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CLASSIQUE / TRADITIONNEL


'LES PLANÈTES' DE GUSTAV HOLST, DÉCODAGE DE LA SUITE SYMPHONIQUE

Gustav Holst, ce contemporain et ami du compositeur Vaughan Williams, doit sa célébrité mondiale à son œuvre symphonique Les Planètes (The Planets). Dans cette suite achevée en 1917 et qui deviendra l’une des pièces maîtresses dans le domaine de l’orchestration symphonique, le compositeur imagine un scénario décomposé en sept mouvements, chacun représentant une planète…


LES PLANÈTES, UNE SUITE SYMPHONIQUE COMPOSÉE EN SEPT MOUVEMENTS

En ce début du 20e siècle, pensez-vous que les gens accordaient aux planètes du système solaire une personnalité ? Pour Holst, certainement ! Surtout depuis que le compositeur se passionne alors pour un livre d’astrologie et que ses amis compositeurs Arnold et Clifford Bax lui ont suggéré de poursuivre dans cette voie. Le sujet fondateur de la suite Les Planètes prenait sens petit à petit. Il ne restait plus qu’à la personnifier en développant des climats orchestraux représentatifs de chaque planète du système solaire.

© Herbert Lambert (National Portrait Galleryr) - Gustav Holst (1921)

Or, si sa carrière musicale est à rattacher à cette suite qu’il intitule pompeusement Les Planètes, c’est pourtant ailleurs, dans ses opéras et dans certains poèmes symphoniques, qu’apparaît le mieux la capacité particulière de Holst à mêler plusieurs traditions : le souvenir d’une « Angleterre pré-haendélienne », le goût d’une vigueur rurale, dont il emprunte les thèmes au poète Thomas Hardy, et une passion toute personnelle pour la mystique musique indienne.


MARS

Alors que la première guerre mondiale n’a pas encore éclaté, le compositeur britannique achève le premier mouvement, Mars, qu’il sous-titre « le porteur de la guerre » (Mars, the bringer of war). Mars, ce dieu romain de la guerre, possède une grande puissance orchestrale qui va crescendo. Holst cherche à convaincre, à traduire, sur un rythme ostinato, un conflit qu’il juge sans issue. Sur un rythme inusité (à 5 temps) – bien connu des musiciens indiens pour qui les mesures à 5, 7 ou 21 temps n’ont pas de secret -, le compositeur place tout particulièrement en avant les vents et particulièrement les cuivres, eux-mêmes soutenus par les violons qui frappent les cordes ‘col legno’ en cadence comme une marche triomphale.

À travers ce premier mouvement, Holst personnifie l’idée du chaos, jouant à la fois sur le crescendo - qui ira jusqu’au fortissississimo – et sur l’orchestration qu’il peuple de cors, trombones et bassons. Il démontre par leur éclat et leur énergie martiale, mais aussi par la violence rythmique et le jeu des dissonances de l’orchestre, la stupidité humaine qui conduit à la guerre.

Cette ouverture musicale martiale et si imagée n’échappera pas aux oreilles de quelques compositeurs du 7e art, dont la meilleure illustration se trouve certainement dans le film La Guerre des étoiles signée par John Williams. Cette vision simpliste, presque caricaturale, qui marie tout à la fois une idée de puissance et de triomphalisme, ne sera pas seulement réservée au cinéma, le domaine publicitaire récupérera l’idée de Holst à bon escient dans quelques spots.


VÉNUS ET MERCURE

Le second mouvement, Vénus, sous-titré « la porteuse de paix » (Venus, the bringer of peace), contraste avec la puissance orchestrale du premier. Sur un tempo lent, la douceur s’impose à travers quelques mélodies jouées par différents instruments de l'orchestre, du cor jusqu’au violon solo.

Le troisième mouvement, Mercure, sous-titré « le messager ailé » (Mercure, the winged messenger), se veut vif, léger et rythmé. C’est un scherzo qui laisse place à divers motifs mélodiques.

Ayant à présent égrainé les trois planètes telluriques de notre système solaire en se dirigeant vers le Soleil (Mars, Vénus et Mercure), Holst se voit contraint de prendre la direction opposée pour poursuivre son voyage en décrivant les planètes géantes et gazeuses que sont Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.


GUSTAV HOLST : 'LES PLANÈTES'

JUPITER ET SATURNE

Le quatrième mouvement, Jupiter, sous-titré « le porteur de joie » (Jupiter, the bringer of jollity), est un hymne porté par les cordes graves et les cors. Il traduit cette joie héroïque qui gonfle les poitrines au caractère si « british » ; une musique parfaite sur un plan au ralenti où chacun peut imaginer le scénario de son choix : animalier, sportif ou autres.

Holst ne cherche pas à construire une histoire à travers sa suite, seuls les sous-titres suffisent en traduisant chacun un sentiment. Pour Jupiter, Holst joue sur les variations de tempo et diverses mélodies syncopées pour exprimer ce « porteur de joie » qu’est Jupiter. Après la tension, le calme revient et permet d'entendre le plus célèbre air de cette suite, communément appelé « L'Hymne de Jupiter ».

Après Jupiter, Saturne. Par ses flottements répétés, Saturne annonce parfaitement son sous-titre : « le porteur de la vieillesse » (Saturn, the bringer of old age). Ce mouvement, d’une nature très sombre, est illustré fort à propos par dame contrebasse puis par les violons et le hautbois dans une intensité qui va crescendo, tandis que flûtes et harpes marquent de leur rythme inexorable le temps qui s’écoule.


URANUS ET NEPTUNE

Uranus avec son sous-titre « le magicien » (Uranus, the magician) est une sorte d’apprenti sorcier cosmique. Par son approche incantatoire, ce sixième mouvement n'est pas sans rappeler L’Apprenti sorcier que Paul Dukas composa en 1897 et dont Walt Disney fera bon usage dans son long métrage Fantasia en 1940. C’est une danse qui va en s'intensifiant jusqu'à ce que la harpe rappelle doucement le thème du début.

Alors que la partition a commencé par la fougue impulsive de Mars, comme un voyage vers la maturité, la suite symphonique s’achève dans le mysticisme de Neptune. (Neptune, the Mystic). Des voix féminines s’élèvent dans l’espace. Tout devient évanescent, mystérieux, céleste. Le chemin qui conduit graduellement Holst à s’éloigner toujours plus du Soleil alimente sa créativité d'une façon encore plus contemplative. Cette septième planète, invisible à l’œil nu de la Terre, est l’antichambre vers le néant. Holst convoque ce chœur de femmes aux intonations diluées qui, en s’éloignant, ira decrescendo vers le silence le plus total, apportant à son écriture sa part de mystère.

On remarque à l'issue de cette suite que le compositeur a ignoré La Terre comme le Soleil. On peut imaginer que la Terre et le Soleil ont été pour lui une base d’observation des autres planètes. Dans tout cela, il n’y a bien sûr rien de bien scientifique, néanmoins, malgré cette vision très « anthropocentrée » du compositeur qui projette ses sentiments et ses humeurs sur des planètes dont il a certainement rêvé comme nous, Host ne cherche-t-il pas simplement à décrire le comportement humain, ses sentiments et ses pulsions ? Par anticipation, Gustav Holst avait peut-être compris, dans ses rêves les plus fous, que mieux comprendre l’Univers serait pour l'humanité une façon d'éviter le chaos, d'apprendre à relativiser et d'être en harmonie avec ce qui l'entoure.

Par Patrick Martial (Cadence Info - 09/2021)


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