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CLASSIQUE / TRADITIONNEL

L’ORGANUM, FORME PRIMITIVE DE LA POLYPHONIE

Forme primitive et élémentaire du contrepoint et postulat de la polytonalité, l’organum est la cellule génératrice de toutes les polyphonies futures. Cette nouvelle conquête révolutionnaire, dont le but est de mettre en valeur l'interprétation d’une mélodie par l'adjonction d'une ou de plusieurs voix, nous ramène à un procédé d’écriture vieux d’une douzaine de siècles…


L’ORGANUM, UNE FORMULE D’ACCOMPAGNEMENT

Définition basique : Alors qu’un chanteur ou un groupe de choristes interprète une mélodie liturgique, un second chanteur, un autre groupe choral ou un instrument, la double, note contre note – point contre point – en partant de l’unisson ou de l’octave et en l’escortant ensuite à une distance de quarte ou de quinte ; la première voie s’appelant « principal » et le mot organum désignant la formule d’accompagnement.

Dans l'important travail qu’il a consacré à l’Histoire des formes musicales du Ier au XVe siècle, Armand Machabey a étudié dans tous ses détails le mécanisme de l’organum. Ses travaux l'ont conduit à affirmer que les premiers essais de polyphonie appartiennent à la technique instrumentale. De ce constat, il a tiré de très pénétrantes conclusions de l’examen de cette innovation que représente, dans l’histoire de la musique européenne, l’arrivée du contrepoint à un stade primitif.

La syntaxe polytonale est née au moment du conflit latent qui opposait aux "huit modes ecclésiastiques" l’instinct mélodique des peuples d’Occident. Ceux-ci étaient à la recherche d’un vocabulaire moins spirituel, plus vivant et plus familier. Ils désiraient une échelle sonore où la douce inclinaison du demi-ton de la note « sensible », amoureusement penchée sur la tonique, leur procurait une obscure délectation que voulaient précisément bannir de leur langage les musiciens religieux.


LA NOTE AMOUREUSE

Au même titre que la gamme teintée de chromatisme, les demi-tons se laissaient séduire par le degré voisin en se laissant tomber dans ses bras dès qu’ils le rencontraient. La tendre « sensible », avec sa féminine propension à l’abandon et à la chute, était systématiquement exclue du plain-chant… Et l’impur intervalle de « triton » (quarte augmentée), où l’on trouvait réunies deux de ces notes effrontées qui ne savaient pas garder leurs distances, était appelé Diabolus in musica.

On peut sourire de l’intervention de cet anthropomorphisme puritain dans la composition d’une gamme, mais il n’en fait pas moins admirer l’étonnante prescience et la finesse d’oreille des techniciens moralistes qui ont parfaitement discerné, dès cette époque, ce qu’il pouvait y avoir de sensuel, de voluptueux et, par conséquent, d’érotique dans l’étreinte de deux notes, secrètement aimantées, qui se recherchent, se fascinent, s’attirent et tendent à se fondre l’une dans l’autre.

Part la suite, le développement progressif de l’harmonie a souvent prouvé les propriétés « attractives » de certaines dissonances. Elles contenaient un mystérieux élément passionnel dont les compositeurs profanes ont tiré, depuis, le plus heureux parti dans l’expression lyrique du sentiment de l’amour. L’organum ne sera qu’une étape, mais une étape décisive qui a permis la conquête d’une musique médiévale plus « humanisée », envahissant progressivement les tribunes de toutes les églises et imposant aux fidèles ses rudes chapelets de quartes et de quintes.

Par M. Lecoeur (Cadence Info - 03/2015)
(source : Histoire de la musique - Vuillermoz)

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