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MUSIQUE DE FILMS

LE FILM WEST SIDE STORY, SA MUSIQUE, SES CHANSONS ET SON HISTOIRE

Sur une musique de Leonard Bersntein et des textes de Stephen Sondheim, West Side Story est, dans l’histoire des comédies musicales américaines, l’une des plus célèbres. Quatre après ses premières représentations sur les planches du ‘Winter Garden Theatre’ de Broadway, West Side Story trouve en 1961 une nouvelle vie au cinéma…


LE SYNOPSIS

L’action se déroule en deux actes. Deux bandes de jeunes, les Jets et les Sharks, se font la guerre dans un quartier pauvre de New York pour le contrôle de leur rue. Sur fond de haines raciales se noue alors une histoire d’amour entre Tony et Maria qui appartiennent chacun à un clan. Durant une fête, les deux bandes rivales se provoquent et un duel à l’arme blanche a lieu. La situation dégénère... À la demande de Maria, Tony intervient et tue le chef de la bande rivale Bernardo pour avoir assassiné son ami Riff.

Malgré son geste, Maria qui espère épouser Tony le pardonne… mais la police enquête. Souhaitant venger Bernardo, son ami Chino recherche Tony pour le tuer. Tout se complique. Malmenée par les garçons des Jets, Anita, l’amie de Maria et fiancée de Bernardo, se venge en faisant croire à la mort de Maria. Une nouvelle bagarre a lieu et Tony perd la vie, tué par Chino. Anéantis par autant de drames, les deux bandes rivales finissent par se réconcilier.

LES PRINCIPAUX PERSONNAGES

© CBS - La pochette de la BO de 'West Side Story'

Chez les Sharks :

  • Maria : la sœur de Bernardo amoureuse de Tony
  • Bernardo : le chef de la bande des Sharks
  • Chino : le grand ami de Bernardo et le fiancé officiel de Maria
  • Anita : l’amie de Maria et fiancée de Bernardo
  • Consuelo, Luis, Pepe et Toro : des membres des Sharks

Chez les Jets :

  • Tony : l’amoureux de Maria
  • Riff : le chef de la bande des Jets
  • Action, A-Rab, Baby John et Diesel : des membres des Jets

'WEST SIDE STORY', UN ROMÉO ET JULIETTE DES TEMPS MODERNES

La comédie musicale West Side Story n’est autre qu’une énième version de l’histoire de Roméo et Juliette de William Shakespeare. Portée par le chorégraphe Jerome Robbins, l'idée du récit doit se dérouler dans une époque contemporaine, celle des années 50, avec pour toile de fond l’affrontement entre deux bandes rivales, portoricaine et américaine. Le librettiste Arthur Laurents a alors la charge d’adapter ce 'Roméo et Juliette des temps modernes' en remaniant l’histoire. À grands 'coups de ciseaux', Laurents taille dans le drame imaginé par Shakespeare, transforme les personnages et même en supprime (Rosaline, la fiancée de Roméo ainsi que les parents respectifs des deux amants). Toutefois, les grandes scènes propres à l’histoire de Roméo et Juliette sont conservées : la présentation des clans, le bal, la scène du balcon...

Prenant à témoin l’actualité de l’époque, West Side Story place en son cœur la question de l’immigration portoricaine et les rixes entre gangs. Dans cette adaptation, les familles ennemies de Shakespeare sont ici remplacées par des gangs rivaux. D’un côté, nous avons les Jets, le gang américain qui remplace les Montagus. De l’autre, les Sharks, le gang portoricain qui se substitue aux Capulets. De là va naître une histoire d’amour tragique entre Maria, la sœur du chef des Sharks et Tony, l’ex-chef des Jets.

La grande différence par rapport à la version de Shakespeare se situe dans l’issue de l’histoire. Contrairement à Juliette qui se suicide auprès de son Roméo, le film trouve son dénouement dramatique à travers un monologue dans lequel Maria, pistolet au poing, finit par s’écrouler en pleurs, dévastée par une succession de drames, la mort de son frère Bernardo puis celle de son amant Tony. Dans ses mémoires, Arthur Laurents finira par confier que Maria était suffisamment forte de caractère pour ne pas mettre fin à ses jours.


WEST SIDE STORY : AMERICA

RÉALISATION DU FILM ET DÉSACCORDS

Contrairement à la version produite au ‘Winter Garden Theatre’ de Broadway, celle du cinéma vivra quelques bouleversements avant d’obtenir des accords satisfaisants pour voir le jour.

Un moment espéré dans le rôle de Tony, la grande vedette de rock’n’roll Elvis Presley décline la proposition offerte par le réalisateur Robert Wise. De son côté, la comédienne Audrey Hepburn, une des grandes figures de la comédie musicale depuis son apparition dans My Fair Lady, se voit offrir le rôle de Maria, mais finit par dire non à la proposition à cause de sa maternité. Finalement, les rôles principaux reviendront à Nathalie Wood (une jeune comédienne déjà aguerrie à l’objectif de la caméra depuis son enfance) et à Richard Beymer (un habitué des figurations, mais qui tient ici son premier grand rôle à l’écran).

Autour du couple, quelques figures plus ou moins célèbres sont à leur côté, notamment Rita Moreno (Anita, l’amie de Maria), Russ Tamblyn (Riff, le chef de la bande des Jets) et George Chakiris (Bernado, le chef de la bande des Sharks)

À l’origine, le tournage du film est prévu pour être coréalisé dans une parfaite entente. Les différentes tâches doivent se répartir entre le metteur en scène Robert Wise et le chorégraphe Jerome Robbins - ce dernier s’occupant des scènes de ballet. Mais les deux hommes sont des êtres exigeants. Robbins, le premier, a le sens de la minutie, attentif à ce qu’aucun détail fâcheux ne vienne corrompre le rythme que ses idées imposent. Même s’il mise sur l’émotion, Robbins est sourcilleux jusqu’au-boutisme au point que son acharnement provoquera des blessures chez les danseurs épuisés par autant d’efforts.

Malgré cette préparation épuisante de trois mois avec toute la troupe, Wise, une fois derrière la caméra, se met également à reconsidérer tous les préparatifs et même les chorégraphies. Certaines scènes seront ainsi tournées des dizaines de fois avant de satisfaire l’ego du réalisateur, forçant le chorégraphe Jerome Robbins à jouer les seconds rôles, ne filmant que quelques ballets (Prologue, Cool, America et I Feel Pretty)

La société productrice du film 'Mirisch Pictures', voyant le budget fondre comme neige au soleil, choisit d’écourter la réalisation en virant Robbins sans autre explication. Dès lors, Robert Wise en maître des lieux – bien que toujours attentif aux conseils apportés par Robbins - bouclera les 40 % de tournage restant. Robert Wise, en perfectionniste qu’il était, prendra toutefois quelques heureuses initiatives dont celle d’un plan séquence du plus bel effet montrant la ville de New York et ses buildings filmés à la verticale.


WEST SIDE STORY : I FEEL PRETTY

LA MUSIQUE ET LES CHANSONS DE ‘WEST SIDE STORY’

Bien que le film s'ouvre sur dix minutes de musique et de danse, une bonne comédie musicale n’a de crédit que quand la présence de ses chansons possèdent une force de caractère et une personnalité capable de transcender le récit. Le duo formé par le compositeur Leonard Bernstein et l’auteur Stephen Sondheim est arrivé à magnifier cette tragédie romantique à travers une musique à la fois poignante et grandiose, et des textes précieux et finement ciselés.

Si le film date de 1961, la grande partie de la musique a été composée au début des années cinquante, à une époque où le rock fait encore pâle figure, mais où mambo et cha-cha-cha ont le vent en poupe. Leonard Bernstein n’ignore aucun détail et mêle à la musique portoricaine quelques touches de jazz à grand renfort d’orchestre symphonique.

© Al Ravenna, World Telegram staff photographer - Leonard Bernstein au piano (1955)

Tonight, America et Maria sont les trois grandes chansons qui s’échappent du film. Pour Leonard Bernstein, la version cinématographique n’est que la suite logique du retentissant succès apparu quatre ans auparavant sur les planches de Boadway. Toutefois, comme l’histoire se situe dans les années 50, à une époque où les États-Unis vivent au rythme de la censure et des procès d’intention, chaque chanson se voit examinée à la loupe. C’est ainsi que Gee, Officer Krupke aura son dernier vers interdit par 'Colombia Records' qui détenait les droits de la BO ("Gee, Officer Krupke - Krup you !"). La chanson America subira aussi quelques coupes pour répondre à la demande de la communauté portoricaine heurtée par des paroles peu flatteuses à son égard. Dès lors, la version 'Cinémascope' proposera une version mettant l’accent sur le racisme et la discrimination, véritable fléau incendiaire des années 60 et qui devaient se révéler à grande échelle quelques années plus tard à travers tout le pays.

Ensuite, comme au cinéma rien n’étant laissé au hasard, le moindre détail impose que certains passages soient ajustés pour donner sens à la nouvelle histoire. Dès lors, les scènes chantées sont revues et leur ordre modifié en conséquence. La chanson Gee, Officer Krupke, présente dans le deuxième acte de la version Boadway, se voit ainsi déplacée au premier acte dans la version cinématographique et interprétée par les Jets et leur chef de bande Riff avant leur désaccord avec les Sharks.


WEST SIDE STORY : MARIA

Dans West Side Story les danses traduisent le sentiment des personnages et les scènes chantées doivent 'sonner' justes. Pour atteindre cet objectif, la grande majorité des acteurs seront doublés par des « voix fantômes » : Nathalie Wood par Marni Nixon, Richard Beymer par Jimmy Bryant et Rita Moreno par Betty Wand.


'WEST SIDE STORY', UN SUCCÈS MÉRITÉ

L’œuvre, en plongeant dans l’actualité brûlante des années cinquante, offre au public un argument suffisamment solide, sérieux pour que West Side Story ne soit pas une comédie musicale comme les autres. Le public sera sensible à ce drame shakespearien chanté et, lors de sa sortie en salle, le film connaîtra un succès phénoménal, même en France où il restera à l’affiche durant 249 semaines ! (ce record ne sera dépassé que par le film érotique Emmanuelle treize ans plus tard). Un autre succès, celui-ci discographique, permettra à la musique de Leonard Bernstein de rester en tête du Billboard 1962 durant plusieurs semaines ; un fait plutôt rarissime dans le domaine de la comédie musicale.

West Side Story raflera dix oscars, battant ainsi le record du plus grand nombre d’oscars pour une comédie musicale, détrônant au passage les neuf oscars obtenus par Gigi en 1958. West Side Story est également le premier film à se voir accordé un oscar à deux réalisateurs, une distinction réitérée seulement en 2007 pour le film No Country for Old Man des frères Cohen.


West Side Story
de Robert Wise et Jerome Robbins
année : 1961
avec Natalie Wood, Richard Beymer, Russ Tamblyn, Rita Moreno et George Chakiris
musique : Leonard Bernstein
lyrics : Stephen Sondheim
livret : Arthur Laurents
conception et chorégraphie : Jerome Robbins
supervision musicale : Saul Chaplin, Johnny Green, Irwin Kostal et Sid Ramin
orchestrations : Irwin Kostal et Sid Ramin
musique conduite par Johnny Green

Par Elian Jougla (Cadence Info - 05/2019)

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