ANTOINE DAUVERGNE, UN COMPOSITEUR OUBLIÉ
Antoine Dauvergne
Brillant violoniste et digne fils d'un maître de l'instrument, Antoine Dauvergne est dans la lignée d'un Locatelli ou d'un Leclair. Malgré ces références, son nom serait aujourd’hui peut-être oublié si quelques passionnés du 'centre de musique baroque de Versailles' ne l’avaient pas ressuscité en exhumant des œuvres représentatives de son style, jamais reprises depuis leur création.
Né en 1713, trente ans après Jean-Philippe Rameau, à Moulins dans l'Allier, Antoine Dauvergne aura eu une belle longévité puisqu'il s'éteint en 1797, dix ans après le bavarois Gluck. Entre ces deux figures importantes de l'histoire de l'opéra, Rameau et Gluck, le compositeur Dauvergne a comme occupé un rôle de passeur, dont la finalité est d'être généralement mal récompensé par ses contemporains, mais aussi pour la postérité !
On reprochera Dauvergne ses concessions opportunistes aux nouvelles formules en vogue. Les partisans du drame lyrique réformé par Gluck se détournent alors de ce musicien trop timoré, prisonnier de l'ancien régime esthétique et de son étiquette surannée de spectacle de cour. Dauvergne sera considéré comme un retardataire qui n'a pas su rallier la révolution en marche.
LES TROQUEURS
Le succès des Troqueurs, l'un des rares ouvrages à avoir survécu, repose sur un malentendu. En effet, l'amusant subterfuge - utilisé depuis - et que va employer Dauvergne pour être exécuter en pleine période d’Italomanie est de présenter Les Troqueurs comme l'œuvre d'un Milanais résidant à Vienne et connaissant bien notre langue. Le succès éclatant et durable qui accueillit cet ouvrage irrita violemment les Bouffons lorsqu'ils découvrirent la supercherie, car il était désormais prouvé que nos compatriotes étaient capables de briller dans ce genre aimable dont les artistes transalpins prétendaient posséder seuls le secret.
Aussitôt de nombreux musiciens français s'empressèrent de cultiver une réplique française de l'opéra-buffa qui allait devenir l'opéra-comique. Dauvergne n'avait fait que rendre indiscutable une vérité que l'on était en train de soupçonner : l'aptitude évidente des musiciens français à traiter musicalement des comédies légères.
On avait pu constater également que la Serva Padrona (la servante maîtresse) de Batista Pergolesi, qui n’avait pas obtenu à Paris un bien grand succès lors de sa première apparition en 1751, n’avait triomphé, trois ans plus tard, que lorsque l’interprète Mlle Favart l’eut « francisée » en la retouchant, en l’agrémentant d’un dialogue versifié et en l’enrichissant de trois nouveaux airs dont, si l’on en croit Henri de Curzon, Pergolèse n’était pas l’auteur.
ANTOINE DAUVERGNE : ÉNÉE ET LAVINIE (Le chœur "Quel bruit affreux se fait entendre...")
par 'Le Concert Spirituel' sous la direction de Hervé Niquet
DAUVERGNE, LE CONTINUATEUR
Dès ses premières compositions, Antoine Dauvergne reçoit de Rameau un parrainage chaleureux en lui indiquant une feuille de route qu'il doit suivre impérativement : maintenir la suprématie et la spécificité de la tragédie lyrique à la française, entre divertissements dansés, déclamation et intermèdes orchestraux. Dauvergne s'y emploiera à la façon s'un compositeur de tragédies sérieuses, tout en occupant le poste de directeur de l'Académie royale de musique.
À ce second poste qu'il occupe de 1769 jusqu'aux premières heures de la Révolution, Dauvergne maintiendra un répertoire de titres anciens - ceux de Lully et de ses continuateurs immédiats : Campra, Marin Marais, Destouches et Rameau. Le compositeur revisitera leurs œuvres en ôtant ou en modernisant si possible ce qu'il juge dépassé.
Dauvergne s'efforcera de maintenir la tradition lyrique héritée du grand siècle, notamment par le choix de ses sujets, souvent inspirés de la mythologie grecque et romaine. À la fin de sa vie, il obtiendra ses lettres de noblesse en étant nommé "chevalier de l’ordre de Saint-Michel".
Le répertoire d'Antoine Dauvergne comprend des œuvres scéniques (Les Troqueurs, Isis, Hercule mourant, Polyxène, Alcyone...), des œuvres vocales et sacrées (Miserere mei Deus, Cantate Domino, Exultate Deo...) et des œuvres instrumentales (Douze Sonates pour violon seul et basse contine, Concerts de symphonies...)
Par Patrick Martial (Cadence Info - 06/2019)
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