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SON & TECHNIQUE

DES ALGORITHMES AU SERVICE DES MUSIQUES DE DEMAIN

En 1997, la victoire du supercalculateur « Deep Blue » surclassait le champion Garry Kasparov dans une ultime partie d’échec qui démontrait la toute puissance et l’efficacité de l’informatique dans un proche avenir. Aujourd’hui, dans un monde numérisé, rien de plus banal qu’un algorithme toujours prêt à assister le consommateur dans le choix d’une musique en se mettant à sa place et pour le compositeur en banalisant l’acte créatif grâce au renfort de l’intelligence artificielle...


MUSIQUE ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

En 2016, le jeu vidéo ‘No Man’s Sky’ offrait déjà 18 trillions de ‘mondes virtuels’ à visiter. Pour les explorer tous, vous ou moi aurions besoin de quatre milliards d’années ! Cet univers généré de façon automatisé grâce à l’intelligence artificielle (A.I.) s’accompagne d’une musique qui peut l’être tout autant...

La musique du jeu est l’œuvre d’un groupe anglais de post-rock créateur d’instrumentaux, '65daysofstatic' (ou 65days), une aventure conduite sous la houlette de son leader Paul Wolinski. Pour la musique servant à illustrer ‘No Man’s Sky’, les concepteurs du jeu souhaitaient adopter la même résolution, celle des algorithmes, c’est-à-dire en provoquant une musique qui ne cesse d'être différente.

© pixabay.com

À la base, la « BO » a été enregistrée en studio comme n’importe quel album, chaque algorithme devant faire varier à l’infini chaque segment sonore dans l'espoir de trouver une réponse satisfaisante au regard des nombreuses situations provoquées par le jeu. Pour les musiciens de '65daysofstatic' l’enjeu a consisté à fabriquer des fichiers audio avec des instructions précises à la clé comme le niveau sonore, l'emplacement des fichiers ou le déclenchement à un intervalle de temps précis.

Au moment de jouer, les ambiances ainsi générées accompagnent l’explorateur et font de 'No Man's Sky' une expérience sonore autant que visuelle. En conséquence, il en ressort que le joueur ne voit et n’entend jamais deux fois la même séquence, les combinaisons possibles étant pratiquement infinies.

À Paris, les pionniers de l’intelligence artificelle musicale sont sur les rangs en œuvrant dans le domaine de la création automatisée. Dans le laboratoire ‘Flow Machines’ (Sony CSL Paris), des algorithmes sont créés pour réarranger une partition, mais aussi pour recomposer intégralement une œuvre. L’idée de base est la suivante : à partir de plusieurs séquences sonores, des statistiques sont calculées par un algorithme pour ensuite permettre de produire d’autres séquences fortement similaires.

Un tel projet mobilise à la fois des scientifiques et des musiciens qui alimentent l’algorithme avec des éléments audio (boucles sonores). À partir des composants superposés servant de modèle étalon, la machine élabore de nouvelles mélodies en collant au plus près du style original. À la fin du processus, le musicien entre de nouveau dans la course en acceptant ou en rejetant le rendu du résultat.


LA CRÉATIVITÉ MUSICALE AUTREMENT

À Londres, une nouvelle « appli » conçu par A.I. Music pourrait bien sonner le glas du studio d’enregistrement tel que les gens le conçoivent généralement. Ironie du sort, la startup a vu le jour dans les studios mythiques d’Abbey Road. Sai Mahdavi, le PDG de ‘A.I. Music’ œuvre à ce qu’il appelle la démocratisation de la production musicale : « Il y a 20 ans, pour fabriquer une chanson, il fallait disposer d’un studio entier et dépenser des sommes folles. Aujourd’hui, on peut faire beaucoup de choses avec un simple ordinateur portable, des logiciels et un micro. Il faut seulement savoir utiliser tous ces outils. Chez ‘A.I. Music’ on va encore plus loin en rendant la création accessible à chacun avec son téléphone. » (source ARTE)

Cependant, avoir une jolie voix reste toutefois une valeur sûre. On la pose d’abord sur une version instrumentale. Ensuite, l’application arrange le résultat en quelques secondes pour un rendu de qualité studio. Il est même possible de générer des remix dans plusieurs styles à la volée : pop, R&B, hip-hop, jazz, etc.

Alors que certains imaginent l’avenir de la musique sous cette forme, d’autres penchent au contraire sur une fin programmée. « Dans l’industrie musicale, je pense que l’intelligence artificielle va remplacer les tâches sans enjeu qui sont plutôt un obstacle à la créativité. Pour moi, d’ici à 5, 10 ans, on va vivre ce qu’on appelle une singularité économique. Beaucoup d’emplois vont être automatisés. Cela va déboucher sur une forte tension économique et peut-être une crise. Le capitalisme va dicter ce changement. » raconte Sai Mahdavi.

La musique de demain sera-t-elle aussi abstraite que philosophique en s’adaptant à la personnalité de chacun ? On pourrait répondre par l’affirmative si l’on admet que la contribution à l’effort créatif ne devait dépendre que de l’intelligence artificielle. Or, si nous souhaitons que les compositions musicales de demain fourmillent d’originalité et ne soient pas construites comme une suite de leitmotiv sans âme, nul doute que les musiciens devront rapidement redoubler d’idées pour que les futures technologies s'accordent aussi bien qui hier à l'éclosion de nouvelles révolutions musicales.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 06/2020)


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