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INSTRUMENT ET MUSICIEN


LE TELHARMONIUM DE THADDEUS CAHILL

Gigantesque, sans aucune mesure avec les instruments numériques d’aujourd’hui, le Telharmonium est considéré comme le premier instrument électrique de l’histoire de la musique. Autant le dire tout de suite, avec son poids de deux cents tonnes, son créateur Thaddeus Cahill n’avait pas eu peur de voir les choses en grand !


LE TELHARMONIUM, LE RÊVE FOU D'UN JEUNE INVENTEUR

C’est en 1893 qu’un tout jeune homme eu la vision totalement mégalomane, mais si prometteuse, de construire un instrument utilisant les récentes avancées dans le domaine de l’électricité. Son nom Thaddeus Cahill. Semblant bien au fait de l’électricité et de ses ressources, Thaddeus envisageait la construction d’une machine capable de créer une infinité de sonorités, avec le secret désir de remplacer petit à petit les instruments acoustiques : flûte, hautbois et autres pianos… de quoi rêver non ?

© American Review of Reviews - Thaddeus Cahill, portrait 1892

Un peu avant, dans les années 1870, deux autres grands visionnaires, Bell et Edison, faisaient la preuve, avec beaucoup de succès, de l’efficacité du téléphone en proposant de retransmettre simultanément et en direct des concerts en plusieurs endroits des États-Unis. De ces deux grandes idées (distance et immédiateté) sont nées le Telharmonium, instrument « complet » et directement connecté aux réseaux téléphoniques pour être diffusé dans le monde entier (une idée qui flirte avec un passé récent et, de toute évidence, encore d’actualité !)


OÙ IL EST QUESTION DE SYNTHÈSE ADDITIVE…

Il a fallu quatre bonnes années pour que le projet aboutisse aux premiers brevets datés du 6 avril 1897. Il y a donc 120 ans et des poussières ! Les éléments de la première version du Telharmonium étaient basés sur les travaux de recherches d’un autre grand inventeur, Hermann Helmhotz, qui publia en 1877 un livre sur différents procédés et phénomènes acoustiques. Cahill, en quête de l’instrument parfait, trouva dans ce livre toutes les théories nécessaires à la réalisation de son rêve.

Le premier principe qui l’incita à construire le Telharmonium fut « une série harmonique, regroupant la fondamentale et toutes les autres composantes harmoniques qui détermine la qualité d’un son et permet en manipulant ces composantes de créer une infinité de sons complexes ». En fait, c’était le début de la synthèse additive.

Le Telharmonium comprenait sept octaves de douze demi-tons et chaque note était construite de six harmoniques. Cahill utilisa des cylindres métalliques dentés (« rheotones ») tournant autour d’un axe dont le diamètre déterminait la fréquence. Lorsque l’on appuyait sur une touche du clavier, les signaux électriques émis par les « rheotones » étaient additionnés et transmis au cornet du téléphone ou à un pavillon afin d’écouter le résultat localement.


« RHEOTONES » ET DYNAMOS

© McClure’s Magazine – juillet 1906 - Les dynamos du Telharmonium (2e version)

Les « rheotones » permettaient de transformer un courant continu en courant alternatif. Le résultat de ce type de contact était plus proche d’un signal carré que d’une sinusoïde. Des bobines d’inductions permettaient d’atténuer le signal carré et le rendaient assez proche d’un son sinusoïdal.

Dans la deuxième version du Telharmonium, Cahill utilisa des alternateurs à la place des « rheotones » pour diminuer ces phénomènes et améliorer la qualité du son.

Alors qu'en 1894 Cahill était admis au barreau pour exercer le droit, dans ses temps libres, il commença à construire un ensemble de dynamos générant chacun un ton différent (photo de droite). Il se rendit compte que les courants de sortie pouvaient être transmis par fil à un récepteur téléphonique, et qu'ils pouvaient l'être partout où les fils pouvaient être acheminés. Cahill imagina alors transmettre de la musique à des milliers d'immeubles situés dans une vingtaine de villes.


L’énorme quantité de matériaux et la structure complètement révolutionnaire pour l’époque ont rendu la réalisation assez longue et laborieuse. Ce n’est qu’en 1906 que le premier Telharmonium verra le jour. Il pesait la bagatelle de 200 tonnes et coûtait la somme fabuleuse de 200 000 $ ! Malheureusement, il n’existe aucune trace sonore de cet instrument d’un autre temps.

© World’s Work – juin 1906 – Mary H. Cahill et Edwin Hall Pierce jouant du Telharmonium équipé de deux claviers superposés. On remarque au-dessus d’eux les deux énormes pavillons disposés en sens contraire et d’où sortait le son.

Il existe aux États-Unis un ouvrage entièrement consacré au Telharmonium, « Magic music from the Telharmonium », écrit par Reynold Weidenaar et édité en 1995 par ‘The Scarecrow Press, Inc’, dont vous trouverez une version numérisée consultable sur Google Books (en anglais)

Par François Giraudon (Cadence Info - 07/2019)

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