C’EST QUOI, LA MUSIQUE BLUEGRASS ?
Reposant sur des traditions héritées des colons blancs, le bluegrass désignait originellement la musique campagnarde jouée au moment où la couleur de l'herbe virait au bleu, c'est-à-dire au crépuscule. Son style hérite d’un mélange subtil entre le vieux country et les chansons des émigrants Écossais et Irlandais. La musique bluegrass est jouée traditionnellement par un orchestre composé d’un ou de deux violons, d’un banjo, d’une guitare, d'un harmonica et d’une contrebasse. Parfois, d’autres instruments viennent renforcer la formation : steel guitar, ukulélé, mandoline et accordéon.
Les caractéristiques musicales du bluegrass reposent essentiellement sur de riches mélodies chantées par des voix en chœur. Bien que son répertoire fasse la part belle aux chansons, il existe de nombreux instrumentaux très entraînants et taillés pour la danse. Dans le bluegrass, la technique instrumentale n’est nullement mise de côté, bien au contraire. Celle-ci développe de temps en temps des passages de grande virtuosité qui ne peuvent être confondus avec ceux de la musique country, beaucoup plus sage et rythmiquement posé.
Musique du cœur et du chagrin, les textes des chansons puisent leur inspiration dans la vie quotidienne et sont généralement d’une grande simplicité. La période de gloire du bluegrass se situe dans les années 30 quand le virtuose de la mandoline Bill Monroe, accompagné par ses Blue Grass Boys, adaptera les rengaines de la "Old Time Music" pour les faire découvrir au public.
Comme d’autres courants musicaux, le bluegrass des années 30 va évoluer. Après la guerre, suite à sa forme « classique » et « mélodique », un bluegrass « progressif » parfois baptisé « newgrass » verra le jour dans les années 60/70 en flirtant avec la musique rock grâce à des groupes comme les Lovin' Spoonful, Nitty Gritty Dirt Band et autres Dillards. Des formations françaises comme Bluegrass Long Distance et New Bluegrass Connection oseront relever le défi en s’attaquant au genre sans avoir à rougir de leurs performances.
En Europe, c’est surtout le cinéma qui va populariser le genre. Le grand public découvre ses sonorités grâce à différentes musiques de films : Bonnie & Clyde (Foggy mountain breakdown de Flatt & Scruggs) et surtout Délivrance (Deliverance), qui marquera les esprits quand le Dueling banjos composé par Arthur ‘Guitar Boogie’ Smith et Don Reno sera joué à l'écran par un jeune garçon (Billy Redden) au banjo et Drew Ballinger (Ronnie Cox) à la guitare.
HANK WILLIAMS
© WSM Radio - Hank Williams (photo publicitaire pour WSM en 1951)
Le héros le plus populaire de la musique bluegrass est certainement Hank Williams. Avec son éternel chapeau de cow-boy sur la tête, ce chanteur guitariste est considéré avec Jimmie Rodgers comme le fondateur du Country and Western. Son importante discographie laisse pour la postérité de nombreuses chansons populaires. Mort prématurément en 1953, à l’âge de 29 ans, Hank Williams a été d’une influence primordiale concernant l’essor de cette musique, véritable appel d’air pour les couches populaires du Sud et de l’Ouest des États-Unis. On lui doit de nombreux classiques, comme : Your cheatin' heart, Ramblin' Man, Jambalaya, Honky tonk blues ou encore Honky tonkin', Movin' on, I saw the light. Son fils, Hank Williams Junior a suivi la même voie en enregistrant plusieurs albums comprenant des chansons écrites par son illustre père.
HANK WILLIAMS : JAMBALAYA
LE BLUEGRASS « REVIVAL »
Aujourd'hui, la musique bluegrass se serait-elle tue ? Alors que les musiques électroniques envahissent le devant de la scène, une musique purement acoustique, seulement alimentée par des rimes traditionnelles venues du fin fond des États-Unis, peut-elle vraiment résister ? La réponse est oui, mais un oui plutôt timide, car si de jeunes musiciens américains tentent de renouer avec ce passé glorieux en revisitant son répertoire, c’est certainement pour donner plus de pouvoir à leurs guitares électriques ou pour parodier son univers, voire de façon humoristique, comme avec le groupe Hayseed Dixie qui interprète depuis maintenant une quinzaine d’années sur des instruments folk et dans un style bluegrass des reprises de hard rock (notamment AC/DC).
Pourtant, lors de festivals qui lui sont consacrés, la musique bluegrass comme la musique country continuent de drainer un public de fans toujours prêt à festoyer et à danser au son d’une simple guitare acoustique et d’un violon. Une fois de plus, le cinéma arrive à la rescousse pour apporter une réponse sans ambiguïté… Après le succès du film O’Brother (2000) et Retour à Cold Mountain (2003), le film Alabama Monroe, en étant gratifié d’une bande originale signée du groupe The Broken Circle Breakdown, redonne le sourire à une musique qui était en manque de félicité.
Instruments acoustiques, chœurs de circonstance, la BO respecte l’esprit du bluegrass, à la fois gaie, tendre et chaleureux. Cette histoire d’amour, rythmée par la musique, nous a permis de découvrir à l’écran le couple Johan Heldenbergh et Veerle Baetens, mais aussi d’entendre des chansons qui trouvent ici leur résonance la plus parfaite au point de vous trotter dans la tête bien après le générique de fin.
On dit souvent que le bluegrass fait penser à la musique des pionniers de l’Ouest, à ces aventuriers d’un autre temps, pour autant, que l’on aime ou pas ses mélodies au style certes désuet, la musique bluegrass ne mérite-t-elle pas d’avoir une place dans votre discothèque, même minime ?
Par Elian Jougla (Cadence Info - 02/2017)