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CHANSON

BIOGRAPHIE DE BARBARA, PORTRAIT DE LA LONGUE DAME BRUNE

Vêtue de noir et cloîtrée, la religieuse de la chanson française était surtout capable d'une écriture lumineuse, sensuelle, fluide. Mais Barbara se protégeait. Rien de ce qu'elle ne voulait pas qu'on sache ne parut jamais...


MÉMOIRES INTERROMPUS

Dès sa mort à l'Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, les rumeurs transforment le "choc toxico-infectieux", cause officielle du décès, en mystère. Noire et blanche, Barbara, disparue à l'âge de 67 ans après des années de santé fragile, de respiration bronchitique, était pourtant limpide. Barbara : « Quand j'ai écrit 'Nantes', on a dit : elle est triste ! Non ! Mais tout le monde a perdu un père et moi j'ai pas inventé la mort... On se dirige vers la mort en passant par une chose éblouissante et terrible aussi qui est la vie. C'est un mensonge quand on dit qu'on avance vers la vie, on passe (emphatique) par la vie. » (à François Deletraz dans "Opus", sur France Culture en 1993).

Peu importent les causes de la mort, Barbara est vivante puisque son public demeure et s'est même enrichi d'une jeunesse en culottes courtes quand elle finissait sa dernière tournée, épuisée, en 1994. La jeune génération de la chanson française en a fait une référence. L'occasion de la publication d'ouvrages souvent hagiographiques, où la suprême insolence consisterait à dévoiler l'identité de ses amours - le secret longtemps tu, l'inceste du père, révélé par elle-même dans un ouvrage posthume, Il était un piano noir... Mémoires interrompus (1998).

Barbara se protégeait. Rien de ce qu'elle ne voulait pas qu'on sache ne parut jamais. Par respect pour la "longue dame brune" selon Georges Moustaki qui l'aima, et sa pudeur, mais aussi parce que Barbara était une "femme piano" (titre de son ultime album en 1996) dont les chansons sont autant de miroirs tendus, aux amoureuses, aux adolescents, aux blessés.


BARBARA... SON AMANT LE DIPLOMATE

Monique Serf, née le 9 juin 1930, s'était rebaptisée du nom de la martyre chrétienne d'Héliopolis, jetée aux lions en 306. Barbara, du latin "barbare", "étranger". Étrangère aux lois communes, excessive, professionnelle, elle avait sapé dès 1954 les règles musicales en chantant d'une voix nue des classiques du répertoire français dans l'arrière-salle d'une friterie bruxelloise, puis Brassens ou Giani Esposito à L'Écluse, cabaret parisien de ses débuts. Partout, elle chantera. À Abidjan, en 1961, où elle rejoint son amant, le diplomate Hubert Ballay, pour qui elle écrira Dis, quand reviendras-tu ?, avant de le quitter.

À Paris, en 1993, au Théâtre du Châtelet, s'adressant à son public : « Seuls vous et moi connaissons les sentiments extraordinaires qui nous unissent. C'est formidable la route que vous m'avez tracée. Il est vrai qu'à 63 ans, vous m'avez laissée intacte, vous m'entendez, intacte. ». Au passage, Barbara, intimement engagée (les prisons, la lutte contre le sida...), ajoutait à son répertoire Lily, de Pierre Perret, "la plus belle chanson antiraciste".

Sur cette alchimie politico-fusionnelle, Göttingen, chanson obligatoire de tous les récitals et compilations, renseigne. En 1964, Barbara chante à L'Écluse. De jeunes admirateurs allemands l'invitent à Göttingen. Mais « l'Allemagne était comme une griffe », dira Barbara, femme juive, ayant passé une partie de son enfance à fuir l'occupant nazi et les camps de concentration - un sujet sur lequel elle est longtemps restée discrète. Aller en Allemagne lui cause des nausées.

Mais le pire, c'est qu'il y a une grève des déménageurs de piano à Göttingen, et qu'au lieu d'un demi-queue, il y a "un énorme piano droit, orné de deux chandeliers... Aucune possibilité de voir le public ni d'être vue." Impensable. Un groupe de jeunes étudiants ira récupérer le piano idoine chez une vieille dame. Alors, emballée, restituée au public, Barbara écrira Göttingen, chanson du pardon, comme le fut Nantes, destinée au père violeur.

Vêtue de noir et cloîtrée, la religieuse de la chanson française était surtout capable d'une écriture lumineuse, sensuelle, fluide. A peine, par exemple, sublime chanson d'amour composée en 1970, avec l'accordéoniste Rolland Romanelli, chanson qui figure sur l'album L'Aigle noir (l'inceste encore), paru en 1970. Elle est inscrite au formidable récital donné en 1974 au Théâtre des Variétés, réédité par Mercury-Universal, son label historique.

par Véronique (Cadence Info - 09/2014)

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