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MUSIQUE DE FILMS


VANGELIS ET LA MUSIQUE DU FILM 'BLADE RUNNER'



Doit-on encore présenter le compositeur Evangelos Odysseas Papathanassiou plus connu sous le nom de Vangelis ? Le musicien grec, figure emblématique d’une musique pop mélodieuse aux côtés de Demis Roussos et de Lucas Sideras dans le groupe Aphrodite’s Child (It’s Five O’Clock, Rain and Tears), va voler de ses propres ailes pour devenir un compositeur de renommée internationale dans les années 70/80...


VANGELIS PAPATHANASSIOU

Musicien autodidacte et multi-instrumentiste, Vangelis devient populaire auprès du public avec ses musiques de films animaliers (L’apocalypse des animaux - 1973, La fête sauvage - 1976, Opéra sauvage - 1979). Face à l'écran, le compositeur se transforme en un improvisateur inspiré, créant un climat sonore unique et reconnaissable. Cela saute immédiatement aux oreilles quand on écoute les musiques des films de Frédéric Rossif.

Ses compositions, qualifiée à tort de New Age, brasse en vérité un univers sonore beaucoup plus large. Compositeur fécond, Vangelis possède une discographie imposante reposant sur des musiques de films, mais aussi sur de nombreux albums réalisés en solo et en duo (collaboration avec Irène Papas, Jon Anderson).

En 1981, grâce à la musique du film Les chariots de feu, Vangelis remporte son premier Oscar. Pour le compositeur, c’est la consécration, mais aussi une énorme surprise quand on connaît la place qu'il occupe dans l’univers de la musique de films, aussi bien par le style musical qu'il développe que dans sa façon de l’aborder. L’artiste travaille le plus souvent seul et joue de tous les instruments, allant jusqu’à finaliser sa musique en l’enregistrant dans ses propres studios.


BLADE RUNNER, LE FILM

L’année qui suit la sortie du film Les chariots de feu, Vangelis va changer d’univers cinématographique en composant la musique du film Blade Runner de Ridley Scott. Le scénario est une libre adaptation du roman des Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons. Les cinéphiles sont invités à plonger dans des décors de science-fiction sombre et froid... En 2019, la société est devenue machiavélique, Los Angeles est dirigée par des robots à l’image de l’homme (les réplicants). Harrison Ford incarne le policier courageux et sensible, menant la chasse à ces derniers.

À sa sortie, si le film est un échec aux États-Unis, son style visuel et son ambiance dramatique propre au film policier vont devenir ses atouts. Avec le temps, Blade Runner est devenu un film culte, une référence dans l’univers de la science-fiction, notamment dans le genre cyberpunk. Dix ans après sa sortie, une opération de ‘director’s cut’ (montage) sera réalisée pour renforcer la fable humaniste du film.


LA MUSIQUE DU FILM ‘BLADE RUNNER’

De la même manière que le destin s’est acharné sur Alien (1979), un des chefs-d’œuvre de Ridley Scott, la bande-son de Blade Runner va subir en son temps les outrages de l’industrie du disque (1). La musique de Vangelis, bloquée à sa sortie pour de sombres raisons de licence, va devoir attendre douze longues années pour obtenir sa sortie officielle.

Comme Vangelis n'est pas en mesure d'éditer la bande originale, une première version inspirée de sa musique est produite. Les admirateurs de l’artiste se contentent alors d’une illustration édulcorée confiée à un grand orchestre, le New American Orchestra.

En 1982, lors de la création de la musique du film, Vangelis s’enferme dans son studio de Marble Arch à Londres. Le compositeur aime s’isoler. Dans cet univers qu’il a lui-même imaginé et construit, il y trouve son inspiration. Pour Blade Runner, la tonalité blues va conduire ses pas. Le score rétrofuturiste prend place…

Lors du montage, Vangelis devient le fin observateur, le maître d’œuvre d’un scénario qu’il connaît sur le bout des doigts. Chaque cadrage déclenche ses propres interventions sonores. Le Main Title, qui sert d’ouverture au film avec son orchestration à l’allure pompeuse, illustre parfaitement l’irruption des véhicules volants à l’écran. Rien n’est laissé au hasard, même si l’on regrette au passage un mixage de la musique très en retrait dans la première version du film.

Le mélancolique Love Theme et son thème jazzy joué au saxophone restituent la solitude alcoolisée du policier Deckard, dont les traits rappellent ceux des héros de Raymond Chandler et de Jim Thompson. Cette mélancolie sera également reconduite avec la très belle mélodie de Memories of Green. Au piano, Vangelis y incorpore des bruitages électroniques ainsi que de courtes fugues électroniques. Pour la scène qui montre la « termination » de l’androïde Zhora (Joanna Cassidy), le blues reprend ses droits en devenant un blues de circonstance (Blade Runner Blues). Quant à la chanson One More Kiss, Dear (2), délicieusement rétro, elle semble être un ersatz égaré dans cette bande-son aux couleurs futuristes.


VANGELIS : MEMORIES OF GREEN
(version orchestrale enregistrée en 1982 par The New American Orchestra).

Pour réhabiliter la musique de Vangelis, en 2007 paraît une nouvelle version en même temps que l’édition 'final cut' du film de Ridley Scott. L'Edition du 25e anniversaire est un triple CD qui semble vouloir conclure la saga contrariée du score de Vangelis. Véritable patchwork sonore, chaque CD possède sa propre lecture de la musique du film : le premier consacré à la version de 1994 (3), le second contenant des inédits du compositeur et le troisième des créations reprenant certains des thèmes dans un style plus contemporain.

(1) La musique de Vangelis est toutefois nommée en 1983 pour un BAFTA et un Golden Globe Award dans la catégorie « meilleure musique de film ».

(2) Au départ, Ridley Scott souhaitait utiliser la chanson If I Didn’t Care interprétée par The Ink Spots pour la scène dans laquelle Deckard achète de l'alcool, mais faute de pouvoir acquérir les droits, le metteur en scène demanda à Vangelis d'écrire une musique aussi proche que possible de l’original et ce fut One More Kiss, Dear ; le pianiste Peter Skellern se chargeant d'écrire les paroles de la chanson.

(3) Pour la version de 1994, outre Vangelis, d’autres artistes ont collaboré à la musique : le compositeur et pianiste Peter Skellern (arrangements), Demis Roussos (chant sur Tales of the Future), Don Percival (chant sur One More Kiss, Dear), Dick Morrissey (saxophone sur Love Theme), l'Ensemble Nipponia (chœur), et Gail Laughton (harpe). La chanteuse Mary Hopkin (chant sur Rachel’s Song) tout en ayant participé à la bande-son n'apparaît que sur le disque audio.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2013)
(source : 100 BO cultes de Christophe Geudin, Olivier Cachin)


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