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CLASSIQUE / TRADITIONNEL

L’OPÉRA ET TOUTES SES IDÉES REÇUES

L’opéra est souvent synonyme d’ennuis. On lui reproche beaucoup de maux : sa durée jugée excessive, sa mise en scène trop théâtrale et sans souffle, ses personnages trop statiques, sans oublier la langue qui fait parfois obstacle à la compréhension de l’histoire. À ces idées tropt répandues s’ajoutent le prix des places exorbitant et un certain snobisme. Mais qu’en est-il en réalité ? Partons dans les coulisses et observons…


QUAND L’OPÉRA PROMÈNE SES HISTOIRES

L’opéra est un théâtre dans lequel se tissent des histoires aux accents lyriques. Poème dramatique mis en musique, l’opéra se compose de récitatif, de chant et de danse, sans discours ou dialogue parlé. L’opéra repose sur un livret qui fait généralement appel à des ressources et des contextes historiques plus ou moins romancés. De là à penser qu’une dose de culture et quelques références permettent un attachement supérieur à cette forme d’expression artistique est un pas que quelques amateurs d’opéra n’hésitent pas à franchir, simplement parce que la connaissance induit une attitude supérieure, avec son vocabulaire et ses développements (les snobs et leur désir d'appartenir à une élite illustrent parfaitement cette attitude).

Le livret pose aussi les jalons d'une histoire chantée qu'il est bon de suivre. Ainsi, si vous assistez au spectacle sans comprendre les raisons qui poussent des personnages à entrer ou à quitter la scène, c’est que certainement la langue en est la cause (les opéras sont souvent chantés en italien ou en allemand). Vous trouverez alors l’opéra ennuyeux à juste titre...

Fort heureusement, l'opéra possède rarement des intrigues complexes, même si dans ce domaine des critiques peuvent aussi s'élever. Certains estimeront le contenu invraisemblable et décousu, tandis que d'autres désapprouveront le rattachement de l'histoire à une quelconque réalité de la vie quotidienne. Pourtant, comme pour le cinéma, l’opéra s’inspire de faits réels qu’il adapte, tel Elektra qui relate l’histoire d’un frère et d’une sœur qui s’entendent pour assassiner leurs parents (affaire du meurtre des frères Menendez). La réalité est à peine auréolée de quelques « égarements » afin de faciliter la construction de la mise en scène. Le plus souvent, les auteurs cherchent à traduire les faits tels qu’ils se sont passés.

Les histoires d’opéra sont tout à la fois tragique et résolument humaine. Ce sont souvent des histoires d’amour où le désir conduit à la jalousie, à la trahison, à la cupidité, des histoiresdans lesquelles la religion et la justice deviennent des rivaux. La dramaturgie du livret puise dans l’intensité des sentiments, tandis que la musique, sous ses aspects puissants et passionnés, met en relief des mélodies aux envolées somptueuses ; mélodies que vous saurez reconnaître et que vous fredonnerez parfois. C’est dans cette diversité, cette richesse, que les spectacles musicaux, comme l’opéra, l’opérette, puis plus tard la comédie musicale, ont su séduire les couches populaires.


L’OPÉRA, C’EST LONG !

N’allez surtout pas imaginer que tous les opéras durent très longtemps, qu’ils ont pour seule vocation de construire des histoires à rebondissement qui n’en finissent pas. En réalité, de nombreux opéras n’excédent pas deux heures (La liste de Schindler, Le patient anglais...). D’autres sont si court, que la programmation proposée implique deux opéras à la suite l’un de l’autre. Côté livre des records, La délivrance de Thésée de Darius Milhaud, avec ses 7 minutes passées, est certainement le plus court des opéras. Autant dire un souffle dans le temps, si l’on s’amuse à le comparer à La Tétralogie de Wagner qui dure plus de 10 heures !

LA PHYSIONOMIE DES PERSONNAGES

Étant souvent hérité d’une mise en scène théâtrale, la pantomime des chanteurs/acteurs a souvent suivi les mêmes attitudes, parfois avec une surenchère de maquillage dans l’intention de faire ressortir les sentiments, de la colère furieuse à la passion désespérée. En plus des apparences trompeuses du rimmel, les chanteurs et chanteuses ne sont pas insensibles à leur apparence physique…

Parfois, la corpulence de ces dames et de ces messieurs donnent la vague impression dans leur déplacement, mise en scène oblige, qu’ils doivent agir au pas militaire cadencé. Quand la télévision a commencé à retransmettre des opéras, celle-ci a poussé bien des cantatrices à soigner leur apparence physique. Jessye Norman ou Renata Scotto se mettront au régime. Même La Callas, pourtant toute frêle, s’imposera une certaine discipline devant certaines tentations gustatives bien légitimes.

Comme dans le domaine de la chanson populaire où l’apparence joue un rôle important, la télévision "mettra en scène" une ligne de conduite à tenir avec pour mission de séduire son audience, quitte à répandre le « poison » de la minceur si nécessaire. Heureusement, d’autres s'en moqueront, comme Pavarotti, renvoyant dans les médias l’image d’un homme fort, à l’imposante carrure, justifiant à sa façon et sans pudeur tous les « excès », s’autorisant le droit de flirter avec la chanson populaire comme pour mieux contraindre sa belle voix de ténor et son apparence physique quelque peu « hors cadre ».

Dans l’opéra, bien souvent, les rôles tenus par les jeunes premiers et les reines de beauté possèdent un rôle central dans le déroulement des intrigues. Le cinéma n’est pas le seul à détenir l’esthétique de la passion amoureuse ! Certains chanteurs et chanteuses sauront jouer de leur physique sans avoir en à rougir. Waltraud Meier, Anna Netrebko, Véronique Gens seront user de leurs charmes, tandis que Roberto Alagna ou Dimitri Hovrostovsky joueront les chevaliers conquérants auprès de leur belle.


VOUS AVEZ DIT : « IL MOURRA BIENTÔT ! »

Un petit retour sur la mise en scène s’impose… celle qui voit le moment tragique où un des héros meurt poignardé. À ce moment précis - qu’il est difficile d’imaginer tant que cela ne vous est pas arrivé -, le chanteur d’opéra continu de chanter…

Invraisemblance, idiotie, me direz-vous ? Certainement pas, car si l’opéra prend parfois ses distances avec la réalité, c’est dans le but de traduire au mieux les dernières émotions, les derniers instants avant de basculer dans l'autre monde. Le temps devient alors suspendu. La musique et le chant deviennent le conducteur et cela peut durer plusieurs minutes avant que le dernier souffle ne survienne. Ce temps qui s’éternise traduit en réalité un bref instant qui ne dure que quelques secondes.

L’amateur d’opéra sait qu’il faut apprendre à dénouer les fils de l’intrigue, et ne pas trop user de raccourcis qui conduiraient à des jugements hâtifs. Cependant, de ce cas précis, il ne faut pas en faire une généralité, car certains assassinats scéniques se déroulent comme dans la réalité, dans l’espace d’un cri (Carmen de Bizet).


J’AI BESOIN D’UNE TRADUCTION !

Quand vous n’avez aucune connaissance de la langue de « Malher » ou de « Rossini », digérer un opéra qui peut durer plus de deux heures devient vite insupportable. Tout amateur vous dira que ce n’est certainement pas la meilleure façon de découvrir cet art et ses intrigues tumultueuses ! Pour parer à cette éventualité, de plus en plus de salles d’opéra sont équipées d’un système de surtitres qui peut être comparé à celui des sous-titres des films en V.O. Le spectateur peut ainsi savourer la musique tout en ne perdant rien de l’intrigue.


L’OPÉRA DES PAUVRES ET DES RICHES

Si vous pensez encore qu'Opéra rime avec smoking, vous êtes dans l’erreur. Vous aurez peut-être le sentiment qu’il faut s’habiller en conséquence, mais les sorties pour assister à un opéra ne revêtent plus aujourd’hui les mêmes fastes vestimentaires qu’autrefois. L’opéra s’est démocratisé et n’implique plus de règles formelles, sauf celle d’avoir une tenue descente, mais sans être de circonstance… Toutefois, si tel est votre plaisir, alors faites-le !

Le prix des places est sûrement l’un des désaccords majeurs qui freine la démocratisation de l’opéra. La location des lieux, le cachet - parfois exorbitant - de quelques chanteurs et chanteuses, la figuration, le grand orchestre, les chœurs, sans oublier les décors somptueux alliés à des effets de lumière, le matériel son, et tous les techniciens indispensables (ingénieur du son, éclairagistes, machinistes), justifient ou expliquent parfois que des places dépassent les 200 €. Cependant, si vos exigences sont minimes, si le fait de ne pas être dans les premiers rangs ne vous semble pas insurmontable, alors il est possible de trouver des places aux alentours de 50 €, voire moins, dans de nombreux spectacles.

Néanmoins, le prix des places n’est pas la seule cause de cette dissension envers l’opéra, car l’opéra, qui joue trop souvent cavalier seul, ne sait pas toujours très bien se renouveler ou s’adapter. Lors d'une retransmission télévisée (ou d'une lecture DVD), l’opéra souffre des mêmes défauts que le théâtre filmé. En misant alternativement sur des plans larges ou serrés, nécessaires pour ce genre de réalisation, l’opéra à grand spectacle peut être traduit maladroitement.

D’autre part, assister à une représentation qui peut durer plusieurs heures demande une mise en condition et une mise en relation avec un univers qui conserve, malheureusement , une part d’élitisme, parfois condamnable, capable de freiner l’ardeur de celui qui souhaite découvrir avec simplicité ce domaine artistique. Ce n’est donc pas un hasard si des spectacles plus avenants, comme les comédies musicales, ont autant de succès. C’est une question de « com » diront certains, et pas uniquement une question de musique ou de tarif !

Par O. Bellamy (Cadence Info- 05/2014)


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