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INSTRUMENT ET MUSICIEN

LA BAGUETTE DU CHEF D’ORCHESTRE, MAIS À QUOI SERT-ELLE ?

Animée et nerveuse ou parfois plus discrète, la baguette est indissociable du nœud papillon et de la queue de pie. La musique classique est son royaume. Mais quel est le rôle de ce petit bout de bois effilé pour qui l’expression « mener son petit monde à la baguette » prend ici tout son sens ?


LA NAISSANCE DE LA BAGUETTE

Il est bien difficile pour un non initié de démêler à première vue la signification de tous les mouvements que la baguette du chef d’orchestre produit. Quelle est cette magie qui permet de façonner le son et de diriger les musiciens d’un simple « coup de baguette » ? D’où vient-elle et surtout quelle importance revêt-elle quand vient le moment de diriger ?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’existence de la baguette n’est pas si ancienne que cela. Au Moyen-Âge et jusqu’à la fin de la période classique, la baguette n’existait pas. Tout comme aujourd'hui, le petit ensemble avait dans ses rangs un musicien qui tenait le rôle de chef d’orchestre. C’était souvent le claveciniste ou le premier violon. Ils donnaient les principales indications aux musiciens pour leur permettre de jouer avec une certaine unité.

Dans les ensembles plus importants, celui qui était chargé de la direction (généralement le compositeur) battait la mesure avec un bâton de direction qu’il frappait au sol. Cette longue et lourde canne trop bruyante et peu pratique pour servir correctement les œuvres des compositeurs allait rapidement être abandonnée ; le bâton de direction pouvait même être dangereux si l’on prend l’exemple de Lully qui se blessera un orteil et qui décédera des suites de l’infection !

© Andre Cros - Claude Manlay (1972)

Jusqu’au 18e siècle, lors des représentations d’Opéra, le chef d’orchestre tournait fréquemment le dos aux musiciens de la fosse et au public, trop occupé à coordonner tout ce qui se passait sur la scène : diriger les chœurs et les danseurs. Mais au 19e siècle, avec les compositeurs romantiques, tout change...

Pour répondre aux souhaits des nouveaux compositeurs et de leurs œuvres ambitieuses, l’orchestre s’organise pour devenir un imposant ensemble symphonique. Face à des partitions toujours plus complexes, il devient alors nécessaire qu’un musicien soit désigné pour prendre la direction de l’orchestre, ceci dans l'intention d’obtenir une interprétation harmonieuse de chaque œuvre à exécuter. Le chef d’orchestre venait de naître officiellement avec la lourde responsabilité de cadrer une masse de musiciens qui doivent jouer un son, une phrase, à un instant bien précis. Et le geste de la baguette est justement là pour inviter les musiciens à le faire !


LE RÔLE DE LA BAGUETTE ET DU CHEF D’ORCHESTRE

Pour se repérer dans une partition, on utilise les mesures et chaque mesure compte plusieurs temps. On aborde ici l’un des rôles joués par la baguette, celui d’indiquer aux musiciens à quel temps de la mesure ils se trouvent. Le mouvement de la baguette est à rapprocher de celui que l’on utilise pour solfier. C’est pratique pour un musicien perdu par manque de concentration ou quand celui-ci maîtrise mal sa partition ; les gestes du chef vont lui permettre de lui donner la bonne cadence rythmique en jetant un simple coup d’œil.

Les gestes doivent être amples, souples, tout en restant précis. Ils ne doivent surtout pas égarer le musicien. Leurs amplitudes apportent une indication utile en agissant directement sur les nuances à produire. Théoriquement, un petit geste guidé à une ou deux mains signifiera l’arrivée d’un passage « piano », tandis qu’un geste de la baguette partant de très haut vers le bas invitera l’orchestre (ou une partie de l’orchestre) à jouer fort.


UNE MASTER CLASS DIRIGÉE PAR PIERRE BOULEZ

La baguette n’est souvent qu’un prolongement des gestes de direction. Elle apporte au chef d’orchestre une meilleure définition de ce qu’il souhaite obtenir de l’orchestre, et pour avoir plus d’expressivité, il peut à l’occasion utiliser la main opposée pour exprimer quelque chose de différent, comme indiquer à un pupitre qu’il doit commencer à jouer.

Toutes ces explications peuvent donner le sentiment que diriger un orchestre semble facile, mais le rôle du chef et de sa baguette ne se limite pas à indiquer le sens de la mesure et les nuances à respecter… Comme il existe différentes manières de jouer au piano, une pièce de Mozart ou de Chopin, il existe différentes façons de diriger une même œuvre.

Respecté, adulé, contesté ou parfois ouvertement critiqué à cause de ses exigences, le chef d'orchestre est surtout un véritable artiste doté de grandes compétences, un maître. En plus de guider l’orchestre, il apporte son interprétation éclairée et personnelle de l’ouvrage, sa vision. Il est là pour décoder les moindres subtilités, les moindres pièges. Les trois grands piliers de la direction d’orchestre du 20e siècle qu'étaient Arturo Toscanini, Leonard Bernstein et Herbert von Karajan, finiront par entériner l’image d’Épinal du maestro à la baguette.

Finalement, cette baguette est-elle vraiment indispensable ? Pas nécessairement, étant donné que les bras et le corps participent des fois d’avantage à la direction que la simple tenue de la baguette. D’autre part, certains chefs n’utilisent que très rarement la baguette, voire pas du tout, à l’image de Pierre Boulez. Mais qu’il utilise la baguette, ses mains, ses yeux ou l’expression de son visage et le balancement de son buste pour diriger, le chef d’orchestre est toujours là pour communiquer le génie du compositeur et transmettre à tous la moindre des émotions musicales. C’est là sa principale mission.

Par Patrick Martial (Cadence Info - 04/2020)


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