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MUSIQUE & SOCIÉTÉ


LE FESTIVAL DE PIANO DE LA ROQUE-D'ANTHÉRON ET SON HISTOIRE


Depuis plus de trente années, ce petit village de quelques 5 000 habitants offre aux amateurs le plus beau festival de piano du monde... Beau, pas cher et pas snob, l'anti-Salzbourg du Luberon n'a jamais déçu. Comment ce miracle a-t-il été rendu possible ? Par la volonté, l'enthousiasme, l'exigence et le professionnalisme.


LA MECQUE PROVENÇALE DU PIANO

Au mois d'août, plus de 60 000 dévots font chaque année le pèlerinage de La Roque pour se retrouver dans la clairière du parc de Florans, au milieu d'une forêt de 365 platanes ancestraux dont les frondaisons ont bruissé des accords plaqués par les plus grands pianistes : Sviatoslav Richter, Radu Lupu, Maria Joao Pires, Martha Argerich, Jorge Bolet, Murray Perahia, Claudio Arrau... Il y eut des moments magiques que les habitués n'oublieront jamais, tels qu'un concert donné à sept pianos par Pierre Sancan et ses élèves ; les nuits consacrées à l'intégrale des 32 sonates de Beethoven ; la création d'Un vague extrêmement précis de Carlos d'Alessio, où l'on entendit un texte de Marguerite Duras dit par Delphine Seyrig et Sami Frey ; ou encore cette fugue hallucinante de la sonate opus 106 de Beethoven offerte par Jean-Claude Pennetier, un soir de 1992.


UN PIANO À L'OMBRE DES PLATANES

À la fin des années 70, le maire de La Roque, Paul Onoratini, mélomane propriétaire d'un établissement médical, cherche à créer un festival pour faire connaître son village : il dispose d'un lieu, cette immense clairière trouée d'un grand plan d'eau. Un jeune conseiller technique du ministère de la Culture, gestionnaire de formation et fou de musique, lui apporte l'idée : au milieu de l'eau, propose René Martin, on posera un piano sur lequel viendront jouer les plus grands artistes du monde. Au début, naturellement, on les prend pour des fous et les loueurs de pianos de Marseille les regardent de haut. Mais, aujourd'hui, les plus prestigieux pianistes sont sûrs de trouver à La Roque les meilleurs Yamaha, Steinway ou Bosendorfer.

Ce succès rapide n'a pas tourné la tête des deux fondateurs. Le festival n'a jamais perdu d'argent et au fil des années il a investi dans de nouvelles transformations :

  • 1982 : création d'une conque acoustique.
  • 1983 : aménagement de studios de répétition.
  • 1984 : aménagement de 1400 places en gradins.
  • 1987 : construction d'une 2ème conque acoustique permettant d'accueillir des orchestres philharmoniques.
  • 1990 : surélévation de la conque acoustique pour les instruments à vent.
  • 1999 : achat de nouveaux gradins (1850 places)
  • 2002 : agrandissement des gradins (2300 places)
  • 2007 : réalisation d'une nouvelle conque acoustique (28 m de large x 14 m de haut)
  • 2010 : investissement dans de nouveaux gradins plus spacieux et confortables (2020 places)

Le prix des places est toujours aussi modique (de 20 à 50 €), et l'atmosphère de convivialité qui a prévalu à sa création a été préservée, malgré l'expansion du festival. C'est pour cette qualité d'environnement - acoustique impeccable, cadre enchanteur, accueil chaleureux, perfection de l'accompagnement artistique, public connaisseur et détendu - que les plus grands artistes acceptent à La Roque des cachets inférieurs (parfois du simple au double) à ce qu'ils demandent ailleurs.

À l'origine, Paul Onoratini avait fait de l'équilibre économique de la manifestation un objectif déterminant. La petite commune n'ayant pas les moyens de s'offrir un festival de musique, l'essentiel devait provenir de la billetterie. Des prix accessibles pour faire venir le plus de monde possible, le plus grand nombre de soirs possible, telle est la politique des organisateurs. Grâce aux tarifs avantageux, un spectateur peut revenir trois ou quatre soirs de suite.

Aujourd'hui encore, des subventions sont apportées par la région, le département et la commune. Le parrainage aussi : La Société marseillaise de crédit, la Société des eaux de Marseille, Ag2r, Le Crédit agricole, la Fondation Sacem, La Provence, Le Monde, Télérama, Deezer et quelques autres ne parrainent qu'une manifestation. Pas question de laisser prendre La Roque en otage ! Les parrains sont discrets et ils n'interfèrent pas dans les choix artistiques.

Le Festival est organisé par l'Association Festival International de Piano de La Roque-d'Anthéron. Le festival fonctionne grâce au bénévolat. L'équilibre n'est possible que grâce à cela. Qu'ils viennent du village de La Roque-d'Anthéron ou d'ailleurs, en trente ans, les bénévoles n'ont jamais fait défaut. Au contraire, chaque année, le festival refuse des bonnes volontés. La participation des bénévoles permet aux organisateurs d'économiser et ainsi de conserver au festival son esprit initial. Le village La Roque est resté convivial malgré le succès, cela doit continuer.

En revanche, il n'est pas question de mégoter sur la publicité. Ne jamais sabrer dans la promotion, c'est la règle d'or, insistent les deux fondateurs. Quand un festival est à ce niveau de qualité artistique, il faut le dire et le faire savoir.

Alors, disons-le : La Roque est un miracle. Au pied de la chaîne du Luberon, les soirs d'août, les cigales dansent avec les fourmis.

T. G.

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