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INSTRUMENT ET MUSICIEN

LE 'VIOLON TROMPETTE' OU VIOLON STROH, HISTOIRE

Devenu de nos jours une curiosité, le violon stroh a été très utile à une époque où la sensibilité des enregistrements n’avait pas les mêmes dispositions qu’aujourd’hui…


LE POURQUOI DU 'VIOLON TROMPETTE'

À la fin du 19e siècle apparaissent les premiers enregistrements sur rouleaux. Cet ancêtre du disque, qui provoque aussitôt un énorme engouement, devait « fidéliser » toute une partie du catalogue classique et des chansons populaires. L’un des premiers problèmes majeurs rencontrés était de pouvoir capturer non seulement la voix du chanteur, mais aussi les instruments qui l’entouraient en conservant un volume équilibré de part et d'autre.

La prise de son devait s’effectuer dans l’axe du pavillon évasé du phonographe (qui servait de microphone), mais jamais trop en dehors de son champ au risque de ne plus rien entendre ou presque. Seuls les instruments à forte dynamique passaient l’examen sans problèmes. Pour les autres, la seule solution consistait à ce que le musicien se place au plus près du pavillon au moment où il devait intervenir.

Conditions d’enregistrement d’époque : la chanteuse au plus près du pavillon et les musiciens tout autour.

Ce va-et-vient des musiciens solistes autour du phonographe posait d’énormes problèmes. Nous étions loin de ce qui se pratique de nos jours où il suffit de pousser quelques potentiomètres pour obtenir une balance sonore correcte en face d’un grand orchestre… Au début du 20e siècle, tout était encore à inventer et la procédure d’enregistrement tenait de l’amateurisme.

Pour enregistrer un son, les premiers inventeurs estimaient que l’oreille humaine avec sa forme constituait un laboratoire d’étude à elle seule. De ce point de départ, une « caricature » de son anatomie et de son principe de fonctionnement est alors étudiée. Pour faire simple, le pavillon évasé correspond à la partie externe de l’oreille et capture les ondes sonores qui passent à sa portée. Ensuite, celles-ci se dirigent vers un diaphragme qui vibre sous leur effet (il symbolise le tympan de l’oreille) et un système mécanique relaie les oscillations recueillies à un stylet muni d’une aiguille posé sur un rouleau de cire qui, en tournant sur lui-même, grave les sons.


LE VIOLON STROH EN REMPLACEMENT DU CLASSIQUE VIOLON

Parmi les instruments à enregistrer et à faible dynamique, il y avait le violon. Ce n’était pas le seul de l’orchestre, mais sa présence était indispensable à bien des musiques. L’enregistrement, pourtant encore balbutiant, conduisait déjà les pas des musiciens, luthiers et techniciens à rechercher une solution à laquelle Stradivarius et Paganini n’avaient pas été confrontés en leur temps : l'équilibre sonore lié à la prise de son.

En 1899 à Londres, un ingénieur d’origine viennoise, August Stroh, dépose le brevet d’un instrument tenant à la fois du violon et du cornet : le violon stroh. Surnommé également le « violon trompette » ou le strohviol, l’instrument conçu par ce chercheur n’est pas sans rappeler la vièle sorud du Baloutchistan, instrument populaire qui se joue accroupi avec un archet.

© Mathieu Clabaut - Un violon stroh

L’idée retenue est la suivante : au lieu d’utiliser la classique caisse de résonance en bois qui sert d’amplificateur, Stroh décide de la remplacer par un corps rigide - pour maintenir la tension des cordes – et par un pavillon qui fait office de résonateur.

L’autre modification majeure de cet instrument atypique concerne le chevalet dont les pieds sont fixés sur un axe lui permettant d’osciller latéralement. La vibration de la corde du violon est transmise au chevalet, puis relayé par celui-ci à une membrane rigide placée à l’entrée d’un pavillon acoustique en cuivre qui a pour fonction d’amplifier le signal sonore comme le ferait un classique haut-parleur.

Le son obtenu par le strohviol est légèrement nasillard. Contrairement à un classique violon qui produit un son omnidirectionnel, le strohviol, avec son pavillon en forme d'entonnoir, produit un son très directif comme peuvent l’être une trompette et un trombone.

À l’époque des enregistrements sur rouleaux, ce rayonnement sonore très directionnel procurait un avantage certain quand le musicien jouait bien en face du pavillon du phonographe. Le strohvol permettait de transmettre une puissance sonore supérieure au violon sans subir de perte. Toutefois, cette directivité se retournait contre le violoniste qui percevait mal ce qu’il jouait et Stroh dut intervenir pour placer un pavillon secondaire, plus petit et orienté vers l’oreille du musicien.


FACE À L’APPARITION DU MICROPHONE

August Stroh ne devait pas s’arrêter en si bon chemin en concevant sur le même principe un « violoncelle stroh », une « contrebasse stroh » et même un « ukulélé stroh », sans toutefois obtenir le même succès. Avec l’apparition du microphone vers 1925, l’utilisation du « violon trompette » ne devenait plus nécessaire, du moins concernant l’enregistrement.


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Une utilisation contemporaine du violon stroh

Malgré cette courte période « héroïque » qui a duré tout de même un quart de siècle, le violon stroh n’a jamais vraiment disparu totalement du circuit des musiciens. Même s’il parade aujourd’hui au cœur de quelques musées consacrés aux instruments, il est toujours utilisé dans quelques musiques traditionnelles, notamment roumaine, et ce pour les mêmes raisons qui l’ont fait naître : se faire entendre !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 04/2021)

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