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SON & TECHNIQUE

PRODUIRE DE LA MUSIQUE SOUS L’EAU, UN VÉRITABLE DÉFI

Réservée surtout à un public curieux d’expériences insolites, la musique subaquatique ne pouvait que provoquer curiosité et interrogation. Si jouer à l’air libre impose peu de restrictions, ce n’est pas le cas dès que l’on cherche à faire la même chose sous l’eau…


LA DIFFICULTÉ DE PRODUIRE DES SONS SOUS L’EAU

Les « instruments classiques », piano, violon, accordéon, clarinette... n’ayant jamais été conçus pour aimer l’humidité, alors les plonger dans de l’eau, imaginez un peu ! En cause, les matériaux utilisés. Surtout le bois qui est employé pour amplifier les vibrations des cordes. Or l’eau, par sa masse, réduit les vibrations. On imagine dès lors qu'un matériau comme le cuivre conviendrait davantage… mais immergé dans l'eau, les instruments à vent n’émettent que des bulles ou des fausses notes ! Reste les percussions, dont le résultat sonore détone à cause de la vitesse de propagation des ondes sonores qui sont plus rapides sous l’eau.

Ainsi, au regard de ces différentes difficultés, le seul moyen de créer une musique subaquatique serait de concevoir des instruments en mesure de contrer les paramètres naturels de l’eau (très difficile) ou à défaut d’en prendre le contrôle (plus facile). Dans ce sens, l’hydraulophone conçu par le professeur en sciences appliquées, le Canadien Steve Mann, est révélateur.

Steve Mann tente de démontrer que l’eau n’est pas forcément un ennemi, mais plutôt un allié. L’hydraulophone n’est pas placé dans de l’eau, mais par contre, il utilise sa puissance. Son principe de fonctionnement est à rapprocher du souffle qui permet de jouer d’un instrument à vent, sauf qu’ici, le débit constant de l’eau permet de tenir la note aussi longtemps que souhaité, comme avec un orgue. La pression continue de l’eau circulant à l’intérieur du corps sort par tous les orifices et c’est leur obstruction par les doigts qui permet au musicien de jouer différentes notes.


STEVE MANN LE CONCEPTEUR DE L’HYDRAULOPHONE PRÉSENTE SON INSTRUMENT

Contrairement à Steve Mann qui utilise l’eau comme un puissant générateur sonore naturel, le groupe danois Between Music a retroussé ses manches, si l’on peut dire, pour concevoir et adapter de la musique aux impératifs du milieu aquatique. Après dix ans d’effort et de concertation, les cinq membres du groupe sont parvenus à contourner les différents obstacles en créant des structures et des instruments adaptés à ce genre de situation.

Immergés dans des aquariums, leur spectacle baptisé 'Aquasonic' permet d’entendre une musique subaquatique crédible. Pour jouer dans des conditions aussi difficiles, notamment avec les percussions, ils ont dû tenir compte de la résistance naturelle produite par l’eau et agir en conséquence en effectuant préalablement des séances de musculation.

Le « trailer » présenté dans leur vidéo permet d’entendre un armonica de verre (le ratacorda, des gongs, des bols tibétains, du chant et même un violon !


BETWEEN MUSIC : AQUASONIC (trailer)
Les interprètes : Laila Skovmand (compositeur), Robert Karlsson, Morten Poulsen, Dea Marie Kjeldsen, Nanna Bech.

© Aarhus - Capture écran 'Youtube' - Les différents membres de Between Music durant leur spectacle 'Aquasonic' en 2017 (en haut et à gauche, le Ratacorda)

LES EFFETS SONORES INDUITS

Par le passé, les expériences sonores réalisées sous l’eau confirmaient que le liquide conduisait le son bien plus vite que l’air (quatre fois plus vite). Or, cette rapidité à diffuser des sons sous l’eau n’est pas sans répercussion pour le musicien qui tente l’expérience. « Le musicien a l’impression que la musique arrive de toutes les directions, voire, à cause de la conduction osseuse, qu’elle émane de leur propre corps », raconte Michel Redolfi, compositeur spécialisé dans la musique subaquatique.

L’autre difficulté est de contrôler le son de la note, sa justesse, car ce qui sonne beau et clair à l’air libre peut devenir assez incontrôlable dans l’eau. Question de vibration et d’amplitude. Par exemple, la tenue prolongée d’une note au violon s’entendra bien mieux qu’une corde jouée pizzicato. La hauteur des notes a aussi son influence ; les graves étant moins déformés que les aigus. Le groupe Between Music a surtout compris qu’il valait mieux produire des notes à l’amplitude constante plutôt que de s’attaquer à des notes brèves, aussi puissantes soient-elles, d’où l’utilisation d’un archet pour le violon et d’une roue pour l’armonica de verre de leur invention, doté de cordes et d’un pavillon amplificateur, le Ratacorda.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 08/2021)


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