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MUSIQUE & SOCIÉTÉ


SOUKOUS ET RUMBA CONGOLAISE

La rumba, célèbre musique de danse cubaine durant les années 50, a trouvé un certain écho le long du fleuve du Congo en s’implantant dans les villes africaines, Kinshasa et Brazzaville. Passée entre les mains des musiciens congolais, tels Konono, Kasaï ou Staff Benda Bilili, la rumba congolaise n’est qu’une lointaine cousine de la version cubaine.


DE LA RUMBA AU SOUKOUS, IL N’Y A QU’UN PAS

Durant la colonisation (Congo belge), les musiciens blancs initient les artistes noirs aux guitares et aux cuivres par le biais du jazz. Les premiers orchestres voient le jour dans les années 30. Les instruments à vent sont omniprésents (cuivres et flûtes), mais également les percussions. Dans les années 40/50, les artistes noirs lassés par un jazz trop impersonnel vont s’intéresser à la rumba cubaine, alors en pleine ascension. Pour différentes raisons identitaires, les musiciens congolais vont progressivement transformer la rumba cubaine en rumba congolaise.

Cette musique de danse se répand, telle une traînée de poudre, dans les rues des villes aux sons des guitares, des cuivres et des percussions. La rumba congolaise puise ses ressources dans différentes directions : le jazz, les rythmes congolais (kwasa kwasa), le zouk et bien sûr la musique cubaine.

Cette rumba va trouver sa véritable identité avec la naissance du soukous (signifiant “secousse”), véritable courant musical, hautement symbolique d’une musique africaine en quête de modernité et d’identité. L’arrivée du soukous marquera de son empreinte tout le continent africain. Il influencera de nombreuses musiques urbaines telles le makossa.


LE PREMIER TUBE SOUKOUS

C’est en 1949, avec la chanson Marie Louise, que le soukous connaît son premier tube. Écrit par Wendo Kolosoy, les voix des chanteuses s’articulent autour d’un instrument populaire africain, le likembé (une petite percussion mélodique jouée avec les pouces et constituée de lamelles d’acier qui résonnent).

Rapidement, durant la période trouble de la fin du colonialisme, le soukous va passer à une vitesse supérieure. Des artistes comme Seigneur Rochereau et Maître Franco vont devenir les ambassadeurs, pour ne pas dire les seigneurs, les grands maîtres de cérémonie du soukous. Ainsi, Indépendance Cha Cha de Kabasele va servir d’hymne anticolonialiste durant les années 60.


GUERRE CIVILE ET EXIL

Durant les années 70, lors de la prise du pouvoir par Mobutu, celui-ci engage ses forces armées dans la lutte contre le communisme en Afrique centrale et australe. Le pays connaît alors une paix toute relative durant la décennie suivante. Mais lors des années 90, la crise humanitaire et les mouvements de populations engendrés par le génocide du Rwanda, déstabilisent l’est du Pays. En 1996, l’armée de Mobutu ne peut résister bien longtemps au mouvement rebelle de Laurent-Désiré Kabile, soutenu par le Rwanda et L’Ouganda (aujourd’hui encore, l’est du Congo vit les soubresauts de ces événements tragiques).

Durant la guerre civile, des artistes prennent la fuite. Certains se réfugient dans la forêt, comme Zao, chanteur antimilitariste, auteur de nombreux morceaux burlesques (Ancien Combattant) alors que d’autres quittent le continent. Ce sera le cas du pianiste Ray Lema, qui viendra en France et produira une world music mâtinée de mélodie congolaise.


LA SOCIÉTÉ DES AMBIANCEURS ET DES PERSONNES ÉLÉGANTES

Un mouvement réactionnaire, la SAPE, devient durant les années 80 un mouvement qui s’oppose à la vision politique du président en place, Mobutu. Celui-ci rejette le costume européen pour imposer certaines tenues vestimentaires aux couleurs plus locales, comme les toques en peau de léopard ou les vestes à col Mao (bien qu’indienne). Pour contrecarrer cette vision conservatrice, les gens de la SAPE organisent des concours d’élégance, allant jusqu’à exhiber les marques de grands couturiers européens. Papa Wemba, leur meilleur représentant, conduit ses fidèles à le suivre dans ses extravagances vestimentaires en lançant la mode du port du béret, de la casquette et même du chapeau melon !


LE SOUKOUS CHANGE DE CAP

À partir des années 80, le soukous se veux plus rock. Les intonations jazz s’éloignent. La batterie prend place, le rythme s’accélère et les cuivres disparaissent. Le soukous comme la rumba congolaise commencent à s’exporter en Europe et en Asie. Ce sera l’époque du All-stars Kekele, qui mettra en valeur les racines africaines de la rumba et la révélation d’artistes comme Kakele et Kanda Bongo Man.

Côté féminin, quelques chanteuses émergent : Abeti Masikini, surnommée “la Tigresse aux griffes d’or”, fera entendre sa voix sur la scène de l’Olympia alors que Mpongo Love se dévouera dans un combat féministe perdu d’avance, celui de la polygamie, très présente sur le sol africain. Dans un autre registre, plus suave et plus érotique, la chanteuse Tshala Muana choisira d’accompagner son chant de danses suggestives aux contorsions torrides.


QUAND LE SOUKOUS S’ÉLECTRIFIE...

Dans les années 90, face à la montée de la violence, aux ravages des conflits ethniques, de la corruption ou du sida, le Congo, malgré ses richesses minières, s’enlise progressivement dans la misère et le chaos. La musique suit alors le même chemin en devenant plus abrupte et plus agressive. Le rap n’est plus très loin.

Le soukous des années 2000 s’éloigne de ses racines. Les jeunes congolais subissent l’influence de la musique électro. Ils adaptent à leur façon, avec souvent des moyens ridicules, des musiques de transe aux sonorités agressives. Outre le likembé qui s’électrifie, ils fabriquent des instruments qui s’apparentent plus à du bricolage qu’à des œuvres d’art, tel le satongué, une sorte de guitare construite à partir d’une boîte de lait et de fils métalliques, sans oublier les micros, réalisés à partir de fils téléphoniques et d’alternateur pour voiture (le groupe Konono ira jusqu’à utiliser des mégaphones).

Pour coller à l’air du temps, des groupes comme Kasaï All stars emploie des balafons pour la couleur locale, des guitares mises en boucle et des tambours à résonateur, tandis que Staff Benda Bilili (constitué de 7 tétraplégiques en fauteuil roulant), opte pour un métissage musical constitué de reggae, de funk, de soul et de ragga.

Ces initiatives “branchées” trouvent écho auprès des amateurs de rock et de musique electro. Le soukous des années 2000 franchit les frontières et trouve audience dans d’autres pays. Malgré une sophistication contestable, le soukous d’aujourd’hui est la preuve vivante que les repères musicaux d’hier ont reculé. Une page est tournée. Le soukous “traditionnel” a cédé sa place devant une musique plus énergique, sachant drainer un jeune public toujours plus nombreux.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 08/2010)


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