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THOMAS FERSEN PORTRAIT/INTERVIEW EN TOUTE CONFIDENCE

Artiste sensiblement irrévérencieux, voire facétieux par ses écrits à la tonalité espiègle et burlesque, le chanteur Thomas Fersen publie un disque dont le titre est déjà évocateur du personnage : Un coup de queue de vache. Thomas Fersen est en effet un drôle d’animal, un oiseau rare, car ce qui le caractérise peut-être au mieux cet artiste est d’être finalement inclassable. Il a l’amour des mots qui s’exprime par métaphore… surtout envers les animaux qui apparaissent dans nombre de ses chansons : Le bal des oiseaux, La chauve-souris, mais aussi Les mouches, Le chat botté... Même dans ses clips, les animaux partagent la vedette. Thomas Fersen serait-il un ardent défenseur de la cause animale ? Cette joyeuse arche qui l’inspire est présente depuis les débuts de sa carrière professionnelle, en 1989. C'est sa patte, pourrait-on dire. Le chanteur auteur-compositeur s'amuse aussi à croiser des personnages grinçants et des accessoires qui ne manquent ni d’humour ni de poésie. En refusant le système, celui des majors, Thomas Fersen est devenu une anti-star qui se moque bien de ce que l’on peut penser de sa personne…


INTERVIEW/PORTRAIT THOMAS FERSEN

Bonjour Thomas Fersen… Qu’est-ce que ça dit de vous que vous ayez pris un pseudo ?

Ça dit que j’aime rêver, j’aime créer des personnages et les incarner. J’aime jouer. D’ailleurs enfant, j’ai commencé dans ma chambre à jouer la comédie tout seul, les portes fermées, pour moi-même…

Vous êtes l’aîné d’une fratrie de trois enfants.

Non, je suis le plus jeune.

Et ça dit quoi ça ?

Tout était permis. J’étais gâté par ma maman. J’étais quelque part dans mon royaume.

Et c’est quoi ce royaume ?

Eh bien je régnais sur ma mère (rires)

Vous étiez donc un enfant un peu autocrate ?

Non… J’ai moi-même des enfants et je vois bien que le plus jeune a une certaine confiance, car la famille est déjà là, d’une certaine façon. Et c’est rassurant, certainement. À travers lui, je reconnais la confiance que j’avais en moi et que ma mère m’avait donné, peut être aveugle et stupide, mais qui m’a beaucoup servi.

Premier déclic vers la musique, c’est quand votre mère vous offre une guitare…

Plus exactement, je lui demande une guitare. On ne m’a pas demandé de jouer de la musique. On m’a demandé de faire des maths ! On m’a demandé de travailler à l’école. Pour ça, on ne m’a pas lâché !

Passe ton bac d’abord !

Cela a même commencé bien avant, dès la sixième ! Les devoirs, les devoirs tout le temps. Quelque part, cela m’a obligé de faire ce que je n’aimais pas, mais, mon évasion à moi, c’était le jeu. Si j’ai commencé par jouer la comédie dans ma chambre avant 10 ans, à 14 ans j’ai eu envie d’un instrument de musique. Seulement, je n’avais pas fait d’étude de musique. Rien ! Personne dans ma famille, à part mon grand-père.

Pourquoi la guitare ?

Parce que j’écoutais des disques, les disques que ma sœur achetait et que j’allais lui prendre en cachette avant d’en acheter moi-même. J’allais au lycée Jacques Decour qui se trouvait dans le quartier des magasins de musique… Cette double combinaison a fait que je suis devenu chanteur, d’une certaine façon.

Qu’est-ce qui a changé en vous depuis vos débuts, depuis 30 ans ?

Je suis comme la plupart des hommes et des femmes, ma quête est celle de la vérité et de la liberté. Mais dans cette quête, on se trompe de chemin bien souvent...

Avez-vous traversé des périodes de doutes, de découragement ?

Absolument. Il y a des moments où je suis découragé, et puis ça repart. Le découragement vient parce que l’on n’a plus d'envie, comme tout en chacun. Je pense que la vie est difficile. C’est un sentiment totalement humain. Si je n’avais pas de découragements, je serais inquiet.

Peut-être aussi parce qu’il y a eu des périodes dans lesquelles vous vous êtes sentis incompris…

Je suis toujours incompris, mais ça fait partie du lot. On est nécessairement incompris quand on s’adresse à un grand nombre. Les gens peuvent juger de moi comme de tout le monde.

On a tenté de vous formater ?

Je ne dirai pas les choses comme ça. L’industrie discographique a des désirs qui sont tout à fait raisonnés. Elle sait ce qui faut faire pour accompagner quelqu’un vers le succès ou quelque chose qui va plaire. Je ne taperai pas sur l’industrie sur ce point, par contre, je n’ai plus envie de le faire. Si j’ai pu m’émanciper de l’industrie, ce n’était pas par rancœur, mais simplement parce que je n’avais plus envie de me battre sur ce terrain-là.

En quittant notamment votre label…

Cela ne m’intéresse plus, j’ai envie de m’amuser et, malheureusement, ce n’est pas toujours possible au sein de l’industrie.

Parce qu’on a peur de se casser la figure seul ?

Oui, mais à un certain âge, ce n’est plus très grave. C’est pourquoi je me sens beaucoup plus libre. Ma vie est faite.

Mais vous n’avez que 50 ans et quelques années devant vous !

Mais il est grand temps de s’amuser, complètement, tout le temps, à chaque seconde ! J’ai donné beaucoup. Au début de ma carrière, je me suis obligé à faire des choses dans lesquelles je n’étais pas très à l’aise, mais je les ai faites par respect pour les gens qui étaient autour de moi. J’ai été un bon gars !


THOMAS FERSEN  ENCORE CASSÉ

Vous dites, Thomas, que vous essayez de ne pas écrire sur vos « bleus ».

Oui, parce que je n’ai pas le goût à ce point de ma personne. Mes « bleus », mon nombril, ce n’est pas intéressant… Et puis, je ne suis pas de cette école. À la maison, l’esprit était assez satirique et moqueur. Nous n’étions pas dans la complaisance, dans les bobos…

Justement, vous aimez que l’on se moque de vous ?

Ça ne me dérange pas… Et même je vais vous dire un truc : pour monter sur scène, il faut avoir un certain sens du sacrifice et accepter, voire rechercher la moquerie. Quand on est un comédien, il faut tout donner. On n’a pas à faire des réserves. C’est ridicule…

Quand vous composez, est-ce que vous avez peur de la page blanche ?

Je ne me mets jamais devant une page blanche ; l’idée vient, et à ce moment-là je cherche une feuille. (rires) Je ne suis pas fou ! Je ne suis pas du genre à me torturer.

Un coup de queue de vache, pour Thomas Fersen c’est un titre dédié à l’animal totem. La vache est un animal que vous connaissez bien ?

J’ai gardé les vaches. Je leur passais la chaîne autour du cou au moment de la traite. Je n’avais absolument pas peur de ces grosses bêtes. Je me souviens encore de leur nom : Marquise, Lunette…

Dans votre disque, on trouve onze chansons, onze titres qui s’apparentent à la nature, au côté rural, champêtre. Ça ressemble aussi à des fables, des fables de La Fontaine, mais sans morale.

Je serais mal placé pour donner des leçons de morale ! Par contre, il y a toujours des éléments autographiques qui donnent à mes chansons une certaine légitimité.

../..

Vous adorez la scène, mais avec le trac aussi…

Pour dire la vérité, de moins en moins. Vous savez, les artistes sont de grands timides, extrêmement vulnérables sur ce point. Au début de ma carrière, j’étais terrorisé et puis j’ai appris à être là, sur scène.

Qu’est-ce qui peut justement vous déstabiliser sur scène Thomas ?

Le bruit. C’est arrivé récemment. Il y avait beaucoup de bruit à l'intérieur d'un chapiteau. Les gens parlaient doucement, gentiment, mais c’était perturbant, car ça rompait le rythme, comment dire… l’espace sonore. Celui-ci est complètement changé par la conversation, et vous ne pouvez plus utiliser les silences, le temps comme il faudrait.

Est-ce que vous pourriez être votre ami ?

Je parle beaucoup avec moi-même. J’ai cette sorte de schizophrénie… D’ailleurs, j’en ai même plusieurs, car je fais plusieurs métiers dans mon métier. Il y a l’auteur-compositeur… Déjà entre l’auteur et le compositeur, il y a discussion… Et l’interprète, n’en parlons pas ! Mais qu’est-ce que tu me fais chanter là ! Ensuite, il y a mon propre label. Pourquoi est ce que tu me fais un disque aussi coûteux ! Etc, etc.

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Vous n’avez jamais écrit des chansons très engagées. Vous considérez qu’une chanson ne doit pas être une tribune…

Il y a toujours eu un antagonisme entre la chanson engagée et le fait que ce soit un objet du commerce. C'est ça, chez moi, qui pose problème. En revanche, je trouve que le talent d’écrire une chanson sociale ou engagée est rare… beaucoup plus rare que le nombre de chansons engagées qui existent.

(Cadence Info - 06/2017)

Nouvel album Un coup de queue de vache sortie le 27/01/2017, disponible en précommande chez LNK.TO

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