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LA MUSIQUE QUI SOUFFLE DES CARAÏBES : RUMBA, CHA-CHA-CHA ET SALSA

La musique des caraïbes invite aux voyages. À son écoute, on devine ici ou là quelques influences venues d’Afrique. Ses rythmes chaloupés, calibrés pour la danse, nous conduisent directement aux années 50...


CELIA CRUZ, AUX CONFLUENCES DES RYTHMES CUBAIN

Le mambo, le cha-cha-cha, le merengue, puis plus tard la salsa… autant de styles que seul un passionné sait reconnaître sans hésitation. Dans les années 50, la musique des Caraïbes est la musique que l’on écoute et que l’on danse dans les soirées mondaines. Bien que né dans des milieux populaires, le mambo comme le cha-cha-cha enchaînent leur pas et amusent les milieux snobs. Ce déversoir sonore, caractérisé par de nombreuses percussions rehaussées de riffs de cuivres, n’a vraiment pas les caractéristiques d’une musique de concert. C’est avant tout une musique de fête.

Tous les groupes cubains jouent du mambo ou du merengue pour répondre à une demande sans cesse croissante. Avant l’arrivée du rock'n'roll, les orchestres de danse n’auront de cesse d’inventer et de mélanger harmonies et rythmes pour créer de nouvelles combinaisons sonores parfois surprenantes.

De la rumba des années 20 au cha-cha-cha des années 50, la musique cubaine ne cesse d’enflammer les pistes de danse du monde entier. De grands artistes voient le jour, comme Celia Cruz avec la Sonora Matangera qui impose au public ses mélodies aux accents folkloriques empruntés aux chants d’esclaves. Des années durant, Celia Cruz animera la vie nocturne de la Havane en portant à bout de bras toute la puissance de l’âme africaine. Quant aux musiciens et danseurs, ils porteront à la connaissance des touristes leurs rythmes syncopés et leurs danses endiablées.


NEW YORK ET SALSA

En janvier 1959, la séduction change de visage quand Fidel Castro, après deux ans de guérillas, prend le pouvoir. Les casinos ferment, les boîtes de nuit restreignent leurs activités nocturnes. Un rude coup est porté à l’économie de l’île, mais aussi à la culture et aux divertissements. Dès lors, on soupçonne certaines activités liées à la mafia américaine et un embargo en provenance des États-Unis prend place. À la révolution cubaine pleine d’espoir succède une société repliée sur elle-même ; Fidel Castro et son frère Raúl imposant leur vision dictatoriale. Au début des années 60, de nombreux artistes, dont Celia Cruz, se trouvent dès lors sans emploi et tentent leur chance sur le sol américain. Beaucoup ne reviendront plus à Cuba.

En 1966, le musicien et chef d’orchestre Tito Puente invite la chanteuse à New York pour enregistrer un disque de chansons cubaines. Rien d’étonnant à cela puisqu’en quelques années la grande métropole est devenue le vivier de toutes les musiques caribéennes. Bien avant que la salsa n’exige ses propres repères, New York vivait déjà aux rythmes chauds des Iles. Tous les meilleurs musiciens s’étaient donnés rendez-vous dans les clubs et sur scène pour libérer de nouveau leur « son » cubain.

Ce n’est qu’à la fin des années 60 que la salsa naît. Ce courant musical porté par de jeunes musiciens n’est en fait qu’un sulfureux mélange lié à l’immigration cubaine d’une part et à la communauté noire américaine de l’autre ; c’est-à-dire le funk et la soul. Au contact de ces musiques largement diffusées sur les ondes, les artistes cubains vont produire leur propre « sauce » et apporter à leur musique traditionnelle un nouveau souffle en laissant toujours plus de place à l’improvisation et aux solistes.


CELIA CRUZ, TITO PUENTE et PUNCHO SANCHEZ : QUIMBARA

LA RUMBA, UNE VIEILLE HISTOIRE

Si aux États-Unis, l’histoire de la rumba cubaine est une vieille histoire, c’est grâce aux 78 tours importés par les marins dans les années 30/40 que la musique cubaine sera découverte en Afrique occidentale et plus particulièrement au Congo. Les musiciens remarquent alors la similitude entre leur propre musique et celle en provenance de Cuba. De ce hasard naîtra la rumba congolaise.

Pour beaucoup de personnes, la naissance de cette musique proviendrait d’un orchestre de Kinshasa, l’OK Jazz, en 1956. Son fondateur, Franco, qui n’a alors que 18 ans, est déjà un fin observateur du monde qui l’entoure. Il voit les changements de mentalité et de comportements de la société et de la vie citadine congolaise. Franco saisira cette opportunité pour devenir l’un des pères de l’Afrique centrale en étant un des premiers artistes africains à exporter sa musique.


YOUSSOU’N’DOUR ET LE M’BALA

Exporter son succès, voilà à quoi s’est également attaché le musicien sénégalais Youssou’N’Dour. Mais comme Franco, il lui a d’abord fallu imposer son style dans sa propre ville, dans son propre pays. À la fin des années 70, quand le jeune musicien s’impose sur la scène sénégalaise, la plupart des orchestres flirtent déjà, sans concession, avec la musique afro-cubaine.

YOUSSOU'N'DOUR & NENEH CHERRY : 7 SECONDS

Un cousinage musical naturel entoure dès lors la musique africaine à la musique cubaine et inversement. Il y a là comme un air de famille qui capte l’attention. Pour Youssou’N’Dour cette filiation artistique n'est pas suffisante et il va développer avec son grand orchestre Super Etoile, en partant de quelques musiques latino, le m’bala. À une pulsation traditionnelle à base de tumba, il va apporter des couleurs hautement modernes, jusqu’à introduire l’électrification. Une musique populaire devenue aujourd’hui incontournable en Afrique occidentale, dont la particularité rythmique est de ne pas marquer le premier temps.

À partir des années 80, auréolé du succès du m’bala, Youssou’N’Dour comprend qu’il doit s’attaquer au marché international et à une world music naissante. Encouragé et soutenu par le chanteur Peter Gabriel qui voit en lui un artiste de grandes envergures, porteur d’une musique africaine révolutionnaire, N’Dour deviendra le chef de file d’une génération de musicien africain. Devenu le roi du m’bala dans son pays, tout comme Gilberto Gil au Brésil, le chanteur engagé occupera un temps le poste de ministre de la Culture et des loisirs (de 2012 à 2013).

Par PATRICK MARTIAL (Cadence Info - 10/2015)


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