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MUSIQUE DE FILMS


EVITA, UN FILM MUSICAL AVEC MADONNA ET ANTONIO BANDERAS

Nous sommes en 1996 et un film consacré à la vie de l'actrice et femme politique d'Argentine, Eva Perón, sort sur les écrans avec en tête d'affiche la chanteuse Madonna...


UNE CERTAINE EVITA

Eva Perón, la madone du peuple argentin que l'on surnomme Evita, a eu une existence aussi édifiante que controversée. Issue de la classe ouvrière, on disait d'elle qu'elle possédait une grande force d’âme, un sens de l’amitié et de la justice. Cependant, une partie du peuple avait fini par mettre en cause sa loyauté, ne sachant si le comportement de l'ancienne starlette, avide de luxe et de popularité, n'allait pas à l'encontre de son rôle actif dans les luttes pour les droits sociaux et pour les droits des travailleurs. Or, contre toute attente, celle qui fit office d'éminence grise pour son mari, le président Perón, n'hésita pas à poser un jour sa candidature à la vice-présidence dans un pays, où hier encore, les femmes étaient privées de votes. Malheureusement, en raison de sa santé déclinante et de diverses pressions, elle dut renoncer. Un an plus tard, en 1952, un cancer l'emportait alors qu'elle n'avait que 33 ans.

© À g., Eva Perón, la comédienne en 1943 (wikimedia) - À dr., Eva Perón, la femme engagée lors d'un discours politique en 1951 (picryl.com).

Tandis que la production recherchait une comédienne pouvant incarner Evita à l'écran, de son côté, Madonna rêvait de tenir le rôle. Malgré la complexité du personnage, la chanteuse aimait l'histoire de cette femme engagée socialement et politiquement. Par chance, elle avait été informée que la personne qui devait se tenir derrière la caméra n'était autre qu'Alan Parker, le réalisateur du dramatique Midnight Express (1978) mais aussi de Fame (1980) et de Pink Floyd The Wall (1982), deux films musicaux qui ont fait date. Sachant cela, Madonna rédigea une longue lettre qu'elle envoya au metteur en scène et dans laquelle elle détaillait toutes les bonnes raisons pour que celui-ci l'engage.

Cela tombait sous le sens et plutôt à l'avantage de Madonna. Elle avait su trouver les mots, éloignant à tout jamais les nombreuses actrices et chanteuses qui s'étaient présentées : Mariah Carey, Gloria Estefan, Jennifer Lopez, Barbra Streisand ou encore Bette Midler et Meryl Streep. Dès lors, avec l'aval du réalisateur, une importante production se mit en place pour adapter au cinéma l'une des comédies musicales les plus acclamées de tous les temps, Evita.

Écrit par Tim Rice et Andrew Lloyd Webber dans les années 1970, le scénario décrit la vie d'Eva Duarte, une personne ambitieuse et déterminée. Madonna sait qu'elle doit se métamorphoser en une femme amoureuse du général Perón, mais surtout, en une sainte dévouée à son peuple. Du moins, c'est de cette façon que les scénaristes décrivent le personnage, car dans les faits, Madonna va jouer de son habituelle démesure pour que son passage sur le grand écran soit remarqué. Et de quelle manière ! Avec ses 85 costumes, ses 30 chapeaux, ses 45 paires de chaussures et ses 56 boucles d'oreilles, comment ne pas entrer dans le Guinness Book et faire parler de soi !


MADONNA : "BUENOS AIRES"

EN PLACE POUR UN SYNOPSIS TAILLÉ SUR MESURE

Eva Duarte est une femme remplie d'ambition. Son rêve : conquérir Buenos Aires. Elle part avec son amant Agustín Magaldi (Jimy Nail) vers la capitale. À force de détermination, elle finit par obtenir quelques rôles au cinéma. Son rêve prend place quand elle rencontre Juan Perón (Jonathan Pryce) lors d'une soirée. Eva se marie avec lui et devient la Première dame d'Argentine quand son époux est élu président la même année. Surnommée « Evita », Eva Perón est désormais au cœur d'une vie opulente. Mais le peuple finit par s'indigner de sa démesure, tandis que le monde aristocrate refuse son ascension. À 33 ans, sa santé chancelle, et un soir de 1952, elle s'effondre lors d'une cérémonie en son honneur.


LES PÉRIPÉTIES D'UN PROJET

Avant de pouvoir être tourné, le film Evita passera de studio en studio, de main en main pendant plusieurs années. C'est fréquemment le cas quand il s'agit de réaliser un film au budget conséquent. La première étape consistera à faire accepter une adaptation cinématographique d'Evita à ses auteurs, Tim Rice et Andrew Lloyd Webber.

Or, après le succès rencontré durant huit ans par la comédie musicale au "West End Theatre" de Londres, les droits d'adaptation d’Evita vont se heurter à une guerre d'appels d'offres des studios : EMI Films, Warner Bros., Metro-Goldwyn-Mayer... pour finalement tomber dans les mains de Paramount Pictures.

La société de production avait prévu un budget de 15 millions de dollars et une mise en chantier dès 1982. Pour réduire les coûts, le producteur Robert Stigwood et les auteurs Tim Rice et Andrew Lloyd Webber finiront par accepter une réduction de leur salaire, mais à condition d'obtenir un pourcentage plus conséquent sur les futures recettes du film. Robert Stigwood engage alors Ken Russell comme réalisateur, après leur collaboration pour Tommy des Who (1975). Reste à résoudre la zone d'ombre : l'actrice pouvant interpréter le rôle-titre.


ANTONIO BANDERAS : "BUENOS AIRES"

En novembre 1981, des essais sont menés dans les studios d'Elstree, à Londres. Liza Minnelli, la plus expérimentée, est la première à se présenter. D'autres suivront, dont Elaine Paige, qui tenait déjà le rôle dans la comédie musicale. Le terrain de la recherche s'élargira aussi aux metteurs en scène. Seront alors pressentis des réalisateurs de premier plan : Ken Russell, Herbert Ross, Richard Attenborough, Alan J. Pakula, et même Francis Ford Coppola et Oliver Stone. Ce dernier, après avoir accepté le sujet, s'en détournera pour développer un autre projet, un biopic sur le groupe de rock The Doors (1991).

Mais l'histoire ne s'arrête pas là ! En 1990, les droits changent encore de studio et le projet passe chez Walt Disney Studios Entertainment, qui engage Glenn Gordon Caron comme réalisateur. Cependant, un an plus tard, Disney renonce à poursuivre quand le budget atteint les 30 millions. Puis, en novembre 1993, Robert Stigwood revend les droits à Andrew G. Vajna et sa société Cinergi Pictures. Oliver Stone revient dans le projet. Le tournage est prévu pour débuter en 1995, mais le réalisateur se brouille avec le co-producteur du film, Arnon Milchan, et quitte à nouveau les studios en juillet 1994. Ce n'est qu'en décembre de la même année que Robert Stigwood et Andrew G. Vajna engagent officiellement Alan Parker comme réalisateur, co-producteur et scénariste.

En mai 1995, Alan Parker, Tim Rice et Andrew Lloyd Webber travaillent sur l'adaptation de la musique pour le film. Puis, Alan Parker finit par obtenir un R.V. avec le président argentin Carlos Menem pour parler des conditions du tournage. Mais en Argentine, la réalisation d'un film ne va pas toujours de soi. Toutefois, Alan Parker, directement confronté à ses choix, finit par obtenir une liberté totale pour filmer dans le pays, à l'exception de la Casa Rosada, le siège du pouvoir exécutif argentin de Buenos Aires. Le tournage pouvait enfin commencer...


MADONNA : "DON'T CRY FOR ME ARGENTINA"

DES CHANSONS ET DES TUBES EN PUISSANCE

© Import - Pochette de la musique du film Evita (version 2015 - japon).

Dans la version filmée, les chansons sont nombreuses et, faits rares, les principaux acteurs ne sont pas doublés. Ce sont bien eux qui chantent : Antonio Bandera (qui joue le rôle du Ché), Jonathan Pryce et bien sûr Madonna.

Sur une musique signée Andrew Lloyd Webber, les dialogues sont tous chantés et sont à l'image de la majorité des comédies musicales, calculés pour transporter le spectateur dans un fauteuil. C'est du divertissement à l'état pur. Seule l'introduction instrumentale du film inclut quelques dialogues parlés, quand Eva, alors enfant, se faire refouler de l'église lors de l'enterrement de son père, dont elle est la fille illégitime.

Madonna porte le long métrage sur ses épaules et permet à de nombreuses chansons de connaître leur heure de gloire. L'album Evita : Music From The Motion Picture connaitra un beau succès, surtout aux États-Unis et au Royaume-Uni. Certaines mélodies échoueront dans des versions théâtrales d'Evita avec autant de succès, telles I'd Be Surorisingly Good For You, You Must Love Me et l'hymne Don't Cry For Me Argentina.

Après le succès du film, le gouvernement argentin sortira sa propre version du film sous le titre Eva Perón: The True Story (1996), une façon bien intentionnelle de corriger les « altérations » présumées écrites par Andrew Lloyd Webber.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 10/2022)


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