FRANCESCO BEARZATTI ET LE TINISSIMA QUARTET : MONK’N’ROLL, UN OPUS TRÈS TENDANCE

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’un disque de jazz bop. Monk'n'roll s'appuie sur un métissage musical avec des ossatures de musique binaire, pop et rock, dans lesquelles viennent se greffer des compositions du pianiste. Par exemple, les auditeurs pourront goûter au thème Walked Bud, mais à la sauce Billy Jean. Les harmonies et la rythmique du célèbre morceau – basse, batterie – sont conservées, tandis que les mélodies de Monk et de Jackson – jouées par la trompette et le saxophone - croisent le fer en utilisant les passages mélodiques 'clés' de chaque composition. Idem pour Lou Reed et son fameux Walk on the Wild Side qui hérite du thème Criss Cross, avec la même façon d’utiliser les emprunts et de les exploiter. Mais si vous préférez entendre Round Midnight via Walking on the Moon du groupe Police ou Bemsha Swing mélangé à Another One Bites the Dust de Queen, Monk'n'roll le propose également.

La démarche est originale et ne peut que séduire les adeptes de musiques fusionnelles. Mais attention, si les rythmiques sont essentiellement binaires, la musique jouée par le quartet Tinissima n’a rien à voir avec une quelconque musique jazz-rock, car la tonalité générale du disque est vraiment jazz. Les chansons pop-rock des années 70/80 servent en quelque sorte de transfuge pour la jeune génération qui ne connaîtrait pas l’univers de Monk... Le disque aurait-il des vertus pédagogiques ?

DU MONK SANS PIANO

Le principal paradoxe du disque Monk’n’roll vient du fait qu’il n’y a pas de pianiste. En effet, le quartette dirigé par Bearzatti comprend Giovanni Falzone à la trompette et aux « effets humains », Danilo Basso à la contrebasse et basse électrique et Zeno de Rossi à la batterie et aux percussions. Un affront, diront les nombreux admirateurs du pianiste. Il fallait donc oser, d’autant plus que dans l’inconscient collectif la littérature musicale de Monk est fortement imprégnée de touches noires et blanches.

De Round Midnight à Straight no Chaser, la plupart des standards de Monk sont là. Seize titres en tout, avec un Misterioso qui apparaît à quatre reprises et qui sert d’intermède musical. Francesco Bearzatti s'offre ainsi une lecture très personnelle de l'œuvre du pianiste et compositeur disparu il y a 31 ans. Le saxophoniste et ses compagnons surfent sur les phrasés mélodiques bop comme si leur couleur particulière avait été intentionnellement pensée pour s’acoquiner un jour avec les classiques de la pop music… Bearzatti précise : « La relation entre Monk et le rock se fait à travers le blues, et c’est là que nous avons trouvé la matière pour permettre ce collage… On était comme quatre gamins qui s’amusent à expérimenter, exactement comme si on avait encore 16 ans ! »

Sous d’hallucinants riffs de sax et trompette, Monk’n’roll est une belle réussite, d’autant plus que l’exercice qui consiste à marier les genres 'classique/jazz', 'classique/rock' ou jazz-rock ne sont pas toujours exempt de reproche !

BEARZATTI 4TET : BILLY JEAN (LIVE)

MONK’N’ROLL – FRANCESCO BEARZATTI TINISSIMA 4TET

01 - Misterioso
02 - Bemsha Swing
03 - Bye-Ya
04 - Green Chimneys
05 - Misterioso
06 - Trinkle Tinkle
07 - Round Midnight
08 - In Walked Bud
09 - Misterioso
10 - Brilliant Corners
11 - Straight No Chaser
12 - Crepescule With Nellie
13 - I Mean You
14 - Misterioso
15 - Blue Monk
16 - Criss Cross

Francesco Bearzatti Tinissima 4tet CD: Monk’n’roll
(CamJazz/ Harmonia Mundi).

Par Elian Jougla (Cadence Info - 03/2013)