'TURN UP THE QUIET', LA PUDEUR DU ROMANTISME ET L’ÉCLAT DU SWING
Hier encore, Diana Krall nous surprenait avec son escapade pop (album Wallflower – 2015) ; preuve que la chanteuse sait vibrer à bien des musiques tout en les restituant divinement. Aujourd’hui, l’album Turn Up The Quiet renoue avec des chansons qui remonte à ses jeunes années, celui du ‘Great American Songbook’, un répertoire éminemment swing et qui annonce la 'Diana Krall' des débuts.
Romantique, tendre, les chansons de Turn Up The Quiet parlent d'amour. Diana Krall les a souvent interprétées sur scène… mais surtout elle les aime ! Les références sont là, dans ces 11 titres qu’elle a minutieusement sélectionnés parmi une cinquantaine. Julie London, Frank Sinatra ou Nat King Cole ont été des témoins précurseurs de leur histoire, et pour Diana Krall des points d’ancrage qui lui permet de réaliser tout ce qu’elle cherche à atteindre artistiquement.
De ce passé glorieux, Diana Krall reprend la main. Elle réinvente le discours des aînés, déposant avec soin l’élégance de sa voix, à la fois sûre et délicate, caressant de ses doigts le clavier de son piano qui, à son tour, s’enflamme, chante ou meurt au son de quelques accords en point d’orgue.
Suivant de près le classique Night and Day de Cole Porter, une surprise nous attend quand la chanteuse, avec la complicité de Marc Ribot à la guitare et de Stuart Duncan au violon, fait un pas de côté en rendant hommage à Django Reinhardt et Stéphane Grappelli en reprenant la chanson I’m Confessin (That I Love You). Diana Krall nous explique la raison de ce choix : « À ma façon, j’ai voulu leur témoigner mon admiration. Mon disque va au-delà de l’idée de reprendre des titres du ‘Great American Songbook’. Ce que je propose est certainement plus personnel que conceptuel… Ce disque peut s’écouter comme une sorte de variation autour de l’idée du romantisme. ». De cet aveu, elle nous entraîne au fil des plages à écouter ses chants d'amour, avec cette constante retenue et intimité qui caractérise si bien le rêve sentimental.
Depuis que sa carrière a débuté, il y a maintenant 25 ans, et au regard de toutes les émotions qu’elle a engendrées, mais aussi de ce bonheur familial qui s’exprime au contact de ses enfants et de son mari Elvis Costello, Diana Krall est devenu une femme épanouie, vibrante et authentique. Il en ressort un discours musical plus fort, plus abouti et des interprétations plus mesurées. Une sorte de sérénité. « C’est un disque qui respire la confiance que j’ai en moi, comme si, en quelque sorte, je n’avais plus rien à prouver… En même temps, on peut y percevoir une forme de vulnérabilité. » (source ‘Jazz Magazine’)
La chanson d’amour aurait-elle plus à dire, à nous raconter que tout autre sujet ? Pour Diana Krall, c’est comme une évidence. Sa façon de chanter à proximité du micro dans Isn’t It Romantic ou soutenu par un tapis de cordes comme dans Dream, nous indiquent que la chanteuse aime cultiver, sans a priori, la chanson glamour, de celle qui nous susurre à l’oreille quelques mots d’amour et qui nous plonge aussitôt dans l'abandon.
DIANA KRALL : L.O.V.E
DES ARRANGEMENTS SUBTILS ET DES MUSICIENS COMPLICES
Cependant, l’album Turn Up The Quiet n’est pas uniquement composé de chansons suggestives, car même si l’ensemble est plutôt « cool », il y règne également un esprit swing des plus classiques servi par des tempos relevés (Blues Skies, I’ll See You In My Dreams). Cet éclectisme reflète à sa manière la personnalité de la chanteuse, passant d’un romantisme assumé à une énergie communicatrice pleine de vie.
Les choix faits, Diana Krall cherche aussi à nous envoûter par quelques arrangements subtils... La chanson Like Someone In Love qui ouvre l’album commence avec seulement une contrebasse, comme si elle voulait nous indiquer que la surenchère orchestrale n’a pas lieu d'être dans ce disque, et que notre devoir d’auditeur est d’aller chercher ailleurs ce qui fait l’intérêt de celui-ci. Autre exemple, souvent voué à la mièvrerie : la présence d’un ensemble à cordes. Arrangé par Alan Broadbent et présent sur les titres les plus langoureux, les violons ne sont jamais envahissants, ni délibérément gratuits. Traité à la façon ‘Hollywoodienne’, les cordes restent très sobres et ne sont là que pour servir au mieux le récit chanté.
Diana Krall a voulu que les musiciens qui l’entourent soient des amis de longues dates. Le choix des accompagnateurs, du trio jusqu’au quintette, s’est donc effectué surtout en fonction de la sensibilité musicale de chacun d’eux. Cependant, pour Diana Krall, la finalité de ce Turn Up The Quiet pourrait bien revenir à son producteur Tommy LiPuma, décédé en mars dernier, et qui fut en quelque sorte son mentor depuis le début de sa carrière, intervenant toujours avec parcimonie, mais comprenant et soutenant toujours la chanteuse dans les moments importants.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2017)
LES MUSICIENS
Trio : Christian McBride (contrebasse), Russell Malone (batterie)
Premier quintette : Marc Ribot (guitare), Stuart Duncan (violon), Tony Garnier (contrebasse), Karriem Riggins (batterie)
Second quintette : Anthony Wiilson (guitare), Stefon Harris (vibraphone) John Clayton (contrebasse) Jeff Hamilton (batterie).
LES TITRES DE “TURN UP THE QUIET”
- 1. Like Someone In Love
- 2. Isn't It Romantic
- 3. L-O-V-E
- 4. Night And Day
- 5. I'm Confessin' (That I Love You)
- 6. Moonglow
- 7. Blue Skies
- 8. Sway
- 9. No Moon At All
- 10. Dream
- 11. I'll See You In My Dreams
CD Turn Up The Quiet
chez ‘Verve/Universal’ (parution : mai 2017)