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PHIL SPECTOR, LE PRODUCTEUR ARRANGEUR ET PRENEUR DE SON

Qualifié de génie musical à la grande époque de la 'Pop Music', notamment par l'ex-Beatles John Lennon, le producteur de musique américain Phil Spector avait réussi à créer un nouveau son, inimitable, pour les plus grands artistes et groupes de rock.


PHIL SPECTOR, DE NOMBREUSES APTITUDES AU SERVICE DE LA MUSIQUE ROCK

« Je me mets en colère quand les gens disent que le rock and roll, c'est de la mauvaise musique », déclarait le producteur, rajoutant à propos de la musique rock’n’roll : « Elle possède une spontanéité qui n'existe dans aucune autre forme musicale… C'est la seule et authentique culture américaine. »

© Billboard - Phil Spector (1965)

Né dans le Bronx à New York, le 26 décembre 1939, Phil Spector est élevé à Los Angeles par sa mère Bertha à partir de neuf ans après le suicide de son père survenu en 1949. Peu intéressé par les études scolaires, il entreprend l’apprentissage de la guitare et du piano. À 18 ans, son passage par la case chanteur ne durera qu’un temps auprès du groupe The Teddy Bears mais marquera toutefois les esprits. Le titre qu’il impose en 1958, To know Him Is to Love Him (une épitaphe inscrite sur la tombe de son père par sa mère), devient n°1 des ventes aux États-Unis. Il en retirera 20 000 dollars dont plus des trois-quarts iront dans les poches des promoteurs du disque.

Il séjourne un temps à New York où il joue de la guitare dans quelques groupes, mais sa principale occupation est déjà de composer, en particulier pour les disques Atlantic dont il deviendra un temps le producteur attitré. Musicien dans l'âme, l'écriture de chansons et la production nourissent ses pensées. La suite de sa carrière artistique n'est qu'une confirmation de ses sérieuses aptitudes en tant que producteur, arrangeur et preneur de son.

D'un caractère fantasque (qui attendra la paranoïa aiguë vers la fin des années 60), le monde rock et pop voit en lui une lumière, un as du « bidouillage ». Qualifié de « génie du son » par la profession et de « plus grand producteur de disques de tous les temps » par John Lennon, Phil Spector aura une réussite artistique qui interviendra au plus fort de sa jeunesse, dès 1960, avec l’énorme succès du titre Spanish Harlem chanté par Ben E. King.

Des chanteurs et chanteuses comme Elvis Presley, Gene Pitney et Connie Francis s’empressent de vouloir travailler avec lui et à 21 ans, Phil Spector est millionnaire. Aussitôt, il constitue sa société de production avec Lester Sill, "Philles Records", qu'il inaugure avec les Crystals (There's No Other Like My Baby) en octobre 1961. Dès lors, le producteur compositeur connaît une réussite ininterrompue. Citons : Da Doo Ron Ron des Crystals, Be My Baby des Ronettes (dont il épousera la chanteuse Veronica "Ronnie" Bennett) et Unchained Melody des Righteous Brothers.


THE CRYSTALS : 'DA DOO RON RON' (1963)

En 1966, le producteur subit son premier échec commercial (l’album River Deep, Mountain High de Ike and Tina Turner) et se retire provisoirement de la profession. Il ne réapparaîtra au premier plan que trois ans plus tard à l’occasion du travail réalisé avec les Beatles pour l’album Let It Be.

Malgré les tensions permanentes se produisant lors des séances d’enregistrement, Let It Be est une réussite. Encouragé à poursuivre, Phil Spector travaille alors sur quelques titres majeurs de John Lennon (Instant Karma, Imagine) et de George Harrison (My Sweet Lord et All Things Must Pass). Notons qu’il sera aussi de l’aventure du 'Concert For Bangla Desh' initiée par Harrison en 1970. L’album Christmas, publié deux ans plus tard, témoigne de la « grandeur » du producteur en proposant divers enregistrements, première époque, où l’on peut entendre des artistes comme Darlene Love, les Ronettes, les Crystals, B.B. Soxx & The blue Jeans.


UN SON NOUVEAU

© Spider of Destiny - Phil Spector (années 60)

Dans la carrière de Phil Spector, il faut souligner toute l'importance de l'artiste à avoir su créer un « son » inimitable (souvent plagié) pour les plus grands artistes de la Rock-Music, des Righteous Brothers aux Rolling Stones (qui en retour lui dédieront une chanson). Ses approches techniques réalisées en studio auront une grande influence, notamment auprès de groupes en quête d’expériences nouvelles comme les Beach Boys et les Beatles.

Le « son Spector » se caractérise par une recherche musicale tout à fait unique, où chaque instrument et chaque voix sont traités individuellement, où la masse sonore devient puissante et somptueuse. Il est à l'origine de ce qu'on a appelé l'enregistrement « à l'anglaise », c'est-à-dire que tous les instruments, tous les chœurs et la voix lead sont à un même niveau sonore, excepté la batterie dont la prise est mixée plus « en avant ». Relevons que cette technique qui consiste à doubler, voire tripler, quadrupler chaque prise apporte au stade final, lors du mixage, une profondeur sonore plus ample.

En retravaillant certaines chansons via ce procédé technique, Phil Spector en est même devenu le co-auteur. Certains de ces titres peuvent être écoutés dans la compilation Back to Mono (1958-1969) que Spector a lui-même supervisé.

THE BEATLES : 'THE LONG AND WINDING ROAD' (1969)

LA FACE SOMBRE

Malgré une carrière savamment orchestrée dans les années 60, celle-ci allait connaître un sérieux coup d'arrêt dans le courant des années 70. En cause, les comportements lunatiques, voire dangereux du producteur (Leonard Cohen sera menacé physiquement). De nombreuses collaborations artistiques, qui devaient au départ être prometteuse, n’aboutiront pas ou se termineront mal fautes d’ententes préalables (l’album End of the Century du groupe The Ramones ou avec la chanteuse canadienne Céline Dion). Phil Spector jouait de sa légende pour le meilleur, mais aussi pour le pire !

Celui qui déambulait à la face du monde dans des costumes chics était un véritable "rockeur" qui vivait dans la démesure, un être rattrapé par des troubles psychologiques chroniques. Ses « démons », comme il disait. Fantasque, insaisissable, doté d’une réputation sulfureuse, Phil Spector devait perdre son aura et ne plus retrouver le succès des années passées.

Phil Spector disparaît alors des radars jusqu’en 2003, année où le producteur fait la Une des médias quand la police découvre à son domicile le corps de l'actrice Lana Clarkson. Phil Spector affirmera que la comédienne s'était tirée elle-même une balle dans la bouche ; une version qui sera taillée en pièces par l'accusation et qui conduira le producteur en 2009, à l'issue de son second procès, d'être condamné à une peine de 19 ans de réclusion. Deux ans plus tard, Phil Spector fera toutefois appel, mais la décision de justice sera confirmée.

Le 16 janvier 2021, au bout de 12 ans d'emprisonnement, le célèbre producteur américain devait décéder de « mort naturelle » à l'hôpital pénitentiaire de Stockton, en Californie. Il avait 81 ans.

Par D. Lugert (Cadence Info - 01/2021)


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