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MUSIQUE DE FILMS

NORMAND CORBEIL, PORTRAIT DU COMPOSITEUR QUÉBÉCOIS


« Le rôle de la musique de film est de se faire oublier », disait le compositeur montréalais Normand Corbeil. Disparu en 2013, à l'âge de 56 ans, des suites d'un cancer, il est parfois difficile d'oublier l'homme derrière la musique de Trafic humain (Human Trafficking), Double jeu (Double Jeopardy) ou de celle du jeu vidéo immensément populaire Heavy Rain. Depuis plus de 20 ans, le compositeur de musique de films inspirait passion, respect et modestie.


NORMAND CORBEIL : "UNE MÉLODIE VAUT MILLE IMAGES..."

Nominer deux fois pour un prestigieux "Prix Emmy", le pendant américain de nos "Gémeaux", Normand Corbeil ne s'en était pas fait outre mesure que la statuette lui ait toujours échappé, même si la musique de Trafic humain méritait d'y figurer. « Il n'y a même pas de pincement au cœur quand je ne gagne pas. [...] On ne se souvient pas tant de qui a gagné que de qui a été nominé. La nomination est donc bien suffisante », estimait-il.

En plus, rappelle celui qui a aussi été en nomination en 2003 pour Hitler : the Rise of Evil, la gratitude des pairs importe plus que celle du public. Les compositeurs ne sont pas choisis par les cinéphiles, mais bien par les gens de l'industrie qui, par la nomination, reconnaissent leur travail. « Ce n'est pas le prix, mais la tape dans le dos qui est bien », soulignait Normand Corbeil, tout de même récipiendaire de cinq prix de la "Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique" (SOCAN), et de trois "Gémeaux".


UNE CARRIÈRE MUSICALE SEMÉE DE PASSION

Le compositeur résidait tout près de l'école de musique Vincent d'Indy, mais n'avait pas fait ses gammes sur les bancs d'école à proprement parler. « J'ai appris en quelque sorte à la pige, avec des cours particuliers de piano, de saxophone. » disait-il. Jamais il n'a douté de sa vocation musicale qu'il a commencé à exercer dès l'âge de quatre ans.

Normand Corbeil était convaincu de vivre de son art parce qu'il était souvent « là où il fallait être » et que c'était de cette façon que l'on obtenait de bons contacts. Il n'hésitait pas à travailler sur plusieurs projets à la fois, ici et à Los Angeles où son agent s'occupait de lui trouver des contrats. Sa plus grande fierté professionnelle était « Le prochain film », refusant peut-être par cette réponse de bomber le torse. Normand Corbeil avoua tout de même que Cheech, de Patrice Sauvé, était un excellent film sur lequel il avait eu « un plaisir fou à travailler ».

Même si le compositeur voyageait régulièrement pour son travail, l'Outremontais était très attaché à son quartier et à sa tranquillité, entouré de sa petite famille. Toutefois, voyager présentait de multiples avantages professionnels. Il est en effet fréquemment nécessaire d'aller travailler ailleurs dans le monde pour être prospère dans ce domaine difficilement payant au Québec. Normand Corbeil a œuvré avec plusieurs cinéastes connus d'ici et d'ailleurs, à qui il vouait un respect certain. Du réalisateur de Driving Miss Daisy (Miss Daisy et son chauffeur), Bruce Beresford, à l'Outremontais Christian Duguay, en passant par Ghyslaine Côté et Richard Goudreau, il a aussi été l'assistant de François Dompierre à qui l'on doit notamment la musique du Déclin de l'Empire américain et du Matou.

Normand Corbeil aurait aimé pénétrer les univers cinématographiques des Hitchcock et Kubrick, mais sa passion pour des artistes comme Radiohead, Björk, Arcade Fire et Rufus Wainwright l'en écarta. A propos de ce dernier, Normand Corbeil l'avait vu deux fois au Théâtre Outremont, « Une des plus belles salles que je connaisse. Il est dommage qu'il n'y ait pas plus de spectacles. La salle est parfaite et si j'avais à monter un spectacle solo un jour, c'est là que je le ferais. »


NORMAND CORBEIL : ETHAN MARS (from HEAVY RAIN)


CONTINUER SUR LA LANCÉE

Il n'était pas question pour Normand Corbeil de faire autre chose que de la musique pour le septième art, même s'il concédait qu'il fallait une santé de fer et un brin de folie pour travailler en son cœur. Peut-être est-ce parce qu'il se disait très visuel, vouait un respect incontesté aux réalisateurs, appréciait le travail d'équipe ou encore aimait œuvrer en coulisses. Norman Corbeil : « Il est important qu'un film marche à cause du maquillage, de la musique, des décors, du réalisateur, de tout cela. Si tu veux faire de la musique pour te faire remarquer et vendre des disques, ne fais pas de la musique de films ! [...] Mon job, c'est de faire partie d'une équipe. Ce n'est pas d'être en avant. Le jour où l'on commence à penser qu'on désire être de l'autre côté de la caméra, il est temps de quitter le métier parce qu'on ne pourra plus jamais rendre service au film. » Normand Corbeil fréquentait les plus grands studios, dont Abbey Road à Londres, mais il considérait son travail avec une grande humilité.

Par G. Allard (Cadence Info - 02/2015)


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