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INSTRUMENT ET MUSICIEN

LES INSTRUMENTS UTILISÉS DANS LE JAZZ ET LEUR RÔLE

Comme d’autres styles de musique, la musique jazz est entourée de quelques instruments fétiches. Si elle aime généralement converser avec les cuivres et les percussions, la formule du trio (piano, basse, batterie) lui convient parfaitement dès qu’il s’agit de créer un peu d’intimité… mais quand elle s’enrichit de musiciens, jusqu’à devenir un big band, alors la musique jazz possède une ampleur et une ambition aussi grandes qu’un orchestre symphonique. Cette page part à la découverte de ces instruments qui côtoient son langage…


LES INSTRUMENTS ACCOMPAGNATEURS DANS LE JAZZ

Dans le jazz, les instruments accompagnateurs sont souvent au nombre de trois : le piano, la contrebasse et la batterie (même si de temps en temps un quatrième instrument s’invite : la guitare). Dans cette musique où rien n’est jamais définitif, la formule du trio, pourtant équilibrée, a été parfois remise en question. Le langage jazz n’étant jamais à court d’imagination, des types d’assemblages instrumentaux surprenants, voire déroutants verront le jour : un duo batterie et saxophone (une formule très dépouillée qui naîtra dès 1957) ou celle-ci, plus conventionnelle, une guitare et une contrebasse. Parfois, l’audace ultime sera de livrer à son sort toute une section d’instrument à vents sans autre renfort. Pour les musiciens de jazz, ce genre d’assemblage n’est pas seulement d’une portée expérimentale, c’est aussi une façon de passer à l’acte pour aborder plus sereinement les remises en question, quitte pour cela devoir sacrifier le format traditionnel.

© Tatlin (2015)


LE PIANO

Tout comme le saxophone, le piano a joué un rôle essentiel dans le langage du jazz, avec cet avantage qu’il a su produire de fantastiques albums en solo. De cet instrument, sont nés le ragtime et le stride, deux piliers incontournables de l’histoire du jazz. Avec l’arrivée du swing, puis du be-bop jusqu’au jazz avant-gardiste, l’instrument ne s’est jamais désolidarisé des styles qu’il a épousés. Il a toujours trouvé des pianistes sur sa route pour rendre sa présence indispensable.

L’ORGUE

Dans les églises, l’instrument était sacré, avec le jazz, il devient méditatif. Sa musique de chevet : la ballade, celle du blues qui se construit sur des accords mineurs. L’orgue a occupé dans le jazz une place importante des années 50 jusqu’à la décennie suivante. Le modèle Hammond B-3 est, sans aucun doute, celui qui a marqué plusieurs générations d’organistes, de Jimmy Smith à Joey De Francesco en passant par Barbara Dennerlein, Rhoda Scott ou Keith Emmerson dans la musique rock. Seulement accompagné d’un batteur pour renforcer l’esprit jazz, l’orgue se suffit à lui-même en jouant les basses, les harmonies et la mélodie.

LA CONTREBASSE

Sa présence dans le jazz est assez tardive. La contrebasse apparaît au moment où les petits ensembles se multiplient (au début des années 30). Son rôle a évolué en même temps que le jazz a mûri, passant de l’ombre à la lumière, ouvrant l’harmonie et se lançant dans des solos. Elle est le compagnon fidèle du pianiste et du guitariste.

La contrebasse peut être jouée comme une percussion et produire des effets comme le glissando. Elle peut également sombrer dans une sorte de mélancolie quand un archet se pose sur ses cordes. Malgré toutes ces possibilités et la volonté de ses utilisateurs à ne pas la cantonner dans un rôle restreint, la contrebasse attendra les années 40 pour sortir de l’ombre.

LA BASSE ÉLECTRIQUE

La basse électrique est arrivée dans le jazz tel un transfuge. Installée au départ dans le rock des années 60 où son jeu était encore rudimentaire, la basse électrique va subir un coup de fouet dans les années 70 avec le jazz-rock. De jeunes musiciens vont alors développer pour elle des techniques taillées sur mesure : slap, tapping, etc.

Toutefois, la première raison de sa présence sera liée à des questions de volume sonore, les contrebassistes ayant beaucoup de difficultés à s’entendre jouer dans les grands orchestres (ce qui n’est plus le cas aujourd’hui grâce au petit micro qui se fixe sur l’instrument et qui amplifie ses vibrations).

LA GUITARE ÉLECTRIQUE

Comme la contrebasse, la guitare a subi les charges sonores de la cavalerie (les cuivres). Le passage de l’acoustique à l’électrique se produira bien avant la contrebasse, dès les années 30.

D’abord très « sage » au sein de l’orchestre, se cantonnant à jouer rythmiquement la grille, la guitare prendra de plus en plus d’indépendance au contact de l’amplification. Grâce à celle-ci, la ‘six cordes’ parviendra à occuper de temps en temps le poste convoité de leader dans de petites formations, doublant les mélodies et se lançant dans des chorus.

Incitée par l’explosion de la musique rock, la guitare sera aussi le premier instrument électrique à modifier radicalement sa sonorité par l’adjonction de pédales d’effets (wah-wah, distorsion, delay, etc.). Toutefois, dans leur grande majorité, les guitaristes de jazz abonné à la guitare électrique à caisse creuse – peut-être pour se démarquer du rock qu’ils ont tendance à mépriser- chercheront à s’en préserver.

LA BATTERIE

Au fil de l’histoire du jazz, la batterie n’aura de cesse de se transformer. La grosse caisse deviendra plus petite, les toms se multiplieront, le fût de la caisse claire passera du bois à l’acier, ce qui donnera un son plus sec et plus fort, tandis que le jeu des cymbales se diversifiera.

La batterie doit être considérée comme le ciment de l’orchestre. Son jeu polyrythmique lui permet à la fois d’asseoir le tempo, de marquer les temps forts ou des syncopes à des moments importants. Que la formation soit petite ou grande, la batterie est protectrice du swing. Sans jamais sacrifier à la précision de ses intentions, c’est à elle qu’il appartient de pousser et d’inciter les membres de l’orchestre à faire preuve d’imagination.

Si dans les années 20 et 30, la batterie se contente d’asseoir le tempo, à l’ère du be-bop, elle s’enrichit de nouvelles formules rythmiques en modifiant la répartition de ses fonctions, allégeant son jeu de grosse caisse et renforçant l’usage de ses cymbales et de sa caisse claire. Hormis dans le big band, où elle doit essentiellement poser le tempo, dans les petites formations, son jeu est nettement plus libre, jusqu’à superposer au rythme fondamental du morceau des figures dissociées plus ou moins complexes.

LE VIBRAPHONE

Dans le jazz, le vibraphone joue le rôle d’outsider vis-à-vis du piano. Il lui ressemble, car ses lames sont agencées de la même façon. Tout en étant une percussion, le vibraphone possède une agréable sonorité, ronde et douce. Il a donc toutes les chances pour exposer des mélodies et se lancer dans de brillantes improvisations, ce qu’il ne manque pas de faire quand on lui laisse le champ libre.

Son cousin, le marimba, à cause de ses lames en bois, possède une sonorité beaucoup trop sèche pour venir inquiéter la place occupée par le vibraphone. Dans l’histoire du jazz, quatre grands noms s’échappent : Lionel Hampton, Milt Jackson, Gary Burton et Cal Tjader.


LES INSTRUMENTS SOLISTES DANS LE JAZZ

Depuis la préhistoire du jazz, les instruments à vent règnent en maître. Les plus significatifs sont : la flûte, la clarinette, le cornet, le saxophone, la trompette et le trombone. Leurs rôles sont essentiels en assurant généralement la mélodie et accessoirement les solos ; accessoirement, car à l’intérieur d’un big band tous les souffleurs ne sont pas prédestinés à se lancer dans des acrobaties. Désignés comme musiciens « de pupitre », leur rôle est alors de suivre la partition à la note près.

© Contratempo (2017)

LA FLÛTE TRAVERSIÈRE

La flûte, c’est le raffinement et la légèreté misent au service du jazz.. Dans les big bands, on la perçoit facilement, car c’est elle qui chapeaute de sa sonorité aiguë toute la section de cuivres. Jamais indispensable, mais toujours utile, une seule flûte est capable d’apporter à l’ensemble des vents la petite touche finale. Il est vrai que c’est souvent à cause de ses sons perçants et suraigus que la flûte inspire les arrangeurs.

Livré à elle-même, devenue leadership dans une petite formation, la flûte tient sa place aussi bien qu’un saxophone. De plus, quand son utilisateur éprouve le besoin d’utiliser la technique de l’overblowing, alors la flûte donne toute la mesure de sa puissance expressive et diabolique.

Cependant, les purs flûtistes étant rares en jazz et les disques où la flûte tient la vedette l’étant tout autant, on doit reconnaître que l’instrument, sans être méprisé, n’a pas été élevé au rang qu’il méritait. On peut toutefois lui associer quelques noms : Bobby Humphrey, Eric Dolphy, Joe Farrell, Roland Kirk ou encore Hubert Laws et Yusef Lateef.

LA CLARINETTE

À l’ère du swing, dans les big bands, la clarinette est la reine. Grâce à des chefs d’orchestre et clarinettistes prestigieux comme Benny Goodman, Artie Shaw ou Woody Herman, l’instrument parvient à se hisser au sommet. Avec sa sonorité tranchante, puissante et sa large tessiture, le modèle alto sera idéal pour se charger de la présentation des standards (en son temps, la musique de Nouvelle-Orléans avait fait de même).

Même si, d’une façon générale, les clarinettistes n’ont pas contribué aussi efficacement que les saxophonistes ou les pianistes à l’évolution du langage jazz - ni même dans la composition -, en revanche ils ont favorisé l’image du musicien soliste sur le devant de la scène soutenu par un grand orchestre.

Citons également la clarinette basse, peu répandue, mais qui se remarque dès qu’elle est présente dans une petite formation. L’instrument, à la profonde sonorité rugueuse et vibrante, sera l’invité d’un jazz aux allures contemporaines comme le free jazz ou noyée parmi les instruments électrifiés du jazz-rock.

LE SAXOPHONE

Aucun autre instrument que lui n’a eu dans le jazz un impact aussi puissant. Capable de dialoguer avec l’orchestre avec douceur, il peut l’instant d’après rugir comme un beau diable. Son expression sonore proche de la voix humaine, ses nuances qui le conduisent du piano au forte et inversement, s’accompagnent parfois de subtiles transitions sonores impossibles à réaliser sur les autres instruments à vent. C’est cette singularité expressive qui fait sa force première.

Chaque jazzman, chacun dans sa spécialité (jazz swing, jazz be-bop, jazz hard-bop, etc.) trouvera dans chaque type de saxophone, le modèle qui lui sied : Charlie Parker affectionnera l’alto, tandis que John Coltrane aura bien du mal à laisser son soprano – tout comme Wayne Shorter - pour prendre le ténor, ce dernier étant au demeurant le modèle fétiche de Lester Young et de Coleman Hawkins.

LE CORNET ET LA TROMPETTE

Les deux instruments appartiennent à la même famille, bien que leur sonorité diffère. L’apparition du clairon à valves (appelés également saxhorn) est d’une fabrication récente (début 19e), tout comme la trompette à pistons (vers 1840). Sans entrer dans leur technique de fabrication, la différence provient du tube, qui est cylindrique pour la trompette et conique pour le cornet (donc de forme évasive en se rapprochant du pavillon).

Le cornet va surtout être présent dans les fanfares de la Nouvelle-Orléans. Bix Beiderbecke et Louis Armstrong en feront bon usage, même si ‘Satchmo’ finira par l’abandonner au profit de la trompette. Le cornet connaîtra un passage à vide avant de revenir à la mode dans les années 40 et 50 (Dixieland revival).

La trompette, à la sonorité plus brillante, permettra de développer une technique plus démonstrative. À l’époque du be-bop, puis du jazz cool et du hard-bop, la trompette viendra s’aimanter au sort du saxophone dans les quintettes. Dizzy Gillespie, Miles Davis et Chet Baker restent associés à la trompette jazz pour l’éternité.

N’oublions pas le bugle (ou flügelhorn) à la sonorité plus suave et ronde que la trompette. Un peu plus grosse qu’elle, le bugle a eu tout comme la trompette ses adeptes : Freddie Hubbard, Clarck Terry, Art Farmer, voire Miles Davis qui l’utilisera dans son célèbre album Miles Ahead (1957).

LE TROMBONE

Il coulisse ! C’est même souvent à cela que le néophyte le reconnaît au sein d’un grand orchestre. Cette particularité visible ne facilite pourtant pas la tâche de son utilisateur, car le trombone est plutôt un instrument difficile (il faut notamment apprendre à doser la distance parcourue par l’air insufflé grâce à la coulisse).

Les historiens racontent que c’est le jeu des « tailgaters » de la Nouvelle-Orléans qui aurait déterminé la place qu’occupe l’instrument actuellement dans les orchestres de jazz. En effet, son rôle n’est-il pas d’asseoir l’harmonie (la ligne de basse) au sein de la section de cuivres ? L’instrument n’est-il pas également présent dans les grands orchestres à cause de sa relative rondeur sonore qui, produite en section, contrebalance celle plus agressive des trompettes ?

Parmi les effets sonores qui caractérisent son jeu dans le jazz, on retiendra le glissando (passage d’une note vers une autre proche du barrissement de l’éléphant), le vibrato (courte oscillation d’une note) ou encore l’effet wah-wah obtenu avec une sourdine que le musicien manipule devant le pavillon. Citons les chefs d’orchestre Tommy Dorsey et Glenn Miller en référence, mais aussi les solistes Glenn Ferris, Jay Jay Johnson, Julian Priester et Roswell Rud.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 05/2018)

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