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SON & TECHNIQUE

LE DEFECTRON, LE RETOUR AU SON ANALOGIQUE D'AUTREFOIS

Si je vous dis DEFECTRON, ce mot-là n’évoquera certainement pas grand-chose pour vous. Mais il n’y a pas si longtemps, au tout début des années 90, quand l’ère du numérique était en pleine ascension, des chercheurs ont imaginé un appareil capable de retrouver la chaleur et les défauts du son analogique. Et pour quelles raisons ont-ils souhaité retrouver le son analogique ? Simplement, parce que le passage du son analogique au son numérique avait provoqué un certain cataclysme dans le milieu professionnel.


LE DEFECTRON, LA NOSTALGIE DU SON ANALOGIQUE

L’oreille n’est pas un organe parfait comparé à ces bijoux de technologie. Les goûts et couleurs, comme les effets de mode, sont parfois rejetés avec violence. D’ailleurs, aujourd’hui encore, il existe chez ceux qui ont connu la musique analogique une certaine nostalgie. Pas uniquement parce qu’ils trouvent le son analogique plus beau, mais également pour la relation physique qu’ils entretiennent avec les objets. Le plaisir de toucher un disque, de le manipuler avec soins et de le poser sur la platine, c’est tout un cérémonial ! Sans compter le plaisir des yeux en contemplant la pochette, tout cela a quelque part disparu avec l’arrivée du numérique. Cette technologie a formaté la musique, mais aussi notre relation avec elle en la banalisant.

Quand le tout numérique est utilisé, c’est-à-dire quand toute la chaîne de fabrication du son, de l’enregistrement à la reproduction, utilise des appareils numériques (disques DDD), il existe une certaine perfection sonore dans son résultat… Et c’est cette dimension de perfection sonore qui a agacé certains artistes, producteurs et ingénieurs du son.

À l’époque, le premier chantage contre le tout numérique était l’absence de chaleur sonore. Le mot “clinique” a même été employé pour définir cette sonorité toute nouvelle. D’ailleurs, encore aujourd’hui, certaines radios “branchées” utilisent des égaliseurs pour compenser le manque de chaleur sonore apporté par le tout numérique.

Mais qu’est-ce que la chaleur sonore ?

C’est très difficile à expliquer avec des mots… La chaleur sonore nous fait pénétrer au cœur du son et de ses mystères. Toutefois, on dit souvent que la sensation auditive qu’elle procure, offre un sentiment diffus de bien-être, plus reposant et moins agressif que l’écoute de la musique numérique. C’est comme si le son devenait plus riche harmoniquement, vous enveloppant… comme s’il souhaitait flatter vos oreilles en vous invitant à rester à l’écoute.

Finalement, c’est comme si on comparait le son des amplis à lampes d’autrefois avec ceux à transistor ?

C’est cela, mais avec la différence que très rapidement des constructeurs ont eu l’idée de créer des boîtes à effet pour les musiciens, pour qu’ils retrouvent, avec leur instrument, le son légendaire des amplis à lampes.

Et ce n’est pas le cas du numérique ?

Certains maillons de la chaîne numérique utilisent des effets pour compenser et modifier le son, mais la technologie et la façon de s’en servir sont très différentes. De plus, le numérique offre tellement d’avantages, tant économiques que techniques, qu’il paraît difficile, voire impossible, de revoir la question d’un retour à l’analogique sérieusement.

LE DEFECTRON, UN OUTIL HORS NORME

Vous avez parlé au tout début de notre entretien d’un appareil appelé le DEFECTRON. À quoi sert cet appareil ?

Servait plutôt, car le DEFECTRON n’est plus utilisé aujourd’hui. L’invention est américaine. Une société, baptisé du nom de AUDIOLESS, a conçu à la fin des années 80 un appareil capable de recréer un son défectueux à partir d’un son parfait.

C’est l’histoire du chat qui se mord la queue, ce que vous dites là !

Cela peut faire sourire, mais c’est parfaitement exact ! Toutefois, le son n’est pas sali dans son ensemble. Il est possible de sélectionner les “tranches sonores” que l’on souhaite modifier.

En partant d’un son parfaitement propre, on rajoute certaines colorations et certains défauts pour retrouver le son des enregistrements d’autrefois, comme les crachements d’un vieux 78 tours.


UN GÉNÉRATEUR DE BRUIT POUR SALIR LE SON

Si j’ai en ma possession un DEFECTRON, quelles sont les modifications que je peux apporter à l’écoute ?

Ce n’est pas lors de l’écoute, à travers une chaîne Hi-Fi, que le DEFECTRON est utilisé, mais en studio lors de l’enregistrement. L’appareil s’insère généralement entre la sortie de la table de mixage numérique et le magnétophone numérique. L’appareil dispose d’un pupitre de commande constitué d’un générateur de bruit performant, qui est capable de générer artificiellement du bruit de fond. Le souffle ainsi produit n’est pas linéaire, mais réagit en fonction du rapport signal/bruit.

Le générateur de bruit comprend également un circuit de ronflement dosable qui apporte au son final la chaleur souhaitée. Le must de cet appareil est d’être capable de reproduire la non-linéarité de la bande magnétique, avec un réglage précis du taux de distorsion, de 0,1 % à 10 %. On retrouve ainsi le fameux pleurage des bandes magnétiques d’autrefois.

Et le problème du défilement de la bande ?

Oui. C’est présent dans le DEFECTRON. Cela s’appelle un circuit à ligne de retard. Quand ce circuit est poussé à son maximum, on obtient un son saccadé, mais son but est bien sûr de simuler l’irrégularité du défilement d’une bande magnétique.

Et c’est tout ?

Ce n’est déjà pas si mal ! Mais les concepteurs ont par ailleurs pensé au disque vinyle et à ses défauts. Un circuit réglable en intensité est destiné à reproduire les minuscules crachements simulant la lecture du disque ainsi que les craquements électrostatiques.

Une autre limite de l’enregistrement analogique, par rapport au numérique, est le niveau de séparation des canaux droit et gauche. Quand on compare les 35 dB de l’analogique au 90/100 dB du numérique, on se rend compte, tout de suite, que la technologie numérique a permis de réaliser un pas de géant… question performance. Le DEFECTRON est capable de doser la séparation des canaux de 0 dB (son mono) à 90 dB de séparation (le maximum à l’époque de sa sortie)

Enfin, un dernier réglage qui a son importance : transformer la courbe de réponse parfaite du numérique (de 20 Hz à 20 kHz à 0 dB) en une courbe imparfaite. Vous pouvez à loisir perdre des aigus et des graves comme vous le souhaitez.

Le DEFECTRON, avec ces nombreux réglages, était capable de restituer la qualité sonore des anciens enregistrements à la perfection. Ensuite, lors de l’enregistrement final et grâce à la technologie numérique, tous les “défauts” reproduit avec le DEFECTRON se retrouvent parfaitement conservés.

Pourquoi le DEFECTRON a-t-il été aussi peu utilisé ?

Le DEFECTRON a de nombreux avantages, comme celui de reproduire des défauts de dégradation plus ou moins importants et de façon constante, quel que soit le nombre de pressages… Ce qui n’est pas le cas avec les disques vinyle, la matrice s’usant au fur et à mesure.

Son grand défaut a été son prix prohibitif. Seuls les grands studios pouvaient s’offrir une telle machine. Exit, les home-studios à budget réduit… ils ont dû se contenter d’une qualité numérique « normale ».

Comme le produit AUDIOLESS avait du mal à respecter le cahier des charges lié au numérique, les grands promoteurs de cette technologie, Philips et Sony, en ont profité pour poursuivre AUDIOLESS en justice, pour publicité tendancieuse. Pour les deux leaders du marché numérique, tout ceci ne visait qu’à déclencher une certaine polémique au détriment de la société AUDIOLESS. L’objectif était avant tout commercial. À une époque où le disque vinyle était encore bien présent dans les bacs, l’arrivée du DEFECTRON avait semé le trouble… celui de dénonçer une course sans fin à la perfection sonore.

Si l'enregistrement analogique vous passionne, vous pouvez consulter le dossier que le site 'Piano Web' consacre à ce sujet : L’enregistrement analogique.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 07/2010)


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