soirée (Nuit de folie – 1988). Deux « One Hit Wonder » qui sont l'unique témoignage attestant qu'un jour ils ont été au top. Mais le terrible tube ne s’installe pas uniquement dans les chansons « guimauves ». Durant l’été 2000, le rap décrochera la timbale avec le chanteur Yannick et Ces soirées-là dont la source sonore exploite à son avantage le riff rythmique de la chanson de Claude François. Yannick, qui avait peut-être en mains tout pour réussir, finira par dynamiter sa carrière naissante. Le pompage serait-il préjudiciable ?

Maintenant, si vous pensez que le « One Hit Wonder » ne concerne que les artistes français, vous êtes dans l’erreur, car l’existence de ce phénomène médiatique est finalement plus contagieuse que ce que l’on croit. Tous les pays sensibles aux fameux « hits » ont été touchés, notamment les pays anglo-saxons. Captain and Tennille (Love Will Keep Us Together - 1975), Captain Sensible (Wot –1982), ex-bassiste du groupe punk The Damned, et quelques années plus tard Tubthumping (I Get Knocked Down – 1997) deviendront les auteurs d’un seul tube fracassant. Leur point en commun est d’avoir gommé leur propre créativité et audace à travers la puissance d’un seul titre qui ne reflète pourtant pas leur personnalité.


QUAND VIENT L’ÉTÉ… RÉSONNE LE TUBE

Au fil des années, le « One Hit Wonder » n’est plus assimilé à une erreur de marketing, de direction musicale, de chansons ou de look, il devient le désir assumé d’apparaître pendant quelques mois au sommet des ventes pour se faire un maximum de « blé » durant la promotion, mais aussi lors des lendemains grâce aux droits d’auteur. Autant le dire tout de suite, cette surenchère dans laquelle l’art mineur se conjugue à tous les temps a entraîné avec lui du grand n’importe quoi. Des textes incompréhensibles que personne ne saisit vraiment, mais que tout le monde reprend en chœur. Cherchez l'erreur ! Ces coups médiatiques sont évidemment très recherchés à l’approche de l’été quand, la nuit venue, la piste de danse devient l’arène de toutes les tentations.

Si Serge Gainsbourg et sa chanson See, Sex and Sun a été écrite dans l’intention de « pondre » le nouveau tube de l’été 77 et qu’il y a réussi, il n’était pas le seul. Il y avait là un filon pour tous ceux qui savaient exploiter les rimes des chansons avec « pognon ». Avec ce genre de disque, les pochettes sont généralement explicites : filles dénudées, paysages des îles, mer et océan, bref il se dégage le sentiment qu’il fait chaud et que l’on se la coule douce.

À la fin des années 80, La lambada (adaptée/plagiée en France par Kaoma – Lambada et Chorando Se Foi - 1989) est l’une des premières formules musicales à avoir réuni tout à la fois une chanson et une danse sponsorisées et spécifiquement taillées pour animer les discothèques. Provenant du Brésil, via la Bolivie, La lambada, à cause certainement de ses rythmes colorés et de la sensualité de sa danse suggestive, corps contre corps, devient le tube de l’été 89 (il s’en vendra près de deux millions d’exemplaires). Plus proche de la musique traditionnelle avec son accordéon que de la musique dance, La lambada fera l’unanimité en touchant toutes les tranches d’âges.

En 93, cette fois-ci en provenance d’Espagne, sur le même principe et les mêmes objectifs ou presque, nous arrivera Macarena par Los Del Rio (1993). La poule aux œufs d’or semblait intarissable, pourtant, un vent en provenance de quelques sonorités celtes va mettre fin à l’aventure des tubes de l'été. Le groupe parisien Manu avec son tube à contre-courant La Tribu de Dana (1998) nous reconduira dans un voyage rap au son d’une musique d’Alan Stivell. Une haute trahison bretonne, s’il en est !

Le trio Manu peut servir de transition avec l’arrivée des boys band au milieu des années 90, véritable phénomène/concept uniquement transporté par un effet de mode, visant plus la course aux minettes (et minets) que la chanson qui fera date. Si, de cette époque, il est convenu de nommer le groupe Worlds Apart, premier boys band d’une longue lignée (S Squad, Alliage, 2 Be 3…), la notion de « One Hit Wonder » a tendance à se diluer avec le temps. Il faut peut-être chercher les causes dans les chansons qui se sont aseptisées, dans le son qui s’est dépersonnalisé, dans la chorégraphie qui, même en étant très travaillée, ne surprend plus vraiment personne.


LE RENOUVEAU DU « ONE HIT WONDER »

Alors le « One Hit Wonder » est-il mort ? Non, pas réellement, car il existe depuis le milieu des années 2000 un outsider de taille propre à créer l’événement en un temps record, un outil qui, tout en étant sous contrôle de quelques moteurs, a bousculé toutes les lignes, celle de la diffusion à la radio comme à la télévision, un phénomène qui épuise les modes et le marketing, le dénommé Internet.

Avec ses réseaux sociaux, il a créé un monde d’immédiateté, un monde dans lequel l’internaute est absolument libre de conduire « ses clics » là où son cœur lui dit d’aller. Sur la Toile, le succès peut jaillir en quelques jours. Dans cet océan d’informations inépuisables, sans cesse en mouvement et en expansion, la difficulté n’est pas tant d’exprimer quelque chose de différent que de trouver les bons moyens, l'idée qui fait « tilt ! ». Les jeunes artistes sont prêts à tout, capables de s’inventer des personnages parfois farfelus, parfois atypiques simplement pour faire parler d’eux, car, à bien des égards, Internet est loin d’être parfait ; sa principale faiblesse étant de vous enfermer dans un monde à la croisée des chemins du réel et du virtuel.

C’est un fait, Internet est devenu aujourd’hui la première rampe de lancement artistique. Le nombre de clics d’un artiste est devenu le nouveau baromètre des médias (bien que ce genre d’indication de popularité soit à relativiser). Si actuellement les maisons de disques ne cherchent plus à développer des carrières d’artistes, et si l’époque du matraquage d’un titre par les radios libres s’éloigne, peut-être que les jeunes chanteurs d'aujourd'hui sont victimes d’un système qui leur échappe totalement. Toutefois, espérons que cela ne soit pas un manque de « poésie imaginative » qui les conduit à s'inspirer de leurs aïeuls ! Remarquez, un bref retour sur le passé nous apprend que bien des artistes reconnus pour l’ensemble de leur carrière ont failli eux aussi être victime de la malédiction des « One Hit Wonder ». Le secret serait-il de tuer le tube ascensionnel avant qu’il ne vous tue ? Certainement !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 04/2015)

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