L'info culturelle des musiques d'hier et d'aujourd'hui
CHANSON

BIOGRAPHIE JACQUES DUTRONC, PORTRAIT COME BACK

1966. À la croisée des chemins du yéyé, sans en être un, et du rock, sans en avoir ni la tenue, ni le comportement, Jacques Dutronc impose déjà un style à contre-courant : bien coiffé avec veste, chemise blanche et cravate assortie. Rien à voir avec un Antoine, aux cheveux longs, contestataire de l’époque, chantant ses Élucubrations ou d’un Johnny Hallyday sur les traces d’un Elvis qui aurait des allures ”frenchy”. Sage, il ne l’est pas vraiment. Bien avant Serge Gainsbourg, il provoque à sa façon sans en avoir l’air.


DUTRONC… ET MOI, ET MOI, ET MOI

Et moi, Et moi, Et moi n’est pasréellement une chanson pour danser, ni une chanson littéraire. Le texte, signé Jacques Lanzmann est sarcastique, mais sans être dépourvu d’intérêt à une époque où les Chinois n’ont pas encore proclamé la révolution économique, mais plutôt celle du petit livre rouge de Mao.

Avant que sa voix de titi parisien ne prolifère sur les ondes avec Et moi, Et moi, Et moi et Mini, Mini, Mini, Jacques Dutronc est un guitariste discret au sein d’un groupe qui répond au nom de El Toro et les Cyclones… Tout un programme ! (Alain Chamfort, illustre inconnu, est de l’aventure). À la lecture des textes de Lanzmann, Dutronc propose des musiques aussi simples que dépouillées. L’admirateur de Django Reinhardt imprime un rythme certes pompier, mais qui colle parfaitement aux textes de Lanzmann. C’est ainsi, que du jour au lendemain, le musicien effacé devient une vedette adulée.

Ensuite, les Maxi 45 tours (4 titres) s’enchaînent. Le “tchip-tchip” des Play-boys parodie le style séducteur alors que le chanteur devient crooner dans J’aime les filles.

On nous cache tout, on nous dit rien… les textes sont moqueurs, ironiques, voire à message sociologique et épousent parfaitement le style décontracté du chanteur. Les différentes chansons brouillent les pistes et Dutronc, finalement, se dévoile très peu… Ce n’est pas son tempérament. D’ailleurs, Jacques Dutronc goûte peu aux galas. Usant de son charme ambigu et du côté beau gosse trop malin, il joue le modeste non sans arrogance. Il est devenu une vedette, assurément, mais il n’est pas dupe des médias qui le cernent parfois d’un peu trop près. Il en joue de temps en temps, quitte à se grimer lors de séances photographiques.

© W. Veenman - Jacques Dutronc (1966)


DUTRONC 68… TOUT EST DANS LE DÉCALAGE

1968. Au printemps de la même année qui allait voir naître un vent de protestation dans tout l’hexagone, une chanson douce résonne dans les radios Il est cinq heures, Paris s’éveille. Ce n’est pas LE tube de l’époque, mais une chanson qui s’impose rapidement comme un classique de la chanson française. Le texte de la chanson, porté par la voix de Dutronc, et à laquelle répond une flûte magique, évoque l’ambiance 68, mais sans s’impliquer vraiment.

La chanson Fait pas ci, Fait pas ça, dénonce plus directement la politique Gaulliste en place. C’est le temps de l’Opportuniste, chanson encore plus critique et rebelle, un manifeste ou Dutronc retourne sa veste… toujours du bon côté.

L’après 68. Quelques chansons résonnent encore d’un humour non dissimulé. C’est le temps de L’Hôtesse de l’air ou de la chanson Le dragueur des supermarchés. Dutronc commence à explorer d’autres pistes plus poétiques et bucoliques. Dans La Seine ou La paresse, il chante avec une voix posée et douce, ce qui ne l’empêche pas de continuer à jouer des personnages plus ou moins éphémères. Il pose en smoking et porte le cigare ou se déguise en Arsène Lupin quand il s’agit d’illustrer la chanson de la série télévisée. Il symbolisera même le beauf en portant la moustache. Au début des années 70, le style et la légèreté de ses chansons commencent à ne plus être en accord avec ce que souhaite le chanteur. Le filon n’est pas épuisé, mais le style ne l’amuse plus guère. C’est à ce moment-là que le cinéma s’intéresse à lui.


DUTRONC ET LE CINÉMA

1973. Antoine et Sébastien est sa première participation cinématographique qu’il doit à son pote Jean-Marie Perrier. Dans ce premier film, il incarne un personnage qui lui ressemble étrangement, presque comme un frère. Deux ans plus tard, le film L’important, c’est d’aimer de Zulawski l’immerge dans le monde du show-biz au côté de Romy Schneider. Godard, également, le fait tourner (Sauve qui peut la vie – 1979). Mais ce n’est qu’avec le film Van Gogh de Maurice Pialat (1991) qu’il impose à l’écran un personnage dramatique, tourmenté, bien éloigné de son costume d’amuseur désabusé. Dutronc y apparaît amaigri, filiforme, transformé, au point d’incarner l’artiste peintre avec une vérité plus vraie que nature.

Le cinéma français lui apportera quelques beaux rôles. Lelouch, Mocky et plus récemment Nicole Garcia (Place Vendôme) l’inviteront. Dans la plupart de ses films, Jacques Dutronc donne souvent l’impression d’être un acteur fortuit, toujours en visite. Il n’imprime pas l’image avec le désir farouche de coller à son rôle. Il est Dutronc, c’est tout !

1980. La chanson revient sans qu’on l’attende. Guerre et pets donne le ton. Toujours dans la provoc ! Avec Gainsbourg, qui est devenu un autre spécialiste du genre, Dutronc garde un pied dans la chanson française. Il devient la coqueluche de la nouvelle génération : Daho, Jacno ou Indochine.


 

JACQUES DUTRONC OU L'ART DE LA FARNIENTE

1981. Il s’installe en Corse, sur les hauteurs de Monticello, avec sa fiancée de longue date, Françoise Hardy, qu’il finit par épouser la même année. Cette Corse devient pour lui son havre de paix et son lieu de paresse. Ce fief, il s’en échappe de temps en temps, seulement quand son absence trop prolongée des plateaux de cinéma ou de la scène lui recommande de se manifester à nouveau.

2009/2010. À la fin de l’année 2009, Jacques Dutronc entame une tournée à travers la France. Plus de 50 représentations sont prévues. Serait-ce la tournée des adieux ?… Peut-être pas ! Le personnage entoure ses décisions d’un certain mystère. Dix-sept ans ont passé depuis sa dernière apparition sur scène. Alors pourquoi ce retour ?

Pour son fils Thomas, qui sera bel et bien là, avec sa guitare swing ? Pour se prouver que le chanteur des play-boys d’autrefois est toujours dans le coup ? Ou bien pour attirer la nouvelle génération en chantant des tubes éternels et devenir un "joujou extra" pour nostalgiques de tout poil ?

C’est peut-être tout cela à la fois, le mystère Dutronc.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 06/2011)


RETOUR SOMMAIRE
FB  TW  YT
CADENCEINFO.COM
le spécialiste de l'info musicale