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CHANSON

AMADOU ET MARIAM BIOGRAPHIE PORTRAIT - DES CHANSONS VENUES DU MALI

Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia sont deux artistes maliens très populaires dans leur pays. Remportant en France plusieurs prix aux « Victoires de la musique », ils ont déjà à leur actif une importante carrière jalonnée de plusieurs albums singuliers aux confins de la world music… Unis sur scène et dans la vie, le couple Amadou et Mariam enchantent par leurs paroles toutes simples et leur musique très dansante.


UN DIMANCHE À BAMAKO

Le dimanche à Bamako, c’est le jour des mariages, les grandes et les petites percussions résonnent de partout… En cet été 2005, un titre va devenir incontournable, Beau dimanche. Dansant, aux couleurs africaines, le titre passe de partout, à la radio, à la télé. On le chante et on le danse dans toutes les fêtes. Avec son rythme allègre, sa mélodie entêtante, ses paroles toutes simples, il a vite fait de s’ancrer dans les mémoires. En l’écoutant, l’envie de danser s’empare de vous. Grâce à cette chanson, Amadou et Mariam vont connaître un réel succès, un succès qui va dépasser les frontières du Mali et conquérir de nouveaux espaces.

Leurs chansons, si joliment naïves, même quand elles abordent la politique, restituent parfaitement l’ambiance colorée d’une Afrique gaie et chaleureuse. Elles sont à l’image de leur couple, authentiques. Pour ces deux artistes hors norme, le succès rencontré par Beau dimanche n’est en fait pas le premier. Cinq ans auparavant, une première chanson, Mon amour, ma chérie, avait montré la voie. Leur amour évident et touchant y est certainement pour beaucoup dans l’affection du public, mais leur persévérance également...


UNE RENCONTRE AUTOUR DE LA MUSIQUE

Pour Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, leur histoire a commencé là où ils sont nés, à Bamako, il y a près de quarante ans. Tous deux étaient alors étudiants dans un Institut spécialisé pour jeunes aveugles (Amadou a perdu la vue à l’adolescence et sa compagne à l’âge de cinq ans), et c’est là qu’ils ont développé une passion commune qui n’allait plus les quitter : la musique.

Amadou, après avoir testé la flûte et l’harmonica, adopte finalement la guitare, un instrument qu’il ne quittera plus. Ses influences musicales sont claires. Amadou, tout en pratiquant les musiques traditionnelles de son pays, aime s’adonner au rock comme au blues. Dès l’adolescence, il vit ses premières expériences musicales aux sons de quelques orchestres de danse. Armé de sa guitare portée en bandoulière, Amadou devient un solide musicien accompagnateur et animateur lors des fêtes de village (professionnellement, il jouera dans l’orchestre ‘Les ambassadeurs du motel de Bamako’ dirigé par Idrissa Soumaoro et comprenant dans ses rangs Salif Keïta). Quant à Mariam, sa voix résonnera dès l’enfance aux sons de quelques chansons maliennes et françaises qu’elle connaît par cœur et qu’elle chante à l’occasion des baptêmes ou des mariages.

C’est en jouant au sein de l’orchestre de l’Institut pour aveugle (Eclipse Orchestra), que des liens plus intimes vont rapidement se nouer entre eux, si bien que quelques années plus tard, et malgré l’inquiétude de leurs proches, ils décident de se marier pour fonder une famille. « Quand on s’est rencontré, en 1975, tout de suite, ça a été le coup de foudre », raconte Mariam. Depuis, ils ne se sont jamais quittés, menant leur carrière en commun, d’abord au Mali et en Côte d’Ivoire, avant de conquérir la France et d’autres pays.

© Photographe Jérôme - Amadou et Mariam (2005)


DU MALI À L’INTERNATIONAL

En 1986, poussé par le succès naissant, ils quittent leur sol natal pour venir vivre à Abidjan, espérant trouver en Côte d’Ivoire des moyens plus importants pour se produire. Leur rencontre avec le producteur nigérien Maïkano va être déterminante. Grâce à ce dernier, ils enregistrent plusieurs chansons qui seront éditées en cassettes. Malgré une distribution locale et confidentielle, Amadou et Mariam ne perdent pas espoir et tous deux s’engagent dans de nombreuses prestations scéniques, ce qui leur donnera l’occasion de rencontrer quelques artistes phares de la soul music comme la formation Kool and The Gang ou le chanteur Stevie Wonder.

Même si lors des concerts ils reçoivent de la part du public beaucoup de gratitudes et d’estimes, Amadou et Mariam sont conscients qu’ils doivent conduire leur carrière autrement. Une première occasion leur est donnée en 1994 en étant invités à Paris pour enregistrer quelques titres. Malheureusement, les bandes ne seront jamais éditées. Ils ne savent pas encore qu’ils devront attendre plusieurs années pour voir enfin leurs efforts récompensés…

Enregistré cinq ans plus tard, en 1998, et toujours à Paris, un CD baptisé Sou Ni Tilé (Nuit et jour) est distribué. Le disque contient le titre Mon amour, ma chérie, véritable hymne à l’amour : « Quand je suis dans mon lit / Je ne rêve qu'à toi / Et quand je me réveille / Je ne pense qu'à toi / Je pense à toi, mon amour, ma bien aimée / Ne m'abandonnes pas, mon amour, ma chérie. »

Le succès est immédiat. Amadou et Mariam surnommé, en raison de leur cécité, « Le couple aveugle du Mali », se voient invités dans plusieurs festivals dont les Transmusicales de Rennes et le Festival international de Louisiane (en Allemagne). Tout s’enchaîne…

En 1999, un nouvel album paraît (Tje NI Mousso – L’homme et la femme). La carrière démarre sur les chapeaux de roues. Dès lors, plus rien ne semble vouloir résister à cette frénésie musicale. Après les Eurockéennes en 2001, c’est au tour de la ville de Los Angeles de les réclamer. Puis ce sera le Festival de Montreux avant de retourner au Mali pour une tournée triomphale.


AMADOU ET MARIAM - BEAUX DIMANCHES

RETOUR « DIMANCHE À BAMAKO »

Depuis déjà quelque temps, un artiste français est sensible à leur univers. Il se nomme Manu Chao. Pour cet ancien leader de la Mano Negra, passionné de voyages et d’aventures, les chansons d’Amadou et Mariam portent en elles quelques évidences : celui de la simplicité et de la générosité. Un bain de jouvence auquel Manu Chao souhaite prêter concours en travaillant avec eux.

La petite équipe ainsi formée commence à œuvrer sur de nouvelles chansons. De cette association va naître l’album Dimanche à Bamako en 2004. La musique produite est encore plus dansante, plus poussive que par le passé, ce qui permet à Amadou et Mariam de toucher un public beaucoup plus large. De cette aventure, le couple remportera le prix du meilleur album world de l'année des 'Victoires de la Musique'. Il s’ensuivra de nombreuses dates en France ; ce qui permettra à Amadou et Mariam de partager avec le public français leur univers, faisant souvent salle comble dans les petites salles comme dans les grandes. La vente du disque Dimanche à Bamako témoignera de cette ferveur en devenant quelques mois plus tard 'disque de platine'.

Dans le milieu de la « chanson branchée » d’autres artistes ne sont pas insensibles à leur succès… De la collaboration avec Fred Chichin des Rita Mitsouko naîtra en 2005 la chanson Coulibaly. Ensuite, ce sera au tour du DJ Mo de remixer certains titres. Pour Amadou et Mariam, l’accession au succès international est déjà là, et le couple est invité à participer à l’Africa Soul Rebel Tour où les attendent des artistes comme Tony Allen, Fat Boy Slim, Emmanuel Jal ou Rachid Taha. Amadou et Mariam vont ainsi partager leur temps entre collaborations et tournées internationales ; des « tours » qui les conduiront d’Angleterre en Australie en passant par les États-Unis et le Canada.


AMADOU ET MARIAM, UN COUPLE PORTEUR DE MESSAGES

Leur popularité grandissante les conduira à répondre à de nombreuses sollicitations, dont les plus prestigieuses seront celles du concert pour le prix Nobel de la Paix en 2009, décerné cette année-là au premier président américain de couleur Barack Obama, et à l’ouverture de la Coupe du monde de football se tenant en Afrique du Sud l’année suivante. Amadou et Mariam deviennent aussi de légitimes représentants de quelques causes humanitaires, comme celui du droit des femmes ou de la cécité qu’ils défendent lorsqu’une occasion se présente (leur concert dans le noir le plus complet au New Century Hall à Manchester fera date et marquera les esprits).

En 2008, comme pour témoigner de leur attachement à la mixité des cultures, le couple malien s’entoure d’artistes venant d’horizons divers pour produire leur nouveau disque Welcome to Mali : le rappeur K’Naan, le reggaeman Tiken Jah Fakoly sans oublier des chanteurs comme Keziah Jones et un dénommé Mathieu Chedid. Du disque, s’échappera la musique épurée de la chanson Sabali où perce la voix haut perchée de Mariam… avec les racines africaines en moins diront certains, le cœur amer.

En fait, à force d’évoluer, le style « Amadou et Mariam » n’est plus aussi authentifiable que par le passé. De plus, on est en droit de s’interroger quand l’album Amadou & Mariam remixes sort en décembre 2010. L’album qui rassemble de nombreux « bidouillages » réalisés par des artistes comme Bob Sinclar ou Yuksek étaient-ils vraiment nécessaires ?

Pour Amadou et Mariam le plus important ne se situe pas dans une critique acerbe d’une quelconque production discographique, non, le plus important se situe ailleurs, sur la scène, là où le public les attend. C’est là qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. La scène qu’ils arpentent inlassablement depuis si longtemps est devenue pour eux un lieu de rencontre. C’est dans ces moments-là que la magie opère, au contact d’artistes aussi différents que le chanteur allemand Herbert Grönemeyer, le guitariste David Gilmour ou la pianiste et chanteuse Alicia Keys. C’est de ces rencontres que naissent leurs messages porteurs d’espoir, et qu’ils se félicitent de partager au nom de l’amour et de la solidarité avec un public qui les suit l’âme conquise.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2014)


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