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SON & TECHNIQUE

DES DISQUES HISTORIQUES AU TOP DE LA TECHNIQUE

Nous sommes au milieu des années 60. Une révolution est en marche, celle des techniques d’enregistrement. Les moyens se multiplient et bouleversent la créativité artistique. Au fil du temps, le son va devenir un enjeu économique rompu aux techniques les plus avancées…


QUAND LA TECHNIQUE D’ENREGISTREMENT DEVIENT UN ART...

Au commencement, l’enregistrement était assimilé à une simple mémoire et son rapport avec la création était nul. Son but était de capturer la performance d’un artiste et de la restituer via le rouleau, puis plus tard à travers le disque. Personne n’imaginait encore que le son allait détenir un pouvoir ascensionnel sur la création. La technique d’enregistrement était sommaire. Elle consistait à placer simplement un microphone face à un musicien ou un grand orchestre. La monophonie allait de soi et personne n’imaginait autre chose.

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Rien n'allait changer jusqu'à l’arrivée de l’électrophone et de la stéréophonie dans les années 50. Synonyme de modernité, signe des temps, la société de consommation commence à prendre le pas et les premiers microsillons stéréophoniques voient le jour. Grâce à cette technique d’enregistrement, l’écoute de la musique prend de la hauteur. Désormais, elle vit en deux dimensions, avec des sons différents à droite et à gauche des oreilles, mais surtout elle procure une profondeur sonore qui fait rêver tous les mélomanes. Toutefois, encore à cette époque, la prise de son reste bien sage tout en se déroulant dans de vastes studios d’enregistrement aménagés et traités pour obtenir la meilleure acoustique possible.

© William P. Gottlieb (Gottlieb Collection) wikipedia - Frank Sinatra face au micro et à l'orchestre (1947)

Au début des années 60, les enregistrements se font encore en prise directe, dans des conditions live. Les disques de Brel, Aznavour, Ferrat, et de tous les artistes en vogue, sont enregistrés de cette façon. Chanteurs et musiciens cohabitent dans un même espace et doivent performer ensemble. Les magnétophones ne comprennent que deux pistes et limitent de fait tout autre initiative. Les ingénieurs du son doivent faire preuve d’imagination pour procurer à la fois de la présence et de la profondeur. Aujourd’hui encore, certains enregistrements restent d'ailleurs extraordinaires compte tenu des moyens de l’époque.


L'ARRIVÉE DES MAGNÉTOPHONES MULTIPISTES

L’idée de travailler avec un seul enregistreur, mais doté de quatre ou de huit pistes, faisait son chemin. C’était d’abord pour les studios et les artistes une question pratique et économique, comme la possibilité de séparer en plusieurs étapes la réalisation d’un enregistrement pour ne pas devoir tout recommencer à la moindre erreur.

Un quatre pistes voit le jour au milieu des années 60, mais on ne soupçonne pas encore ce que la multiplication des pistes va engendrer : la réalisation de re-recording en stéréo et surtout la possibilité de tracker ; des mots certes étranges, mais qui vont vite éveiller les sens de quelques artistes et techniciens. C’est le début du « règne sonore » et de son implantation dans l’histoire de la créativité artistique. De nouvelles façons de travailler en studio naissent et vont produire des révolutions à tous les niveaux. Aucun style de musique n’y échappera, même pas le classique, pourtant connu pour sa prudence à aller de l’avant. De là vont naître des disques qui traceront les sillons de l’histoire des techniques d’enregistrement. En voici quelques-uns…


QUELQUES DISQUES SÉLECTIONNÉS POUR LEUR QUALITÉ SONORE

1959 – Jacques Loussier : Play Bach

Commencer cette sélection avec Jacques Loussier ? On pouvait tomber plus mal quand l’époque vit au son du rock’n’roll. Amoureux intransigeant du répertoire de Bach, le pianiste Jacques Loussier devra beaucoup au compositeur allemand pour sa renommée. Le spécialiste de Bach version jazz a enregistré en trio (piano, basse, batterie) et en prise directe l’album Play Bach. À l’écoute, on relève une image stéréophonique ample et large, dessinant parfaitement l’emplacement des différents instruments. Malgré la jeunesse de la stéréo, la maîtrise technique est déjà là et fait merveille !

1961 – Les double six, l'album éponyme

Alors que les enregistrements se font avec un magnétophone deux pistes, on est toujours étonné par les performances sonores de l’époque. Ici, la présence et le relief des différentes voix du groupe 'Les Double Six' fait merveille. L’image stéréophonique, ample, large, n’a rien à envier à des productions plus récentes. Un travail d’orfèvre que de nombreux enregistrements réalisés à cette époque (comme ceux de Duke Ellington ou de Count Basie) ont su rapporter. Ce nouveau espace sonore bidimensionnel allié à une prise de son en re-recording a permis aux différentes voix des 'Double Six' de recréer les différents pupitres d’un big band de jazz. Un must à découvrir.

1966 - The Doors, l'album éponyme

Réalisé avec un 4 pistes et une console fabriquée maison, c’est une réverbération à plaque qui est utilisée pour la voix de Jim Morrisson. Loin d’être un détail, elle apporte une rondeur et surtout une superbe profondeur à son timbre de voix.

1967 – The Beatles : Sergeant Pepper's Lonely Heart Club Band

Ce Sgt. Pepper's est à l’avant-garde des techniques et des audaces d’alors. Une référence autant dans l’enregistrement, le mixage, qu'à travers ses chansons. Un tournant dans la carrière des Beatles qui n’ont pas hésité à tester et expérimenter des techniques révolutionnaires en compagnie de l’ingénieur du son Geoff Emerick et du producteur et arrangeur George Martin. À partir de ce disque, tout ou presque a basculé. Le matériau brut (la composition) ne devait plus arriver à son terme qu’après avoir subi de minutieuses et nombreuses transformations dans les studios d’enregistrement.

1972 – François de Roubaix : La scoumoune

Si François de Roubaix figure dans cette sélection, c’est qu’il a participé de façon indépendante et sans le savoir encore à l’éclosion du travail en home studio. Le compositeur autodidacte de musique de films a forgé sa carrière en étant un touche-à-tout, un expérimentateur de génie à qui la musique doit beaucoup. Mélodiste de talent, le thème musical de La scoumoune n’échappe pas à la règle. Enregistré avec un 8 pistes en un week-end, prenant bien soin d’exploiter chaque piste et prémixant au fur et à mesure les différentes parties pour libérer de l’espace, on découvre dans cette musique une richesse instrumentale quasiment atypique par son assemblage et ses effets. Le souffle analogique est peut-être perceptible, mais le grain est si unique qu’il est certainement difficile de le reproduire à l’identique de nos jours !

1973 – Pink Floyd : Dark Side of the Moon

Un des albums de référence des années 70. Le plus célèbre des Pink Floyd. Tous ceux qui l’ont découvert à l’époque seront scotchés par les idées, le son, les effets spéciaux et la production qui entourent l’album. Aux manettes un certain Alan Parsons, un ingénieur du son qui quelque temps plus tard fera carrière avec le ‘Alan Parsons Project’. L’expérience qu’il retirera de sa rencontre avec les Pink Floyd rejaillira dans sa production toujours soignée : Tales of Mystery and Imagination (1976), I Robot (1977), The Turn of a Friendly Card (1980). L’album Dark Side Of The Moon fera l’expérience d’une publication en quadriphonie réalisée par Alan Parsons (sur vinyle) et reprise en 2003 dans une version mixée en 5.1. L’album est si populaire qu’il a fait l’objet d’un documentaire en DVD (collection ‘Classic Albums’).

1973 – Yves Simon : Au pays des merveilles de Juliet

Acoustique à souhait, avec ses guitares sèches, mais aussi atypique par l’usage de phasing dans la voix lead et l’usage de chœurs aux couleurs androgynes, le premier album d’Yves Simon méritait de figurer dans cette liste. La chanson-titre, faisant référence à l’actrice Juliet Berto fut bien accueilli par la critique et le public. L’obtention du ‘Grand Prix de l'Académie du disque’ est peut-être dû à son assemblage sonore porté par des arrangements novateurs et des textes originaux et forts.

1975 – Gino Vannelli : Storm at Sinup

Gino Vannelli, ce sont les compositions, la voix, les arrangements, mais aussi la qualité sonore de ses disques. Au milieu des années 70, rare était l’ingénieur du son insensible à sa production. Avec Gino Vannelli, la chanson s’entoure d’une armée de sons provenant de divers claviers (orgue, synthétiseurs…) et d’une réverbération ample et profonde mettant en avant sa belle voix.

1976 – The Eagles : Hotel California

Dans les studios d'enregistrement, on cherche souvent à produire un son rond et « chaud ». L’album Hotel California des Eagles, produit par Billo Szymczyk et les différents ingénieurs du son qui se sont succédé à sa réalisation, ont réussi ce pari comme personne, au point que les gens du métier ont vénéré ses qualités sonores. Cela s’entend à travers les différents instruments qui déploient un son plein et riche.

1977 – Steely Dan : Aja

Donald Fagen et Walter Becker ont déjà une dizaine d’années de carrière derrière eux quand ils sortent l’album « Aja ». Appartenant tout comme l’album Dark Side Of The Moon des Pink Floyd à la collection de DVD ‘Classic Albums’, le groupe Steely Dan offre ici le meilleur de lui-même tout en accordant à l’enregistrement une valeur qualitative certaine grâce aux doigts de l’ingénieur Roger Nichols : grande exigence instrumentale et mixage multipiste détaillé et subtil.

1979 – Rickie Lee Jones, l'album éponyme

Chanteuse, musicienne et compositrice américaine, Rickie Lee Jones à souvent parcouru au cours de ses trente années de carrière de nombreux styles de musique : pop, soul, blues, électro. Dans son premier disque, elle a déjà mis en place les ingrédients qui vont construire ses premiers succès. Des chansons simples, acoustiques et sans traitement apparent. C’est lors d’une écoute au casque que se révèle toute la sophistication du travail conduite en studio. Russ Titelman et Lenny Waronker sont les orfèvres de cette réussite qui, du choix des sons à la mise en place en passant par des arrangements subtils, démontre une fois de plus que la qualité sonore appartient toujours à ceux qui maîtrisent parfaitement le sujet.

1979 – Frank Zappa : Joe's Garage

Peut-être pas le meilleur album de Frank Zappa, mais Joe’s Garage détient un grain de son assez différent du reste de sa production. Une référence à connaître. Zappa était attentif, comme tout grand musicien du 20e siècle, à l’évolution des techniques d’enregistrement.



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