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LA « MOTOWN », BERRY GORDY ET SON ÉCURIE D’ARTISTES LÉGENDAIRES

Tamla Motown est sans aucun doute la plus grande référence concernant la musique noire des années 60/70. Concurrent direct de « Stax » et digne successeur du label « Miracle », la « Motown » a imposé au public une musique soul sophistiquée riche d’un catalogue de jeunes artistes en devenir : Marvin Gaye, Stevie Wonder, Smokey Robinson, The Temptations ou encore les Jackson Five.


BERRY GORDY ET LA « MOTOWN »

© Kingkongphoto & www.celebrity-photos.com (John Mathew Smith - flickr.com) - Berry Gordy (1996)

« Ma musique peut faire danser n’importe qui, même un blanc ! », un objectif que le fondateur de la « Motown », Berry Gordy, a toujours poursuivi. Quand il crée la « Tamla Records », le jeune producteur ne se lance pas vraiment à l’aventure les yeux fermés. L’essor du R&B des années 50 et le succès rencontré par les deux labels de musique noire que sont « Vee Jay Records » à Chicago et « Peacock Records » à Houston, l’inciteront à passer à l’action.

Avec un son sophistiqué et des mélodies aux refrains entêtants, Berry Gordy entendait rivaliser avec les meilleures productions musicales des Blancs. La réussite de sa société, conçu comme une véritable « usine à tubes », ne devait visiblement rien au hasard. Outre une ambition démesurée, Berry Gordy avait du flair pour repérer la fine fleur artistique. Au cours des années 60, la maison de disques allait compter des dizaines et des dizaines d’artistes.

La plupart seront jeunes, voire très jeunes : 11 ans pour Little Stevie Wonder en 1961 et 7 ans pour Michael Jackson en 1965. Pour autant, les autres ne seront guère plus âgés, à l’image des Supremes, 18 ans ou des Marvelettes, 19 ans en moyenne. Outre les artistes précités, le label comprendra bien d’autres noms : The Four Tops, The Commodores, The Miracles, The Pointer Sisters, Edwin Starr, Undisputed Truth, Martha Reeves and the Vandellas, Diana Ross (ex Supremes), Boyz II Men et même quelques rares artistes blancs dont Bobby Darin et les groupes Road et Rare Earth.

Installée dans la ville de Detroit (Michigan), le catalogue comptera non seulement des interprètes prometteurs, mais aussi de nombreux compositeurs très doués et voués à la bonne cause : Smokey Robinson, Brian Holland, Lamont Dozier et Eddie Holland, Valerie Simpson, Norman Whitfield… Baptisé à ses débuts « Tamla Records Corporation », la maison de disques deviendra en 1960 la « Motown » pour être raccord avec le surnom donné à la capitale de l'automobile Détroit (« Motor Town »)

L’aventure démarre en janvier 1959 avec l’enregistrement du single Come To Me interprété par Marv Johnson. À cette époque, Berry Gordy est auteur-compositeur à ses heures. L’ancien boxeur et ouvrier de chez Ford signe alors quelques titres, la plupart en collaboration avec d’autres auteurs : Money (That's What I Want) pour Barrett Strong, All I Could Do Was Cry pour Etta James, Shop Around pour Smokey Robinson (qui n’est autre que le chanteur des Miracles et vice-président de la « Motown »).


THE TEMPTATIONS : REACH OUT I'LL BE THERE (1967)

Pris dans l’engrenage de la réussite, Berry Gordy impose rapidement son autorité et son intransigeance à tout l’entourage. Que ce soit en terme d’image comme d’esthétique, une remarquable cohérence va naître de cette toute-puissance. Les artistes qui signeront chez Motown seront contraints d’épouser la vision artistique du label.

S’il souhaite que ses poulains soient habillés impeccablement, Berry Gordy délimite aussi un style musical et orchestral à la fois prenant et quasi symphonique : le « Motown sound », une musique fondée sur un mélange d’influences d’où ressortent des harmonies traditionnelles noires et des chants inspirés du gospel, le tout sur le tempo entraînant du rhythm and blues. La rythmique est simple et efficace, tandis que la présence d’un ensemble à cordes est quasi obligatoire. Le façonnage du son « Motown » peut commencer.

Dans les studios, l’enregistrement de la plupart des séances s’organise autour d’une solide équipe de musiciens. Permis eux The Funk Brothers qui comprend en fonction du contexte et de l’époque divers intervenants : les claviéristes Joe Hunter et Earl Van Dyke, les guitaristes Eddy Willis, Joe Massina, Robert White et Melvin Ragin dit "Wah-Wah Watson" (initiateur du jeu à la pédale wah-wah qui se répandra dans les productions de la Motown), le bassiste James Jamerson, les batteurs Richard Pistol Allen, William Benny Benjamin, Uriel Jones et les percussionnistes Jack Ashford et Eddie "Bongo" Brown. Citons également les violons des productions Dozier et Holland, et de Norman Whitfield (le mentor des Temptations). De toutes ces rencontres naîtra tout un catalogue de chansons dynamiques et sensuelles produites à la chaîne.


LE DÉCLIN ANNONCÉ DE LA « MOTOWN »

À la fin des années 60, à cause d’un son passé de mode, mais aussi de quelques grands noms désireux de voir leur carrière prendre quelques libertés, notamment Stevie Wonder (Music of My Mind – 1972) et Marvin Gaye (What’s Going One – 1971), la « Motown » commence à assouplir ses règles de production permettant à certains de ses artistes de longue date d'écrire et de produire en leur propre nom.

En 1972, la « Motown » déménage à Los Angeles. En se délocalisant, le label cherchait principalement à s’implanter dans l’industrie du cinéma. « Motown Productions » débutait dans le 7e art en produisant deux films à succès pour Diana Ross : le film biographique de Billie Holiday , Lady Sings the Blues (1972), et Mahogany (1975). À leur suite, d’autres films verront le jour : Scott Joplin (1977), Thank God It's Friday (1978), The Wiz (1978) et The Last Dragon (1985). Ewart Abner, qui était jusqu’alors associé à « Motown » depuis les années 1960, en devient le président en 1973.

Si le son évolue et si des artistes ambitionnent des carrières indépendantes faute d’accords satisfaisants (1), les années 70 seront l’occasion pour la « Motown » de lancer de nouveaux artistes : The Jackson Five, The Commodores, Lionel Ritchie, Rick James, Teena Marie, Jose Feliciano… Cependant, au milieu des années 80, la « Motown » commence à perdre de l'argent. Berry Gordy se réfugie à Beverly Hills et vend sa propriété « Motown » à MCA Records en 1983 qui sera à son tour revendu en juin 1988 à Boston Ventures pour 61 millions de dollars. En 1989, Gordy cède également ses activités de cinéma et de télévision (« Motown Productions ») à la directrice alors en charge de la « Motown », Suzanne de Passe, qui renommera par la suite la société « de Passe Entertainment ».

En 1991, tandis que la « Motown » continue d’accueillir des artistes tels que Boyz II Men et Johnny Gill, le destin de la compagnie vacille et remet en question sa distribution par MCA suite à un procès. Polygram se charge alors de la distribution des produits. En décembre 1998, PolyGram est acquis par Seagram et « Motown » absorbé par « Universal Music Group ». Même si de nouveaux artistes incorporent le label (Brian McKnight, Erykah Badu…), Universal a brièvement envisagé de le fermer avant de songer à le restructurer. Kedar Massenburg, alors producteur d'Erykah Badu, prend la tête de l’entreprise et supervise les enregistrements de ses autres protégés : McKnight, Michael McDonald, India Arie.


MARVIN GAYE & TAMMI TERRELL : AIN'T NO MOUNTAIN HIGH ENOUGH (1967)

Diana Ross, Smokey Robinson, Stevie Wonder et The Temptations sont restés au sein du label depuis ses débuts, bien que tous - à l'exception de Wonder - aient enregistré pour d'autres labels pendant plusieurs années. C’est ainsi que Diana Ross a quitté Motown pour RCA Records de 1981 à 1988, pour revenir en 1989, et ce, jusqu'en 2002. Smokey Robinson, qui avait abandonné Motown en 1991, retournera dans leur studio en 1999 pour l’enregistrement d’un seul album. The Temptations partiront chez Atlantic Records en 1977 pour revenir de 1980 à 2004. Seul Stevie Wonder est à ce jour le seul artiste rescapé de la première période de la « Motown ».

1 – Un grand nombre d’artistes de la « Motown » se voyait proposer des contrats financiers peu avantageux avec des contraintes strictes d'exclusivité, ce qui a obligé des groupes comme The Supremes ou les Jackson 5 - restés la propriété de la « Motown » après leur départ – de se trouver un nouveau nom de scène. De même, certains compositeurs quitteront le label suite à des litiges financier, comme le trio Holland Dozier Holland en 1967.

Par D. Lugert (Cadence Info - 04/2019)


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