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MUSIQUE DE FILMS


JAMES DOOLEY INTERVIEW
LA MUSIQUE DU FILM D'HORREUR
'WHEN A STRANGER CALLS'

En l'espace de quelques années, le compositeur James Michael Dooley est devenu l'un des noms les plus en vue de l'écurie Hans Zimmer. On a pu l'apercevoir au générique de films sur lesquels son patron assurait la musique, d'abord noyé parmi une foule d'assistants, puis très rapidement mentionné sous la casquette de compositeur de musique additionnelle. Après le traditionnel galop d'essai sur des productions destinées à la télévision, James Dooley est revenu en solo sur grand écran. Le premier film d'importance de sa filmographie naissante fut When a stranger calls, réalisé en 2006 et remake d'un célèbre film d'horreur des années 70, et qu'il aborde lors de l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder.


JAMES DOOLEY SUR LA LIGNE

Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours avant votre arrivée dans la musique de film ?

James Dooley : je suis né à New York. J'ai toujours vécu dans le quartier des Queens, tout en allant à la New York University pour mes études et l'apprentissage de la composition classique. Après cela, je me suis rendu en Californie pour continuer mes études et mon travail de diplôme, et trouver du travail en tant que musicien pour le cinéma. J'ai eu comme professeurs des personnalités telles que Elmer Bernstein, David Raksin et Leonard Rosenman, entre autres. Puis très vite, j'ai trouvé du travail en tant qu'assistant d'Hans Zimmer. J'ai commencé sur le film Gladiator, et notre collaboration a duré le temps de films comme Hannibal, Pearl Harbor, cela jusqu'au film Riding in cars with boys. J'ai ensuite arrêté d'être son assistant, car je souhaitais me mettre à composer à plein temps dans ses studios. J'ai débuté sur le film Time Machine, puis j'ai écrit de la musique pour Black Hawk Down. Pendant un certain temps, j'ai composé de la musique additionnelle, ici et là. J'ai également décroché quelques projets en solo, notamment des épisodes de séries TV produites par Jerry Bruckheimer, comme Skin, des documentaires pour les chaînes HBO et National Geographic, et quelques documentaires indépendants.

À quoi ressemble le poste d'assistant d'Hans Zimmer ?

James Dooley : c'est un métier très difficile. Je ne le recommanderais à personne. On fait plus d'une centaine d'heures par semaine, particulièrement intenses, car nous devions travailler sur plusieurs choses à la fois.

Comment avez-vous été choisi pour la musique de When a stranger calls ?

James Dooley : il n'y a pas plus belle histoire pour un compositeur. J'ai reçu un appel de mon agent qui m'informait que la société de production 'Screen Gems' cherchait quelqu'un pour When a stanger calls. Je leur ai envoyé une compilation de musiques extraites de films sur lesquels j'avais récemment travaillé, Amityville Horror, The ring, des compositions essentiellement ciblées sur l'horreur ou le suspense. Le réalisateur et les producteurs ont écouté ce disque et se sont dit : " C'est notre homme, appelons-le ! " J'ai passé un entretien, et ils m'ont très vite confirmé que je faisais le film. C'est ma musique qui m'a permis de décrocher ce travail, non pas mes relations dans le milieu. Cela me fait spécialement plaisir de pouvoir le dire.

Quelle a donc été votre approche ?

James Dooley : je me suis demandé comment faire de la musique pour l'horreur sans que cela ressemble à tout ce qui a déjà été créé pour le genre. Je crois qu'il est aisé de céder à la tentation et de se dire : " Un peu de cordes glaciales par-ci, un peu de bidouillage dissonant par-là… " Que faire pour que cela paraisse unique ? Je me suis rendu à Prague et nous y avons réuni des orchestres de tailles variables, pour deux sessions de quatre heures chacune. L'idée était de produire du matériel apte au sampling, des performances d'effets proches de la musique aléatoire ou de compositeurs comme György Ligeti ou Penderecki, que je pouvais utiliser avant d'écrire mes thèmes. J'ai élaboré tout cela avec mon orchestrateur, d'une part pour avoir des couleurs avec lesquelles travailler, d'autre part pour donner une idée claire des sonorités musicales à la production. Mon intention était d'éviter le recours aux samples traditionnels de films d'horreur. Je souhaitais en produire spécifiquement pour ce film. En fait, après l'avoir vu une première fois, je me suis rendu compte que la photographie du film était majoritairement fondée sur les conflits tranchés de couleurs. J'ai essayé de reproduire cette notion à ma manière, dans la musique.

Cela étant, je ne pouvais pas me permettre de faire une musique ignorante des effets 'classiques' d'un film comme celui-ci. Je pense qu'elle se démarque d'autres partitions similaires en ce qu'elle paraît surnaturelle par endroits. Il arrive qu'une douzaine, voire deux douzaines de drones orchestraux se superposent subtilement. Nous les avons enregistrés avec différents tempos, ce qui donne une écriture plutôt abstraite, orientée objet, en lieu et place d'une écriture linéaire, classique, avec les musiciens jouant simultanément. Après notre voyage à Prague, nous nous sommes rendus à Seattle pour y enregistrer les autres morceaux, toutes les mélodies, les ponts. Au final, nous avons travaillé avec un orchestre de 85 personnes à Seattle, et 50 personnes à Prague. Je pense que nous sommes parvenus à lui donner une couleur personnalisée. C'est quelque chose que nous n'aurions pas pu obtenir avec un seul orchestre. C'était parfaitement impossible.

Il est vrai qu'en entendant votre partition, on remarque très vite les deux forces orchestrales en présence, chacune se frottant à l'autre…

James Dooley : je me suis inspiré des compositeurs polonais, et plus spécialement de Penderecki et Ligeti, qui ont chacun produit des œuvres avec leurs propres tempi et leurs propres couleurs. Concrétement, il n'est pas évident de décrire cela à un producteur exécutif, du moins je le pense. Je leur dis généralement : " laissez-moi faire le nécessaire pour arriver à ce résultat-là. " Ils peuvent alors immédiatement juger si ces sonorités correspondent ou non à leur film.

Il se trouve que vous pouvez plus facilement introduire ce type de musique dans les films d'horreur…

James Dooley : oui, absolument. Les films qui peuvent contenir une musique de ce genre ne sont pas légion. Il existe des exceptions notables, comme 2001, Odyssée de l'espace. De plus, il faut vraiment travailler pour arriver à un bon résultat. D'une certaine façon, il m'a fallu assembler beaucoup de briques pour parvenir à échafauder cette musique avec un minimum de contrôle.


HUNTING JILL (WHEN A STRANGER CALLS) - JAMES DOOLEY

Comment s'est déroulée votre relation de travail avec le réalisateur Simon West ?

James Dooley : j'ai eu une excellente expérience avec Simon. Au départ, beaucoup de personnes allaient de leurs commentaires sur la musique. Par la suite, je me suis retrouvé seul avec Simon ainsi qu'avec le monteur du film, qui s'occupait également de la musique temporaire. J'ai travaillé étroitement avec eux sur l'atmosphère générale. Ils sont venus voir tous les jours l'avancée de mon travail, écouter les morceaux et y revenir pour être certains que cela correspondait à leur vision. Nous avons tout fait pour qu'à la fin, le film regorge de détails et paraisse avoir coûté beaucoup d'argent ! (rires) Je trouve qu'ils ont fait un travail de montage exceptionnel. Ils ont travaillé comme des fous, surtout lorsqu'il s'est agit d'ajouter une scène supplémentaire en plein milieu du montage. Simon s'en allait tourner des plans et revenait les monter la nuit, sans réclamer de rallonge de salaire. C'est un réalisateur talentueux et très investi.

Vous n'avez pas usé du cliché de la vocalise soliste pour l'héroïne…

James Dooley : non, absolument pas ! (rires) J'ai préféré employer une espèce de son de piano ouvert. Les pianos que j'utilise vont à l'encontre de la texture globale de la musique. Je pense que l'on obtient ainsi une impression de malaise et de tension que l'on ne peut décrire. Ce qui est réjouissant, avec des films comme celui-ci, et les films d'horreur en général, c'est qu'ils sollicitent toute notre créativité. On peut vraiment se laisser aller à certains effets, ce que ne permettent pas d'autres films.

Sur quoi travailliez-vous juste avant When a stranger calls et quels ont été les projets suivants ?

James Dooley : eh bien, je crois que j'ai touché un peu à tous les genres par le passé et que j'ai travaillé avec tous les plus grands orchestres non syndiqués du monde. J'ai fait un jeu vidéo pour Sony, Socom 3 : U.S. Navy Seals, puis j'ai enchaîné avec Wallace & Gromit pour DreamWorks. J'ai travaillé sur Madgascar, et sur un autre film d'animation, allemand cette fois : Utmel aus dem eis. Ma musique était très mélodieuse sur ce film pour enfants, à mille lieux de When a stranger calls.

Après When a stranger calls J'ai travaillé sur un court métrage d'animation pour DreamWorks. Ensuite, il y a eu la musique de Bone Dry pour Brett Hart, une musique très sombre, en accord avec son intrigue très spéciale.

par P. Knoerr

(Cadence Info - 2013)

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