LA PERSONNALITÉ DE LA VOIX
Pour bien chanter, le premier devoir est d'aimer sa voix. Or celle-ci, celle que nous entendons quand on parle ou quand on chante, n'a pas les mêmes caractéristiques sonores que celle entendue par l'entourage. Point de mystère à cela. Notre voix, qui résonne dans notre tête, se combine avec sa projection vers l'extérieur avant d'être capturer par nos oreilles. Il est ainsi essentiel de garder à l'esprit que notre voix, telle que nous l'entendons, sera invariablement une parfaite inconnue pour les autres. De fait, dès qu'un microphone capture votre voix, il ne retranscrit plus celle qui navigue à l'intérieur de votre corps, mais uniquement celle qui sort de la bouche.
Généralement, tout ce qui la définit à titre personnel disparaît, notamment les graves qui bien souvent sont synonymes de chaleur et d'envoûtement. Ceci explique que le chanteur ou la chanteuse qui entend pour la première fois sa voix enregistrée ne l'aime guère. Conséquence : pour satisfaire l'interprète et compenser la disparition de la voix intérieure, les studios ont souvent recours à une coloration artificielle via des corrections (fréquences) et des effets artificiels.
L'ENREGISTREMENT DE LA VOIX
De nombreuses personnes imaginent que l'enregistrement d'une voix se déroule systématiquement dans une petite cabine insonorisée. Pas necessairement ! Cette méthode d'écoule des grands studios d'antan, quand il était important d'isoler la chanteuse ou le chanteur de l'orchestre pour que la voix soit enregistrée proprement. Depuis, bien des choses ont changé. Toutefois, la cabine rassure. En effet, certains artistes se sentent plus sûrs d'eux-mêmes quand ils se trouvent seul dans un espace clos minimaliste.
Pour être mener à bien, la prise de son repose surtout sur une bonne compréhension des besoins de l'interprète. Qu'il ait des exigences, c'est normal ! La voix n'est pas un instrument comme les autres. Elle peut être robuste ou devenir fragile l'instant d'après. Rien n'est moins sûr qu'une voix, et le scénario prévu ne se réalise pas toujours en temps et en heure... Question de confort, de repos, d'assurance et de maîtrise. Un verre d'eau ne doit, en aucun cas, être bien loin de l'interprète.
Lors de l'enregistrement d'une chanson, les parties vocales doivent être particulièrement mises en valeur. Généralement, elles sont enregistrées en dernier, après les instruments, souvent pour des raisons techniques. La voix lead (principale) est la partie la plus importante du morceau. Elle est en quelque sorte la tête d'affiche d'une réalisation artistique qui aura vraisemblablement demandé du temps.
La voix provient du corps et la moindre des vibrations est capturée par le microphone. Question technique, il n'existe pas de bonne ou de mauvaise façon de placer un micro pour l'enregistrement d'une voix ; les combinaisons et les dispositions voix/micros sont nombreuses, et comme l'« instrument » possède une plage dynamique très large, il est difficile de l'enregistrer soigneusement, à coup sûr. Sa capture définit une couleur, un timbre, une personnalité dans le résultat final d'une chanson. La qualité de l'enregistrement du chant est donc primordiale.
Lors de l'enregistrement des voix, le technicien son fait fréquemment appel à des microphones cardioïdes. Leur particularité est de renforcer la proximité, c'est-à-dire de provoquer une augmentation des graves quand l'interprète se trouve tout près du micro, à environ 30 cm. À cela s'ajoute la coloration apportée par le modèle utilisé. Un micro à la courbe linéaire (plate) n'existe pas, c'est un peu comme les écoutes (enceintes) : ce n'est jamais neutre. Dans le domaine du son, on s'efforce d'éviter autant que possible une modification du signal original, exception faite d'une prise de son collective (orchestre) qui réclame quelques ajustements et corrections techniques pour maintenir un certain équilibre du spectre audio en sortie de console.
Pour produire un effet spatial naturel à la voix, le technicien utilise deux microphones. Le premier est disposé proche de la bouche du chanteur pour favoriser la présence, tandis que le second est placé derrière l'interprète, un peu éloigné et en hauteur pour capturer le son d'ambiance (ondes réfléchies) ; le dosage de la dimension spatiale du son étant réglé via la console. De même, il est fréquent de doubler la prise d'une voix en l'interprétant au plus près de l'originale pour obtenir un son plus dense (richesse des harmoniques). Une autre technique consiste à réinterpréter la partie vocale en la chuchotant, puis de la mixer en arrière de la version principale pour créer un effet presque irréel.
LA QUESTION DU CASQUE
Durant l'enregistrement, le port du casque permet d'entendre sa voix telle qu'elle est capturée par le microphone. Cependant, cela peut représenter une gêne, jusqu'à provoquer un manque de concentration pour un interprète manquant d'expérience. L'écoute au casque possède néanmoins un réel avantage, celui d'aider à positionner sa voix de façon la plus juste vis-à-vis de la bande-son. Dans la cabine, il arrive parfois que l'interprète place le casque sur une seule oreille pour mieux entendre sa voix intérieure, créant de cette manière une sorte de mix entre la voix résonante du corps et celle issue du retour.
De même, le niveau de la partie instrumentale (l'accompagnement orchestre) n'est pas sans conséquence sur la performance technique de la chanteuse ou du chanteur et doit être optimisé de manière à satisfaire pleinement l'interprète. Enfin, il y a lieu de considérer la station debout préférable à celle assise, ceci pour éviter la compression du diaphragme.
© pxhere.com - Un microphone de studio équipé d'une supension (contre les vibrations) et d'un pop-up.
LES BONS RÉGLAGES
Dans un studio, il existe différentes démarches techniques qui permettent d'ajuster la voix aux désirs de l'interprète. Même le débutant a ses propres exigences. Un peu de basse pour la rondeur, du médium pour la présence et un soupçon d'aigu pour la transparence. Ces réglages, présents sur les consoles de mixage, corrigent certaines faiblesses (ou jugées comme telles). Ils ne concernent pas particulièrement l'interprète, mais plutôt le preneur de son, de même que le « filtre anti-pop » à glisser entre la voix et le microphone, toujours utile pour atténuer certaines consonnes et bruits causés par le déplacement de l'air.
Ensuite viennent les effets. La réverbération, la compression et d'autres outils plus secondaires jouent leur rôle en apportant une dose de tonicité et de profondeur, là où une voix mise à nu serait certainement moins séduisante à écouter.
Par ailleurs, nul n'ignore aujourd'hui les progrès obtenus par l'arrivée du numérique, la connaissance de l'acoustique et de la synthèse. Cette connaissance permet d'ouvrir la prise de son à d'incroyables perspectives. L'auto-tune, le premier, pourrait alimenter à lui seul le contenu d'un article consacré à l'enregistrement de la voix, puisque son but est d'analyser sa hauteur pour la recaler si nécessaire en l'alignant sur une échelle de notes prédéfinie ; une parade séduisante pour celles et ceux qui ne chantent pas toujours juste !
Bien sûr, tout ces effets appartiennent au domaine de l'alchimie sonore, du bidouillage de studio, et ne fera en aucun cas d'une voix quelconque celle d'un « Pavarotti » !
Par Elian Jougla (Cadence Info - 10/2023)
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