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JAZZ ET INFLUENCES

ARMEL DUPAS : BRODERIES AUTOUR D’UN PIANO SOLITAIRE

Il n’est pas courant, notamment dans le domaine du jazz, qu’un album consacré à du piano solo soit composé et interprété respectivement par deux artistes différents : le pianiste Armel Dupas et la compositrice Lisa Cat-Berro. De cet échange entre interprète et auteur est né Broderies, un album imprégné de nostalgie et de douceur.


« BRODERIES », UN ALBUM DANS UNE VEINE NÉO-CLASSIQUE

Pour le pianiste Armel Dupas, la conception de l’album Broderies serait-il né du désir de retrouver quelques émotions mélancoliques issues de l’enfance ? Peut-être bien ! En fait, que nous offre cet album ? Un piano solitaire et onze courtes pièces écrites et jouées sans improvisation, dépouillées de toute écriture artificielle. Ensuite et surtout, celui d'écouter un univers sonore à la fois intimiste et cinématographique qui nous renvoie aux grands maîtres impressionnistes tels Satie (Tourmaline) ou Debussy (Berceuse). Un saut dans le passé livré comme une parenthèse hors du temps, qui cherche à nous emporter et à nous émouvoir.

Quoi qu’il en soit et quelle qu’en soit la raison, l’album Broderies ne peut laisser indifférent les amoureux du piano, car il semble sans véritable port d'attache en étant ni vraiment jazz, ni vraiment classique, mais seulement là où l’émoi affûte la raison. Cela transparaît dans des pièces comme Utopia et Broderies, quand les traits mélodiques gravés sous les doigts d'Armel Dupas laissent la délicatesse s’écouler note après note.

Un tel résultat ne pouvait naître sans amitié et complicité entre l’interprète et la compositrice. Lisa Cat-Berro a visiblement orienté sa musique en conséquence, déliant la mélodie et faisant virevolter les harmonies à l’occasion. Ainsi, dans un tempo enlevé retentit Obsidienne, une suite de variations s’amusant à moduler de tonalité en tonalité. Puis, dans un autre registre intervient le thème Améthyste avec ses facettes tranchantes : chant à la main droite et accompagnement cadencé de l’autre main ; une présentation quelque peu sommaire soit, mais qui manifeste tout comme Chanson pour la pluie ou Eternal Spring un retour à l’essentiel tout en suivant le fil conducteur de l’album et son esthétique. Tout concorde pour que la sensibilité du jeu d’Armel Dupas soit toujours en éveil. Jeanne d’Arc, autre « adagio » d’une suavité exquise, conclu cet album aux allures post-romantiques.


ARMEL DUPAS : BRODERIES

L’UTILISATION D’UN PIANO DROIT

L’autre surprise provient du piano utilisé. Il est rare dans un tel projet de faire appel à un piano droit, quand par habitude ou par principe un modèle à queue s’impose généralement ; l’étroitesse sonore et parfois les bruits mécaniques de l’enregistrement nous le rappelle. Cependant, ce piano-là possède une histoire, du moins pour Armel Dupas, puisqu’il n’est autre que celui de son enfance.

À première vue, le risque couru était de voir la sonorité du piano naviguer sous la « barre de flottaison », c’est-à-dire insuffisamment ample et profond pour justifier la présence d’un modèle à queue, or ce n’est pas le cas ici ! Le style des compositions s’harmonise parfaitement avec la sonorité du piano utilisé ; celui-ci apportant même un cachet sonore, une singularité bienvenue qui, contre toute attente, disqualifie finalement le maniement d’un modèle à queue. Enregistré dans le studio du jeune label ‘Stereodisque’, un tel résultat sonore a nécessité l’intervention d’un préparateur de piano, Bastien Herbin, qui a veillé à ce que la sonorité de l’instrument soit aussi juste qu’authentique.


À PROPOS D'ARMEL DUPAS

Par le passé, le pianiste Armel Dupas a croisé sur sa route quelques musiciens de jazz : le batteur Georges Paczynski, la violoniste Fonia Monbet, la chanteuse Sandra Nkaké et le contrebassiste Henri Texier (sextet Sky Dancers). Parallèlement à cette activité de sideman, il aborde la musique de films par l’intermédiaire du directeur artistique de 'Naïve Records', Patrick Shuster. Seul ou en collaboration, Armel a composé notamment la musique des films suivants : Dans Paris, de Christophe Honoré (2006), Un conte de Noël, d’Arnaud Desplechin (2008) ou encore L’écume des jours, de Michel Gondry et Étienne Charry (2012).


En 2013, le pianiste entreprend une carrière sous son nom, d’abord comme coleader avec le batteur Corentin Rio (duo WaterBabies) Un album est enregistré, Inner Island, qui devient la ‘Révélation Jazz Magazine’. Puis c’est l’indépendance assumée avec l’album Upriver en 2015, suivie de l’aventure où accostent les sons électroniques des synthétiseurs. Deux musiciens l’accompagnent : le bassiste Kenny Ruby et le batteur Mathieu Penot. Leurs capacités multi-instrumentistes permettent au trio d’ouvrir les champs du possible, à la fois électro pour le son et rock progressif côté structure (album A Night Walk – 2017). Enfin, l’année 2019 est celle de l’épure, d’une musique délicate dessinée pour un piano solitaire bravant l’intime avec Broderies.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 04/2019)

LES TITRES DE L’ALBUM "BRODERIES"

  • Utopia
  • Broderies
  • Chanson pour la pluie
  • Améthyste
  • Tourmaline
  • Berceuse
  • Hokkaido
  • Last dance
  • Eternal spring
  • Obsidoenne
  • Jeanne d’Arc

Armel Dupas
Album Broderies
Chez 'Stereodisque'
Sorti le 29 mars 2019.

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