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MUSIQUE DE FILMS

VIVALDI AU CINÉMA, DES "QUATRE SAISONS" À LA MUSIQUE SACRÉE

Comme Mozart, Beethoven ou Bach, la musique du compositeur Antonio Vivaldi est présente dans de nombreux films, en particulier son « Concerto pour violon  » et « Les Quatre saisons  ». Abondamment cité au détour d'une scène ou parfois interprété à l'écran, l'illustre musicien a rendu bien des services au cinéma par sa verve créatrice en attribuant ses majestueuses déclarations musicales à toute sorte d'histoires contemporaines...


"LES QUATRE SAISONS" EN HORS D'ŒUVRE

L’un des virtuoses du violon parmi les plus célèbres et les plus admirés de son temps, et dont l'influence peut se mesurer au fait que Bach a adapté et transcrit un grand nombre de ses œuvres, se devait d'être honoré par le cinéma. Dans sa pluralité à évoquer et à représenter la musique du compositeur vénitien, le 7e art a mis en avant son éclatante inventivité, souvent à travers une lecture personnelle, au détour d'une scène insolite ou par un usage à contre-emploi.

© cinemapassion.com – Jacquette du film "Vivaldi, un prince à Venise".

Pour entrevoir la place accordée au compositeur vénitien dans le 7e art, quoi de plus représentatif que Les Quatre saisons, son œuvre la plus populaire et dont chaque mouvement s'enrobe d'une couleur si descriptive. Le cinéma ne se privera pas d'utiliser tout ou partie de ce pouvoir illustratif. Citons d'abord L'Été qui apparaît dans une scène du film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (2019), dans laquelle la musique est bien plus qu'un fond sonore en étant interprétée par des musiciens à l'écran ; L'Été que l'on retrouve aussi capturé par des musiciens dans une scène d'Intouchables, de Toledano et Nakache (2011).

Bien évidemment, l'utilisation des « Quatre saisons  » peut servir également de fond sonore en lieu et place d'une musique d'ambiance jazzy. Par exemple, dans un restaurant chic de New York (Greta de Neil Jordan - 2018) ou de Los Angeles (Pretty Woman de Garry Marshall - 1990). Mais c'est fréquemment lors de réceptions BCBG que l'œuvre parvient à justifier parfaitement sa présence à l'écran par sa convenance, par exemple lors d'une soirée entre voisins (Apparences de Robert Zemeckis - 2000) ou quand le charme de James Bond (Roger Moore) doit opérer dans Dangereusement Vôtre de John Glen (1985).

Si L'Été demeure le mouvement le plus prisé des quatre, L'Automne apparaît comme un sombre challenger en illustrant une scène de corps lacérés et mutilés que le public jugera insoutenable dans le film The house that Jack Built, de Lars von Trier (2018). L'Hiver, par ailleurs présent, prend la relève avec le même effroi en accompagnant une cruelle séquence de tortures dans laquelle des dents sont arrachés à vif (Old Boy de Park Chan-wook – 2003). Moins agressif mais plus suggestif, L'Hiver prend encore racine dans une utilisation à contre-emploi, dans le film John Wick Parabellum de Chad Stahekski (2019), dans une scène montrant la police prête à donner l'assaut, de nuit, dans un vaste appartement.

Néanmoins, le recours aux « Quatre saisons  » peut être particulièrement terre-à-terre, en ayant une utilisation autrement conventionnelle. En effet, l'œuvre découpée en quatre mouvements représente un support idéal pour illustrer un documentaire. Sa caractéristique universelle permet de rappeler le cycle des saisons et, par là même, de renforcer la singularité d'un paysage naturel avec ses âmes qui la traversent (Les Saisons, de Artavazd Pelechian – 1975).


CONCERT EN SOL MAJEUR
(issue du film "Dogville" – 2003)

AU-DELÀ DES SYMBOLES IMAGÉS

Prenons de la distance et oublions Les Quatre saisons, car l'œuvre d'Antonio Vivaldi est immense (456 concertos, dont 223 pour violon et orchestre, sans compter les 73 sonates et les nombreuses compositions lyriques). Le cinéaste Jean Renoir en fera bon usage dans Le Carrosse d'or (1953) en sublimant sa musique dès la première image jusqu'au générique de fin. Même François Truffaut, admirateur de Renoir, succombera à la musique de Vivaldi, représentative d'une esthétique que le metteur en scène appréciait. Truffaut utilisera notamment le Concerto pour mandoline à deux occasions : dans l'une des scènes culte de La Mariée était en noir (1967) avec Jeanne Moreau et Michel Bouquet, puis dans L'Enfant sauvage, trois ans plus tard.

Le versant « sacré  » de l'œuvre d'Antonio Vivaldi figure également dans de nombreux longs-métrages pour servir des scènes de circonstance, comme le Gloria dans La Passion d'Augustine de Léa Paul (2015) ou plus particulièrement le Stabat Mater chanté en A Cappella pour le film La Religieuse de Guillaume Nicloux (2013), un « hymne religieux  » que l'on retrouve proposée par Agnès Varda à la fin de Jacquot de Nantes (1991) retraçant la jeunesse du réalisateur Jacques Demy.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 04/2023)


STABAT MATER DOLOROSA
(issue du film "Le talentueux Mr Ripley" de Anthony Minghella – 1999)

LES FILMS DANS LESQUELS FIGURENT LA MUSIQUE DE VIVALDI

  • 1953 : Le Carrosse d'or de Jean Renoir.
  • 1967 : La Mariée était en noir de François Truffaut. Le Concerto pour mandoline.
  • 1970 : L'Enfant sauvage de François Truffaut. Le Concerto pour mandoline.
  • 1975 : Barry Lindon de Stanley Kubrick. Le concerto pour violoncelle.
  • 1975 : Les Saisons de Artavazd Pelechian. Les Quatre saisons.
  • 1976 : Les hommes du président d'Alan J. Pakula. Le Concerto pour trompette utilisé dans une scène comme fond sonore pour brouiller les écoutes.
  • 1979 : Kramer vs. Kramer (1979) de Robert Benton. Une adaptation par Herb Harris du Concerto en do majeur pour mandoline.
  • 1979 : All That Jazz de Bob Fosse. Le Concerto pour violon.
  • 1985 : Runaway Train de Andrei Konchalovsky. Le film termine sa course hallucinante avec un extrait du Gloria.
  • 1985 : Dangereusement Vôtre de John Glen. Les Quatre saisons.
  • 1986 : Vivaldi de Richard Bocking, avec Corey Cervosek (Vivaldi enfant) et Steven Staryk (Antonio Vivaldi).
  • 1989 : Rouge Venise de Étienne Périer. Film retraçant un épisode de la vie de Carlo Goldoni et dans lequel le personnage de Vivaldi apparaît.
  • 1990 : The King of New York de Abel Ferrara. L'Automne des Quatre saisons remixé par le compositeur Joe Delia.
  • 1990 : Pretty Woman de Garry Marshall. Les Quatre saisons.
  • 1991 : Rhapsodie en août de Akira Kurosawa. Utilisation du Stabat Mater dans une scène de recueillement face au monument aux morts à Nagasaki.
  • 1991 : Jacquot de Nantes de Agnès Varda. Le Stabat Mater.
  • 1993 : Madadayo de Akira Kurosawa. L'Estro Armonico Op. II (Concerto n°1 en Ré majeur).
  • 1999 : Le talentueux Mr Ripley de Anthony Minghella. Utilisation du Stabat Mater.
  • 2000 : Apparences de Robert Zemeckis. Les Quatre saisons.
  • 2001 : Spy Games de Tony Scott. Emploi des Quatre saisons lors d'une réception, avec Robert Redford et Charlotte Rampling.
  • 2003 : Dogville de Lars von Trier. Toute la BO est accompagnée de la musique de Vivaldi.
  • 2003 : Old Boy de Park Chan-wook. L'Hiver des Quatre saisons.
  • 2005 : Lady Vengeance de Park Chan-Wook. Bande son égrenant plusieurs extraits d'œuvres du compositeur vénitien.
  • 2006 : Antonio Vivaldi, un prince à Venise de Jean-Louis Guillermou. La vie romanesque du compositeur Antonio Vivaldi, avec Stefano Dionisi dans le rôle de Vivaldi.
  • 2011 : La guerre est déclarée de Valérie Donzelli.
  • 2011 : Intouchables, de Toledano et Nakache. L'Été des Quatre Saisons.
  • 2013 : La Religieuse de Guillaume Nicloux. Le Stabat Mater.
  • 2014 : Snow Therapy de Ruben Östlund. le paradoxe du film est d'utiliser L'Été des Quatre saisons pour rythmer la vie d'une station de ski alpine durant l'hiver.
  • 2014 : The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Concerto pour luth et mandoline.
  • 2015 : La Passion d'Augustine de Léa Paul. Le Gloria.
  • 2015 : Home de Yann Arthus-Bertrand. Extrait du Nisi Dominus, RV 608 (Cum Dederit).
  • 2015 : Dheepan de Jacques Audiard. La musique sacrée du Cum Dederit Nisi Dominus à la fonction envoutante.
  • 2016 : La danseuse de Stéphanie Di Giusto. L'Hiver des Quatre saisons.
  • 2018 : Greta de Neil Jordan. Les Quatre saisons.
  • 2018 : The house that Jack Built, de Lars von Trier. L'Automne des Quatre saisons.
  • 2019 : John Wick Parabellum de Chad Stahekski. L'Hiver des Quatre saisons.
  • 2019 : Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. L'Été des Quatre Saisons.
  • 2019 : Sybil de Justine Triet. L'Été des Quatre Saisons, adaptée par Richard Galliano.
  • 2021 : Vivaldi : Stabat Mater de Jakub Józef Orliński & Capella Cracoviensis. Film qui transforme le chef-d'œuvre baroque en une vision cinématographique saisissante.
  • 2021 : Illusions perdues de Xavier Giannoli. Concerto pour 2 violons et cordes RV 523.

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